Ministre en charge du développement du secteur minier, M. Aly Ngouille Ndiaye, revient sur la politique de l’Etat dans le secteur, les grands projets dans le cadre du Plan Sénégal Emergent, la révision du Code, la revue des conventions minières… Autant de sujets brûlants abordés dans cet entretien, réalisé en perspective du Salon International des Mines (SIM 2014).
Pouvez-vous nous faire un bref rappel du cadre institutionnel et de la politique minière de l’Etat ?
Par les moyens d’une administration organisée, adaptée, dotée de moyens humains et matériels appropriées lui permettant d’accomplir ses missions et notamment, d’assurer le contrôle et la promotion du secteur minier, le ministère chargé des mines est l’institution principale chargée de la mise en œuvre de la politique géologique et minière définie par le Chef de l’Etat. Les fonctions régaliennes de l’Etat dans le secteur minier sont assurées essentiellement par la Direction des Mines et de la Géologie et les services régionaux des mines qui sont chargés de la surveillance administrative des opérations minières, en particulier les travaux de recherche et d’exploitation minière de même que l’amélioration des connaissances géologiques acquises par le service. Les orientations stratégiques majeures du récent diagnostic institutionnel du ministère vont permettre d’élever la transparence au rang d’impératif de gouvernance du secteur minier tout en le plaçant au cœur de l’émergence du Sénégal à l’horizon 2023.
Pourquoi un focus sur le secteur minier dans le Plan Sénégal Emergent ?
Le sous-sol du Sénégal recèle une grande variété de richesses minérales: fer, or, cuivre, tourbe, cuivre, chrome, phosphates d’alumine, argiles céramiques et industrielles, marbre, zircon, rutile, sables extra siliceux, etc. Cet important potentiel minier présente des enjeux importants de développement à valoriser. Dès lors, le secteur minier a été retenu parmi les six secteurs productifs prioritaires, identifiés dans le cadre du PSE, en raison de son rôle de plus en plus important dans l’économie nationale tant au niveau de l’exportation que de sa contribution à la diversification de l’économie. Ainsi, le PSE a fait l’option de consolider les acquis en plaçant les mines au cœur des secteurs moteurs de croissance et d’IDE afin d’en faire un véritable levier de développement.
Justement, quels sont ces leviers que vous utilisez pour attirer les investissements en sachant que le Sénégal demeure un jeune pays minier?
Pour promouvoir l’investissement minier et encourager la mise en valeur rationnelle des ressources du sous-sol, le Sénégal sera doté d’une législation minière moderne, plus conforme à l’orientation générale du droit minier international, du Code communautaire de l’UEMOA et des directives communautaires de la CEDEAO. En plus, le Sénégal, qui est d’abord connu pour ses importantes ressources en phosphates, calcaires et zircon en cours d’exploitation, s’est doté d’infrastructures géologiques performantes et bien adaptées permettant d’assurer une bonne promotion du potentiel minier national. Aussi, le faible indice de risque-pays et la bonne stabilité politique du pays sont des atouts importants pour attirer les investissements dans le secteur minier national.
Où en êtes-vous avec la révision du Code minier?
Le Code minier de 2003 en vigueur, élaboré dans un environnement minier international marqué par de profondes mutations et une compétition de plus en plus marquée entre les pays miniers émergents, a permis de démarrer plusieurs projets de recherche et aussi d’exploitation des ressources minérales nationales. Une évaluation récente a permis, cependant, de noter que des progrès pourraient encore être réalisés dans le sens du renforcement de la contribution globale du secteur au développement économique. En effet, l’ambition est de faire du secteur minier, une des rampes de lancement de l’essor économique et social par la génération d’une croissance distributrice de revenus. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les travaux en cours de révision du Code minier de 2003 avec pour objectif principal de renforcer le partenariat gagnant-gagnant entre pays d’accueil et investisseurs en créant un environnement minier favorable au développement macroéconomique durable et qui assure un équilibre entre la nécessité de mettre en place des mesures incitatives pour attirer, sécuriser et rentabiliser les investissements et la nécessité de prendre davantage en compte les intérêts de l’Etat et des populations. La Commission de révision du Code minier qui a travaillé, dans une démarche participative, avec l’ensemble des acteurs, depuis plusieurs mois, a déposé son rapport durant le 3ème trimestre 2014 qui sera examiné par le Gouvernement.
Quid de la revue des conventions minières ?
