Tel un serpent de mer, la crise qui secoue notre école revient chaque année. C’est à se demander si la grève ne fait pas désormais partie intégrante du programme scolaire et universitaire ? On a encore frôlé le pire avec des menaces réelles sur la «couleur» de l’année scolaire qui a failli être «blanche» ou invalide. Ouf ! Heureusement que les parties au conflit sont revenues à de meilleurs sentiments pour sauver une fois de plus ladite année. Ne faisons pas la fine bouche. Il faut s’en réjouir.
Mais disons le tout net, cette stratégie du bord du précipice entamée depuis plusieurs années n’est pas viable. Elle est intenable ! Nous ne pouvons continuer à jouer dangereusement avec notre école sans y laisser une ardoise sociale, économique et politique qui sera difficile à éponger.
En réalité, le coût de ces grèves interminables constitue un sacré coup à la qualité du produit issu de cette fabrique sociale qu’est l’école. Des centaines de milliards sont dépensés annuellement sans qu’on puisse soutenir qu’il y a un retour sur investissement réel.
Le quantum horaire n’est plus respecté depuis belle lurette. A juste titre, le Professeur Mame Moussé Diagne avait bien raison de sonner récemment l’alerte sur la reconnaissance internationale des diplômes sénégalais notamment universitaires. Ce serait dangereux de croire qu’il joue les oiseaux de mauvais augure en agitant le spectre d’une invalidation de nos parchemins par le CAMES. Le risque est réel.
Par voie de conséquence, il devient absolument nécessaire de nous ressaisir et recentrer nos efforts sur l’essentiel qu’est l’intérêt collectif. Chaque citoyen a le droit de revendiquer des avantages accrus pour améliorer ses conditions de vie et de travail. Quoi de plus légitime ? Mais pas à tous les prix ! Les syndicalistes doivent revoir leur stratégie de lutte en faisant preuve de plus de créativité, d’inventivité et de générosité. Faire un bon diagnostic et appliquer une mauvaise thérapie ne guérit pas un mal. La grève, aussi efficace soit-elle, a ses limites en termes d’impact négatif sur la productivité et les retards difficilement rattrapables qu’elle occasionne.
L’alignement de l’indemnité de logement que revendiquent à cor et à cri nos valeureux enseignants, aussi légitime soit-il, passe après la formation qu’ils doivent aux élèves, pour bâtir une nation instruite, forte et prospère.
Il est vrai qu’il y a certaines disparités dans le traitement des agents de l’Etat que l’étude commanditée à cet effet doit corriger. Mais pour autant cela ne saurait justifier que des travailleurs prennent pour autant en otage le système dans lequel ils se meuvent.
Le Gouvernement a promis d’achever cette fameuse étude d’ici la fin du mois. Espérons que ce travail débouchera sur de bonnes, justes et consensuelles recommandations pour éloigner le spectre de la crise scolaire.
En effet, l’Etat, dans son rôle de régulation et de redistribution des richesses nationales et collectives doit faire preuve d’équité en réduisant au maximum les inégalités sociales mais il ne faut pas rêver, l’égalité mathématique entre tous les travailleurs est une vue de l’esprit que même les pays anciennement communistes n’ont jamais pu réaliser. Chaque catégorie socioprofessionnelle a ses avantages et ses inconvénients ; ses sujétions et ses privilèges ; ses astreintes et ses libertés.
Nouveau départ
Fondamentalement et sans occulter le côté social, qui constitue un intrant indispensable, le combat doit davantage porter sur les aspects pédagogiques avec plus d’investissements dans les infrastructures de formation par la suppression des abris provisoires, l’augmentation des outils de travail, la construction de laboratoires, le recrutement d’enseignants mieux formés, la création d’écoles et d’instituts spécialisés, d’universités professionnelles et de recherche pour mieux faire face à la demande sans cesse croissante et exigeante notamment celle du marché du travail. Soulignons-le au passage, nous n’avons pas beaucoup d’élèves, d’étudiants et de professeurs relativement à notre population qui avoisine 14 millions d’habitants.
L’éducation et la formation sont des enjeux capitaux pour le devenir de tout pays. Elles impulsent les transformations souhaitées pour propulser une nation vers des lendemains meilleurs. Elles nécessitent tous les sacrifices et moyens possibles. Organiser des concertations et assisses sur l’Université et l’Ecole est nécessaire mais pas suffisant.
Aujourd’hui, pour que l’éducation continue de jouer son véritable rôle d’éclaireur, il faut lui assurer des ressources conséquentes qui viendront du Budget de l’Etat mais aussi du Secteur privé, des ONG, des bailleurs de fonds et de toutes les bonnes volontés intéressées.
L’Etat du Sénégal doit consentir plus de ressources dans l’éducation et la formation des futures élites. Parallèlement, la société représentée par les familles et autres organisations de la société civile est appelée à davantage investir dans la formation de ses enfants car le savoir n’a pas de prix mais aussi les opérateurs économiques en finançant ce maillon stratégique. De même, les partenaires au développement ont un important rôle à y jouer. Il n’y a pas meilleure dépense que dans la quête de connaissances.
De nos jours, le développement d’un pays se mesure essentiellement à l’aune de la qualité de la formation de ses populations avec ce qu’on appelle : l’économie du savoir. L’ignorer, c’est rater encore le train de l’histoire. Par conséquent, nous avons besoin aujourd’hui de construire un consensus fort et fécond autour de notre modèle de formation en dépassant les clivages et les intérêts stériles qui inhibent toute action. L’Emergence est à ce prix !
Ballé PREIRA
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