De son magistère, les Sénégalais retiendront qu’Abdoulaye Wade a géré les questions foncières avec une boulimie et une spéculation qui dépassent tout entendement avec en soubassement, un affairisme trop suspect. Des affaires de terres si compliquées, que certaines restent encore à être soldées.
«De tous les régimes qui se sont succédé au Sénégal il n’y a jamais eu une politique de rationalisation du foncier. L’Etat gère suivant sa clientèle politique ou bien selon ses intérêts. Les dirigeants ont donné des terrains, 10 ha par-ci, 5 ha par-là à des gens qui ne sont pas des professionnels de l’immobilier et qui ont alimenté la spéculation». L’aveu d’impuissance de BabacarFaye, Président du Regroupement des Promoteurs Privés Immobiliers, exprime à suffisance comment les terres ont été dilapidées sous le régime libéral.
Durant les deux mandats de Wade, les affaires foncières n’ont cessé de défrayer la chronique, les unes plus rocambolesques que les autres. La plupart concernait des pontes du régime qui se partageaient les terres, en veux-tu, en voilà, à Dakar et à l’intérieur du pays.
Parmi celles qui ont le plus marqué l’opinion, il y a l’histoire des terres de Bambilor. En effet, Me Wade y avait acheté 2500 hectares à 7 milliards FCFA. Juste après, avec le tollé qui a suivi, il annonça les avoir restitué aux populations locales… Hélas, ces terres se sont retrouvées,plus tard, entre les mains de promoteurs privés, personnalités politiques, chefs religieux et coutumiers…malgré le boucan créé par un collectif regroupant les victimes de cette boulimie.
Et le CICES n’a pas échappé à cette boulimie. Pour cause, les 2/3 de l’espace foncier ont été concédés à des personnes privées et des promoteurs.Mais, le plus anecdotique, c’est l’histoire de Mbane avec plus de terres distribuées que de foncier disponible. Alors que la superficie de la Communauté rurale était de 190 600 ha, le registre foncier faisait état de 240 000 ha affectés sur délibération du Conseil rural.
Et ils étaient nombreux les anciens proches du Président Wade à bénéficier des largesses de l’ex-président du Conseil Rural de Mbane, Amadou Ciré Sall. DjiboKâ renonça à ses 100 hectares. Mais qu’en est-il de Me MadickéNiang (100 ha), Samuel Sarr (100 ha), Souleymane NdénéNdiaye (50 ha) qui étaient cités ?Mais la palme avait été remportée par Pape Diop (800ha) qui rivalisait avec DiakariaDiaw et ThiernoLôqui disposaient, chacun, de 1000 ha…
Même les religieux étaient entachés…
Avec Abdoulaye Wade au pouvoir, les litiges fonciers n’ont épargné personne. Pas même les religieux. A l’image du conflit dénommé «Affaire Dangote» qui a réussi la gageure de mettre aux prises le milliardaire nigérian avec les deux plus influentes familles religieuses du pays, à savoir celles des khalifes généraux de Touba (Serigne Saliou Mbacké) et de Tivaouane (Seigne Mansour Sy). Avec des milliers d’hectares en jeu. C’est Jamil Sy, le fils de Serigne Mansour, qui monta au créneau.«Nous sommes prêts à dédommager Dangote pour qu’il nous laisse, en paix, avec nos terres. J’ai contacté les responsables de la Société. J’en ai aussi parlé au chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade. Nous ne pouvons pas accepter que des étrangers viennent exploiter nos terres qui nous ont été octroyées par l’Etat. C’est frustrant et même révoltant. Aujourd’hui, nous nous sentons humiliés chez nous». Mais c’était sans compter avec le juteux contrat que l’entreprise nigériane avait conclu. Très rapidement, le différend fut réglé. Sans tambour, ni trompette. Mais qui disait que l’argent n’aimait pas le bruit ?
Mais ça n’a pas été le cas avec la famille de Touba. Par décret 2006-1335 du 27 novembre 2006, Serigne Saliou Mbackéavait obtenu un déclassement portant sur 942 ha dans la forêt de Pout et de Keur Moussa. Sur le même terrain, 300 ha attribués à Dangote opposèrent les deux attributaires. Beaucoup d’eau aura coulé sous le pont et Dangote finira par mettre la haute main les terres. Mais il lui aura fallu dédommager les héritiers du guide mouride à hauteur de 6,6 milliards FCFA. Alors que ces terres étaient juste une libéralité d’un président grabataire qui n’en faisait plus qu’à sa tête et suivant ses intérêts électoraux…
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