Concernant la revue des conventions minières, à l’issue de ses travaux et après un examen détaillé des conventions, la Commission, mise en place en août 2012 à cet effet, est arrivée à constater un important manque à gagner de l’Etat qui a été estimé, à partir des moins-values fiscales et douanières résultant des exonérations accordées aux sociétés bénéficiaires de concession d’exploitation. Dès lors, pour corriger ce déséquilibre, dans la perspective d’un partenariat de collaboration à long terme et dans l’intérêt du Sénégal et des investisseurs, il a paru nécessaire d’engager des discussions avec certaines sociétés. A titre d’exemple, avec Sabodala Gold Operations (SGO), filiale de Teranga Gold Operations (TGO), nous avons entrepris des discussions qui ont abouti à la signature d’un Accord de Principe le 29 mars 2013 et d’une Entente d’Application de l’Accord de Principe le 28 mai 2013 dont l’un des principaux résultats immédiats est la modification consensuelle de la convention minière pour prévoir une augmentation du taux de redevance de 3% à 5% à compter du 1er janvier 2013 pour la durée de la concession minière. Ce nouveau cadre de réalisation du projet aurifère de Sabodala a favorisé, au mois de novembre 2013, l’acquisition et le transfert au profit de TGO de la concession minière de Golouma, antérieurement détenue par la société Oromin Joint-Venture Group, avec comme corrolaire la fin des exonérations fiscales et douanières en avril 2015. Ainsi, sur une période de cinq années à partir de 2014, les prévisions de revenus pour l’Etat sont de l’ordre de 119 à 166 millions USD, compte non tenu de la redevance minière dont la valeur est estimée au minimum à 25 millions USD. Au titre de la redevance minière, les revenus de l’Etat ont progressivement évolué, soit 10 millions USD en 2012 et près de 15 millions USD en 2013. Pour la seule année 2014, les revenus estimés de l’Etat issus du projet SGO sont de l’ordre de 40 millions USD, tous impôts et taxes compris. Je dois rappeler que les revenus miniers de l’Etat pendant la période 2009-2011 étaient de l’ordre de 15 millions USD, soit 5 millions USD par année. Les revenus miniers de l’Etat ont été multipliés par huit ! Cette expérience positive de partenariat et de bonnes pratiques sera considérée comme un modèle à part entière pour les autres projets miniers.
A votre avis, quelle serait une fiscalité optimale pour sauvegarder les intérêts des différentes parties prenantes?
La fiscalité joue un rôle important dans le secteur minier. C’est le principal instrument de mobilisation des ressources financières essentielles au développement économique et social du pays. Dans cette perspective, nous devons nous assurer d’un juste équilibre entre un régime fiscal favorable à l’investissement minier et à la croissance économique et en même temps capable de fournir les revenus nécessaires au financement des dépenses publiques. Cette préoccupation est prise en charge par le nouveau Code Général des Impôts qui réconcilie les intérêts de l’Etat et des investisseurs. Pour ce qui nous concerne, le nouveau projet de Code minier prévoit d’évoluer d’une redevance uniforme de 3% en une formule de taxation optimale qui doit être fortement dégressive en fonction du niveau de valorisation des substances minérales. Notre objectif est de créer plus de valeur ajoutée sur le plan national et ainsi contribuer à la balance des paiements.
Quels sont les principaux chantiers miniers de l’Etat et quelles retombées faut-il en attendre pour l’Etat ?
Les principaux chantiers miniers de l’Etat sont contenus dans le PSE. Les ambitions stratégiques affichées dans le secteur minier sont déclinés en plusieurs projets, notamment : le développement de la filière phosphates fertilisants afin de porter le Sénégal dans le TOP3 des producteurs de phosphates à l’horizon 2023; l’accélération de l’exploitation des gisements de zircon et de l’exploitation du secteur aurifère; la relance du projet intégré sur le fer ; l’encadrement et la promotion des mines artisanales et l’érection du Sénégal en hub minier régional. Les objectifs retenus à l’horizon 2020 sont de produire annuellement entre 15 et 20 millions de tonnes de minerai de fer, de 2,5 millions de tonnes de phosphates, 3 millions de tonnes d’acide phosphorique, 17 tonnes d’or correspondant au triplement de la production actuelle et 90 tonnes de zircon.
