Pour faire la lumière sur le cadre juridique et fiscal du Capital investissement au Sénégal, REUSSIR a requis l’expertise de Chérif Diaité.
Le «Capital-investissement» ou «private-equity» en anglais, vocable financier souvent méconnu du grand public, peut être défini comme l’ensemble des opérations financières consistant à effectuer des prises de participation temporaires et généralement minoritaires, sous forme de capital, de titres de créances convertibles ou non, de titres participatifs,etc.,dans des entreprises non cotées.
Solution alternative ou complémentaire à l’emprunt classique, le Capital-investissement constitue un levier de rentabilité intéressant pour les PME sénégalaises, lesquelles demeurent confrontées à un manque chronique de fonds propres et à des difficultés d’accès aux financements bancaires, alors même qu’elles représentent l’essentiel du tissu économique de notre pays.
A cet égard, le capital-investissement pourrait constituer un instrument privilégié pour le développement économique du Sénégal, mais encore faudrait-il qu’il soit encadré par un dispositif juridique et fiscal performant et attractif.
Dès lors, disposer d’un environnement légal propice au développement de l’industrie du capital-investissement, constitue un défi majeur que le Sénégal tente de relever en se dotant d’un cadre juridique et fiscal qu’il conviendra, ici, d’apprécier.
- Etat des lieux
Précisons d’emblée que le cadre légal du capital-investissement au Sénégal est, pour une large part, déterminé par la réglementation communautaire de l’UEMOA et celle de l’OHADA Toutefois, le droit interne joue un rôle prépondérant, notamment en matière fiscale.
L’encadrement opéré porte essentiellement sur les véhicules d’investissement qui, dans le jargon de la finance, désignent les entités juridiques au travers desquelles est exercée l’activité de capital-investissement. Ces structures juridiques peuvent relever soit du régime particulier organisé par la loi uniforme n° 2007-15 du 19 février 2007, soit des dispositions du droit commun des sociétés commerciales.
- Les véhicules d’investissement ayant un statut particulier : les SICAF
- Un cadre juridique rassurant
Les SICAF sont définies par la loi uniforme n°2007-15 comme étant des entreprises faisant profession habituelle de concourir, sur ressources propres ou assimilées, au renforcement des fonds propres et assimilés d’autres entreprises, au moyen de souscription ou d’acquisition d’actions ordinaires ou d’actions de priorité, de titres participatifs, d’obligations convertibles et, d’une façon générale, de tous prêts assimilés à des fonds propres.
Elles sont déclinées en deux grandes familles. D’une part on retrouve les Entreprises de Capital-risque, regroupant les Etablissements financiers de capital risque (EFCR) et les Sociétés de capital-risque (SCR) et, d’autre part, les Entreprises d’investissement en fonds propres regroupant les Etablissements financiers d’investissement en fonds propres (EFIFP) et les Sociétés d’investissement en fonds propres (SIFP).
De manière commune et particulière, les EFCR, SCR, EFIFP et SIFP doivent, pour l’exercice de leurs activités, obtenir au préalable une autorisation délivrée par le Ministre chargé des Finances. Précision faite que les SICAF à caractère d’établissements financiers (EFCR & EFIFP), sont en outre, soumises à la réglementation bancaire.
Notons que le domaine d’intervention des SICAF est différent selon qu’il s’agit d’entreprises de Capital-risque (EFCR & SCR) ou entreprises d’investissements en fonds propres (EFIFP & SIFP). Mais, en l’état actuel des choses, la mise en œuvre effective de loi uniforme reste suspendue à la publication des textes d’application.
Par ailleurs, il est à observer que la loi uniforme susvisée, en prévoyant l’intervention des SICAF au moyen d’obligations convertibles ou de titres participatifs, avait enregistré une longueur d’avance par rapport aux dispositions de l’OHADA, lesquelles méconnaissaient ces titres complexes.
- Une évolution intéressante du cadre juridique du capital-investissement
Le nouvel Acte Uniforme en vigueur à compter du 5 mai 2014 marque une évolution importante du cadre juridique du capital-investissement, par la mise en place d’outils performants permettant d’organiser, de structurer et de sécuriser les prises de participation des véhicules d’investissement.
Nous pouvons à ce sujet souligner la reconnaissance expresse de la validité des pactes d’actionnaires, l’introduction des valeurs mobilières donnant accès au capital, des actions de préférence et des options d’achat, l’institution des sociétés à capital variable et de la Société par actions simplifiée (SAS).Ces outils confèrent aux parties prenantes des opérations de Capital-investissement, une plus grande flexibilité dans la stratégie actionnariale, permettent d’intéresser les managers, de faciliter le financement etc.
Précisons que pour l’heure, les SICAF agréés comme telles ne peuvent pas être constitués sous forme de SAS ni prévoir une clause de variabilité de leur capital social. Mais incontestablement, le nouvel acte uniforme rend plus attractif l’environnement légal du capital-investissement.
- Un Régime fiscal incitatif mais moins généreux que celui préconisé par la Directive 02-2011 CM/UEMOA du 24 juin 2011
Le régime fiscal des SICAF est organisé par la Directive 02-2011 CM/UEMOA du 24 juin 2011 qui devait être introduite dans le dispositif fiscal de chacun des Etats membres de l’Union au plus tard le 31 décembre 2012.Or, dans le nouveau Code Général des Impôts (CGI) entré en vigueur le 1er janvier 2013, le Sénégal n’a que partiellement intégré les avantages fiscaux prévus par la Directive (voir infra, Limites de l’environnement légal du Capital-investissement).
En effet, en matière d’Impôt sur les Sociétés, le CGI prévoit une exonération des produits nets de portefeuille des SICAF pendant les trois première années d’activité et, sous certaines conditions, des plus-values de cession de titres détenus en portefeuille par ces dernières.
Par ailleurs, le CGI permet d’éviter la cascade d’impôt (IRVM et IRC) sur les revenus redistribués par les SICAF et exonère ces dernières de droits d’enregistrement pour les actes de constitution, de prorogation, d’augmentation ou de réduction du capital et de dissolution.
- Les véhicules d’investissement classiques
Le régime juridique particulier organisé par la loi uniforme 2007-15, tel que décrit ci-dessus, n’est au regard des articles 1 et 2 de ladite loi qu’optionnel pour l’exercice des activités de capital investissement.
En effet, ce régime particulier permet uniquement de bénéficier des avantages fiscaux accordés aux SICAF agréées comme telles. Donc, les véhicules d’investissement soumis au régime fiscal de droit commun ne sont pas concernés par la loi uniforme et peuvent utiliser les structures juridiques classiques régies par le droit commun des sociétés commerciales, à savoir la Société Anonyme, la Société par Actions Simplifiée, la Société à Responsabilité Limitée, etc., et profiter pleinement de toutes les nouveautés offertes par le nouvel AUSCGIE.
Toutefois, il convient de préciser qu’en dehors de tout régime de faveur, les dispositions du CGI ne manquent pas de charme fiscal, en cela qu’elles permettent, une défiscalisation des produits de participations plus ou moins significative selon que le régime applicable est celui des sociétés mères et filiales, ou celui des participations ou encore celui des Holding, ainsi qu’une dispense d’IRVM sur certaines redistributions.
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