Pour IPODE, Dr Oumou Kalsoum LY analyse les enjeux du changement climatique pour la planète, la genèse des sommets sur le climat et le rôle à jouer par le Sénégal et l’Afrique au vu des enjeux particuliers qui les interpellent vis à vis de la COP21
La 21 ème Conférence des Parties ou COP21, qui aura lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015 au Bourget en Île de France, est la 21eme rencontre de la communauté internationale (CI) dans le cadre des négociations sur le Changement Climatique (CC). Ces conférences se tiennent sous les auspices de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), traité ratifié en 1992 par la presque totalité des pays. La CCNUCC enjoint les États parties de travailler à la résolution de la problématique du CC et, en particulier, à mitiger les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à renseigner de manière périodique sur les inventaires d’émissions établis au niveau national. Les engagements des parties membres couvrent la période allant de la ratification du traité à la date du 31 décembre 2012.
La ratification de la Convention Cadre a abouti à la division de la CI en 2 grandes catégories de pays : les pays membres à l’Annexe I, il s’agit :
– des pays membres de l’OCDE (au nombre prévalent à la date de 1990),
– des pays de l’ancien bloc soviétique, ensemble de pays auxquels ont été assignées des cibles de réduction des émissions de GES de manière spécifique et légalement contraignante pour la période 2008-2012
– Et les pays non-membres à l’Annexe I, qui consistent en l’ensemble des autres pays, y compris la Chine et l’Inde.
I – Genèse et sillage des sommets sur le Changement Climatique
Il est bien sûr important de comprendre l’historique menant à cette COP 21 : suite à la formation de ces 2 blocs et à la ratification du Protocole de Kyoto élaboré en application de la Convention Cadre, à la conférence de Bali sur le climat en 2007, un nouveau mandat a établi 2 orientations pour les négociations : une voie de négociation au sein des Parties au Protocole de Kyoto (PK) en vue du devenir de cet accord post-2012 d’une part, et, d’autre part, l’Accord de Coopération à long terme (Long-Term Cooperative Action, LCA) incluant les parties à la CCNUCC dans leur ensemble, dont les Etats-Unis (non signataires du PK), les pays non-Parties à l’Annexe I ainsi que les pays en développement. Le mandat de la LCA n’a pas spécifié si le but en était un traité légalement contraignant ou autre chose. A ce jour, cette procédure nous a gratifiés de l’Accord de Copenhague, des conventions établies à Cancun (Accords de Cancun) ainsi que de la Plateforme de Durban.
La Conférence de 2009 de Copenhague (15ème Conférence des parties de la CCNUCC ou UNFCCC COP 15) a été une étape importante et difficile. Bien que l’Accord auquel la Conférence est parvenu n’avait pas de caractère légalement contraignant, il a permis d’emmener toutes les parties à convenir, pour la première fois, de la mise en œuvre d’un ensemble d’actions listées et ce, avec transparence au niveau international. Subséquemment, près de 140 pays se sont associés à l’Accord de Copenhague dont 85 parmi eux, y compris la Chine, les Etats-Unis, et chacune des économies majeures-ont soumis, de manière formelle, à l’Accord, leur cible nationale ou actions pour la mitigation des émissions. En plus d’être signataires de l’Accord, les économies majeures ainsi que d’autres acteurs bilatéraux et multilatéraux ont pris des engagements significatifs allant dans le sens de faire face au défi du CC.
En décembre 2010, la Conférence sur le climat de Cancun (16ème Conférence des parties de la CCNUCC ou UNFCCC COP 15) a réalisé l’adoption formelle des Accords de Cancun avec la prise en charge des points de négociation majeurs :
⦁ Asseoir les engagements de mitigation de Copenhague ;
⦁ Etendre les clauses de transparence et d’obligation de rendre compte ;
⦁ Convenir de lancer le nouveau Fonds Climat Vert (FCV) pour venir en appui aux pays en développement dans leurs efforts visant à réduire les émissions et à faire face aux impacts du climat ;
⦁ Convenir de mettre en place des mécanismes nouveaux pour promouvoir la dissémination des technologies à faible effet carbone, dont le Centre et Réseau des Technologies Climatiques (Climate Technology Center and Network) ;
⦁ Souscrire à l’idée d’une nouvelle Commission sur l’Adaptation ;
⦁ Créer un cadre en vue de la réduction de la déforestation dans les pays en développement ;
⦁ Déclarer un objectif à long terme pour la limitation de l’augmentation du réchauffement global en-dessous de 2 degrés Celsius.