En outre, la réalisation de ces grands projets miniers devrait contribuer à améliorer la compétitivité du secteur à travers notamment la construction d’un nouveau port minéralier et vraquier à Sendou ; la construction de la ligne de chemins de fer entre Tambacounda et Diamniadio ; la construction de voies ferrées entre la mine de fer de la Falémé et Tambacounda et entre Diamniadio et Bargny. À partir de 2015, les retombées économiques attribuables aux industries de phosphates seront perceptibles dans la perspective d’une reprise durable des ICS, de l’entrée en production des phosphates de Matam et de l’arrivée à maturation du projet de recherche de la société ATLAS qui a entrepris des études techniques pour l’implantation d’une unité industrielle intégrée à Tivaouane d’une capacité d’un million de tonnes de phosphates traités par an et une production d’acide phosphorique de 500 mille tonnes.
Où en est l’évolution du l’évolution du dossier du fer de la Falémé, après le compromis avec Mittal? Les intérêts du Sénégal étaient-ils bien préservés? Le Sénégal est-il en train de démarcher Kumba Ressources?
L’Etat a obtenu la libération des titres miniers du fer de la Falémé prononcée par la Cour Arbitrale. Sur ce dossier, les intérêts de l’Etat ont été bien préservés, contrairement à la gestion du contentieux judiciaire avec Kumba Ressources où l’Etat du Sénégal a été condamné à payer 42,5 milliards FCFA à la charge du contribuable sénégalais.
Je voudrais rappeler que c’est le Sénégal qui a attrait Arcelor Mittal devant la Cour Arbitrale pour, d’une part, demander la dénonciation des Accords et obtenir la libération des titres afin de pouvoir discuter avec d’autres investisseurs potentiels et d’autre part, demander la réparation du préjudice subi. En juillet 2012, par demande écrite, Arcelor a proposé l’ouverture de concertations avec l’Etat en vue de trouver une solution négociée. Après concertation avec ses avocats, le Gouvernement a marqué son accord. Après différentes péripéties, alors que les conseils recueillis par l’Etat auprès de différents experts et spécialistes en la matière recommandaient de limiter la demande de réparation à 100 millions USD, les discussions entre les parties aient abouti à un accord global portant, d’une part, sur le versement à l’Etat du Sénégal d’un montant de 150 millions de dollars et, d’autre part, sur la restitution des études techniques menées sur les mines de fer de Falémé estimées à 50 millions USD.
Sur la base de cet accord, les deux parties ont demandé au Tribunal l’arrêt de la procédure de demande de réparation. Voilà la réalité des faits qui ont permis au Sénégal de faire l’économie d’une procédure longue, coûteuse et à l’issue incertaine, d’encaisser le double des sommes dues à Kumba. Aujourd’hui, l’Etat n’est pas en discussion avec Kumba et a repris, en toute sérénité, la relance de ce projet qui figure parmi les 27 projets prioritaires du PSE.
Que faut-il faire pour que le secteur privé local, et même national, soit mieux impliqué dans l’exploitation de ces ressources de notre sous-sol ?
La participation du secteur privé national jusqu’à hauteur de 25% dans les projets miniers d’exploitation est prévue par le Code minier en vigueur et par les dispositions conventionnelles. Pour diverses raisons, la condition de capacité financière a toujours limité l’effectivité de la prise de participation du privé national. Toutefois, dans les opérations de recherche et d’exploitation de carrière et de petite mine, nous enregistrons, de plus en plus, une forte présence de nationaux. En rapport avec le secteur privé national, nous encourageons l’insertion des PME-PMI dans la chaine de sous-traitance qui constitue une importante niche de création de valeur.
Pourquoi, sur le dossier ICS, l’Etat du Sénégal a été obligé de résilier le contrat avec les Indiens de IFFCO ? Quels sont les termes du nouvel accord avec les Indonésiens de Indorama ?
Le contrat avec IFFCO n’a pas été résilié. En réalité, il s’agit du remplacement de SENFER par la société Indorama dans le consortium d’actionnaires des ICS dont il devient désormais l’actionnaire majoritaire à la suite de l’accord intervenu avec le groupe Archean. Indorama s’est engagé à mettre en œuvre un plan global de redressement des ICS pour assurer la réhabilitation des installations, l’exploitation et la reconstitution des fonds propres. Le montant global de l’accord d’investissement pour assurer la réhabilitation technique de l’outil industriel est de l’ordre de 225 millions USD dans un délai de 14 à 20 mois à compter de septembre 2014.
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