Un remède sensé soigner les maux des entreprises mais qui, au final, rend plus fragile la santé des sociétés. C’est ce vers quoi on s’achemine si les propositions de l’OHADA sur l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif sont approuvées.
La plupart des procédures de redressement judiciaire finissent en liquidation de biens. Un long cheminement qui aboutit rarement à une procédure de liquidation de biens, clôturée dans des délais raisonnables avec un désintéressement total des créanciers. Généralement, ces procédures s’éternisent dans les juridictions et ne sont «jamais» clôturées. Le cas de la défunte société panafricaine Air Afrique est en une parfaite illustration. La procédure de liquidation judiciaire, débutée il y a 22 ans, est toujours pendante devant les juridictions sénégalaises. On va vers de telle situation que le nouveau code est approuve par le législateur.
En effet, l’actuel code en cours prévoit trois niveaux de décision qui peuvent prendre plusieurs années avant que toutes les parties ne soient fixées sur leur sort par les tribunaux : le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire. Trois étapes qui avaient suscité beaucoup d’espoirs de la part des acteurs économiques de l’espace OHADA, à son adoption en 1999. Quinze années de pratique ont amené le législateur à prendre conscience des limites du texte originel et de son impact économique. Mais, les propositions mises sur la table sont loin de faire l’affaire. Il existe de véritables risques juridiques du dépérissement de la créance dans ces cinq nouvelles étapes.
En effet, le débiteur, qui manie bien la procédure avec ses limites, peut l’utiliser après avoir contracté un emprunt au nom de l’entreprise pour un détournement d’objectif après la mise à disposition de la créance. Le règlement préventif simplifié, tel que décliné par le nouveau texte, est la procédure de règlement préventif classique, amputée de sa substance. Cette amputation des fondements essentiels de la procédure par une série de dérogations, inappropriée et inopportune, donne libre cours au débiteur qui veut se soustraire de ses obligations de le faire légalement.
En effet, dans le cadre du règlement préventif simplifié, la dérogation permet au débiteur de saisir le président de la juridiction compétente pour obtenir une suspension des poursuites des créanciers sans même proposer un projet de concordat. La loi donne au débiteur des facultés exorbitantes qui lui permettent de se soustraire légalement de toute obligation substantielle de procédure. L’entrepreneur, qui utilise la bonne foi des cocontractants en nouant des accords qu’il a conscience de ne pas respecter, utilisera cette procédure pour se donner du répit face à l’assaut répété de ses créanciers. La permissivité de la loi permet la conversion de la conciliation en règlement préventif qui est une procédure essentiellement contractuelle.
L’entreprise, à son tour, n’échappe pas à cette possibilité de manœuvres frauduleuses par la mise en place d’une nouvelle procédure, intitulée «règlement préventif simplifié». Dès le début de la procédure, il est permis légalement à l’entrepreneur de mauvaise foi d’en abuser en ce sens qu’il dispense de produire les pièces essentielles permettant au juge d’avoir une idée très sommaire de sa situation économique. Ce système dérogatoire, poussé à l’extrême, permet de saisir le président de la juridiction compétente sans déposer de projet de concordat. C’est à se demander si le législateur OHADA est guidé par le désintéressement des créanciers et préserver l’entreprise, déjà mal en point du fait d’un environnement peu favorable tant interne qu’international. Comment un débiteur, qui sollicite un concordat de ses créanciers qui est homologué, peut-il faire appel contre une décision, sollicitée par lui, et qui l’obtient du Tribunal ? Curiosité juridique ou possibilité de dilatoire et de manœuvre frauduleuses offertes au débiteur ? En tout état de cause, la logique juridique voudrait que les créanciers, qui seraient lésés par cette mesure, puissent exercer ce recours. Ces différentes failles permettent au débiteur de mauvaise foi d’amasser des créances et sous le couvert de la loi, peut mettre en péril ses créanciers.
Reste à espérer que le ministère public, par souci de préserver l’égalité des créanciers et l’équité dans le paiement, jouerait son rôle de préservation de l’ordre public économique.
Maître El Hadji Malick Wade///
Greffier en chef, Doctorant en Droit
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