Représentant de sa Majesté le Roi dans son pays de naissance, le Sénégal où vit encore sa vieille maman (une Saint-Louisienne), Taleb Barrada est un Ambassadeur assez spécial. Sa mission dépasse le cadre diplomatique de ses attributions et transcende le temps et l’espace politique pour s’enraciner dans les dimensions socioculturelles des deux peuples. Interview exclusive.
Qui est Taleb Barrada, l’homme et non l’Ambassadeur ? Comment vous définir ?
Je suis natif du Sénégal, d’une famille marocaine originaire de Fès, parmi les premières familles à s’installer dans la capitale de l’AOF, à Saint Louis du Sénégal, à la fin du 19ème siècle et qui ont su garder, brassage familial aidant, des liens permanents entre le Maroc et le Sénégal.
Naturellement perçu de part et d’autre, comme Maroco-sénégalais, j’estime que c’est une chance et un atout de servir mon pays le Maroc, dans mon pays de naissance, le Sénégal, et d’être appelé à poursuivre l’œuvre de raffermissement des relations, déjà ancestrales.
Quel a été votre cursus académique et professionnel ?
J’ai entamé, évidemment à Saint Louis, mes études primaires (à l’époque, au ‘‘petit Lycée’’, devenu aujourd’hui Collège Ndiawar Sarr), avant de regagner Fès, pour des études secondaires et universitaires, au terme desquelles, j’ai intégré le Ministère des Affaires Etrangères où je sers en qualité de diplomate de carrière depuis 36 ans.
Que représente, pour vous, votre nomination comme Ambassadeur à Dakar ?
Le destin conduit souvent vers des horizons insoupçonnés. Autant je suis reconnaissant d’avoir bénéficié de la confiance de Sa Majesté le Roi, Mohammed VI, autant je mesure la redoutable responsabilité que me confère ce nouveau défi exaltant au service de mon pays.
Etant un trait d’union entre les deux peuples et les deux Etats, pouvez-vous nous rappeler vos contributions pour raffermir ces relations et qui vont au-delà de votre casquette de diplomate.
Appartenir à la ville de Saint Louis et à une famille qui s’y est enracinée, crée forcement des liens multiformes de brassage, d’amitié et de solidarité avec les grandes familles, les chefferies religieuses et les acteurs politiques y compris d’envergure nationale. Certes, plusieurs dossiers trouvent des issues heureuses en dehors du circuit diplomatique classique.
Quels sont les temps forts de votre présence à Dakar comme Ambassadeur ?
Je crois que la communication avec les autorités est d’autant plus facilitée que la convergence de mentalité et d’approche est un facteur de compréhension et de rapprochement et d’entente. Je me fais fort de percevoir mon rôle comme étant investi de la mission de contribuer à transformer les relations déjà excellentes, en alliance stratégique sur le plan politique et en dynamique de partenariat économique et commercial. Les visites de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Sénégal et celles du Président de la République Son Excellence Monsieur Macky Sall au Maroc ouvrent de réelles perspectives vers les horizons souhaités.
Comment avez-vous vécu les périodes de crise comme l’épisode d’Air Sénégal International ?
Je suis arrivé en pleine crise d’Air Sénégal International, en janvier 2009. Cet épisode, qui relevait d’une volonté beaucoup plus subjective et personnelle, en totale inadéquation avec l’état de fonctionnement et du développement de la compagnie, est aujourd’hui derrière nous.
Les hautes directives, qui m’ont été données à partir de Rabat et les démarches multiples accomplies auprès des hautes autorités sénégalaises avaient, en définitive, permis de faire prévaloir la sagesse et faire le distinguo entre la nécessité de préserver les excellentes relations ancestrales et l’intérêt de circonscrire cette affaire à sa plus simple expression commerciale.
Votre opinion sur le développement des relations économiques entre les deux pays.
Depuis toujours, le Sénégal est un allié stratégique du Maroc. Le Sénégal est le premier partenaire économique et commercial du Royaume et est la première destination des investissements directs étrangers du Maroc à l’Extérieur. Cette tendance ira en se renforçant. Elle s’intègre dans la vision stratégique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui réaffirme l’ancrage africain du Maroc, fondé sur une coopération sud-sud à même d’ouvrir les perspectives d’une dynamique économique permettant aux pays africains de prendre en charge leur propre développement dans un partenariat d’égal à égal, où la complémentarité, la solidarité et le partage d’expérience, en seraient le moteur.
Comment se porte la Communauté marocaine au Sénégal ? Quels sont les problèmes rencontrés et quel mode de gestion avec les autorités sénégalaises ?
L’exemption de visas entre le Maroc et le Sénégal, la liberté d’établissement dans l’un des deux pays, ainsi que les valeurs communes, facilitent la mobilité et le séjour des populations respectives à travers les deux contrées. La gestion du séjour des deux communautés ne soulève pas de difficultés particulières dès lors qu’elle est régie par la Convention d’établissement datant de 1964 et favorisant l’établissement des ressortissants des deux nations dans l’un ou l’autre pays.
Quand Taleb Barrrada va à Saint Louis voir sa vieille maman, comment se comporte –t-il avec les voisins, les amis d’enfance, etc. ?
Retourner à Saint-Louis me procure un bonheur incommensurable et la joie de retrouver les miens ainsi que des amis et relations d’enfance. Cela me permet, ainsi, de replonger dans l’ambiance de mes souvenirs et insouciances d’enfance.
Pouvez-vous nous rappeler l’implantation de la famille Barrada et plus globalement, celle de toutes ces familles marocaines de Saint Louis ?
Les liens de proximité et d’échange entre populations marocaines et sénégalaises sont multiséculaires et se sont consolidés davantage à travers les valeurs cultuelles communes entre les deux peuples. Les historiens ont situé les premières installations de familles marocaines à partir de la seconde moitié du 19ème siècle. La famille Barrada fait partie des premiers groupes de famille qui se sont implantés à Saint Louis à la fin du19ème siècle. C’est l’occasion, pour moi, de rendre un hommage appuyé à ces grandes familles de Fès, de Marrakech et de Guelmim (qui représentaient l’équivalent de ceux qu’on appelle, aujourd’hui, les investisseurs). Ils sont perçus comme des pionniers de la diffusion de la culture marocaine dans cette partie du monde. Leurs descendants de la 4ème génération poursuivent leur rôle de trait- d’union naturel entre les deux peuples, tout en endossant la responsabilité de perpétuer le legs culturel de leurs aïeuls, fait à la fois d’intégration positive au sein de la société sénégalaise et de singularité spécifique identitaire et culturelle, préservée à travers les générations, sans être considérée comme une communauté minoritaire.
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