Cancun a été une conférence plébiscitée en raison des processus et institutions qu’elle a permis d’instaurer, à savoir :
⦁ Un mécanisme pour la dissémination de la technologie ;
⦁ Une Commission pour l’Adaptation ;
⦁ Un Fonds Climat Vert
⦁ Un Comité Permanent sur la Finance.
Les accords de Cancun ont montré la direction à prendre pour la réunion de Bonn de juin 2011 destinée à huiler les mécanismes du succès de la 17 ème Conférence des Parties Durban (COP 17) qui s’est tenue la même année au mois de décembre. Entre-temps, la réunion de Panama en octobre a essayé de s’attaquer aux aspects techniques permettant de faire avancer les décisions sur les principaux points de négociation : la transparence, la finance, les marchés du Carbone, l’adaptation, la technologie et la forme légale de l’accord recherché. En même temps, les parties ont commencé à développer les modalités de la soumission de rapports semestriels et d’une revue périodique pour la période 2013-2015 et à discuter des règles à adopter, fondements d’un régime transparent. Il a été fait appel aux pays développés afin qu’ils adoptent des standards de comptabilité communs et aux pays en développement pour qu’ils fournissent davantage d’informations sur leurs intentions, en particulier sur les hypothèses de base (quantifier leur Business-as-Usual ou BAU en l’absence de mitigation, devant servir de situation de référence, fournir les données de base et les mesures utilisées pour calculer les nombres qui représentent la réduction des émissions). Quant au travail sur le Comité Permanent Finance, il a consisté à définir les fonctions de ce dernier dont la visée est de se consacrer à la question de la complémentarité de différents flux financiers et à leur coordination, ainsi qu’à l’identification des sources de financement à long-terme. L’Union Européenne et le Japon ont été très actifs sur la question du rôle des marchés du Carbone dans l’ère post-2012, quand on sait que le principal mécanisme de marché mis en place par le PK-le Mécanisme de Développement Propre, CDM- pourrait être appelé à évoluer selon que de nouveaux mécanismes de marché se développent ou pas et selon le rôle que la CCNUCC pourrait jouer ou non. Enfin, les détails du développement du cadre pour l’Adaptation ainsi que du mécanisme de dissémination de la technologie ont été également discutés, avec moins de connotation politique cependant. La réunion de Panama s’est achevée sur des discussions de couloir et de plénière sur le cadre qui devrait contenir tout cela, à savoir le futur de PK ainsi que la forme légale d’un nouvel accord.
La COP 17 de Durban a donné naissance à ce que l’on a surnommé la Plateforme de Durban, un ensemble de résultats d’une potentielle puissance puisque reconnaissant le gap d’émissions, confirmant l’objectif à long terme, restaurant la foi dans le multilatéralisme et pointant en direction d’un accord qui a force légale et de caractère universel. La question qui s’est posée au vu des résultats de Durban, c’est de savoir si ces résultats seront suffisants pour résorber la crise du climat mais également de savoir si ces résultats pointent dans la bonne direction dans la mesure où relever le défi du CC est un effort multigénérationnel requérant une volonté politique qui ne défaillit pas et une transition totale vers une économie faible en carbone. Durban aura permis le prolongement du PK pour une deuxième période d’engagement des parties. Ce prolongement nous ramène à l’importance de la valeur politique d’une réduction des émissions basée sur des règles de la part d’un groupe de pays industrialisés (notamment, l’Union Européenne, la Norvège, la Suisse). La prorogation du PK a aussi permis de préserver d’importants mécanismes tels que les échanges d’émissions sur le marché, le Mécanisme de Développement Propre (CDM), ainsi que sa mise-en-œuvre conjointe par les parties. En ce sens, cette prorogation constitue un développement positif et un signal politique fort de la part d’un groupe de pays industrialisés majeurs. D’un autre côté, la voie de négociation parallèle au PK que constitue la LCA (Long-Term Cooperative Action) n’a pas connu de progression satisfaisante. Pas mal de points de négociation de la LCA sont restés irrésolus alors que d’autres ont évolué dans la mauvaise direction. Les parties à la LCA ont finalement accepté de s’entendre sur un texte peu satisfaisant comme le prix à payer pour avancer au rythme de la seconde période d’engagement du PK et de la Plateforme de Durban…
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