Certes, l’augmentation des moyens de transport urbain facilite le déplacement des personnes dans la capitale, mais elle a aussi ses impacts sur le revenu des chauffeurs de cars Ndiaga Ndiaye. «Avant l’arrivée des bus Tata, le business des cars Ndiaga Ndiaye marchait très bien. Le soir, on pouvait verser 16 000 FCFA au propriétaire du véhicule qui nous payait 50 000 F/mois. Tout ce qu’on avait au-delà de cette somme nous revenait», se rappelle Diéry, chauffeur de car Ndiaga Ndiaye trouvé à la gare routière de Petersen.
Allongé sur les bancs de son véhicule, Diéry, comme tous les autres chauffeurs de car, attendent leur tour pour aller à Rufisque. «J’ai quitté la banlieue depuis le matin, j’attends mon tour mais jusqu’à présent, le régulateur ne m’a pas encore appelé. Actuellement, il est 14h passées, si je pars à Rufisque je ne pourrai pas revenir. Or, avant, on faisait trois fois le trajet Dakar-Rufisque», se désole-t-il.
Diéry, qui est depuis 2005 dans le secteur, explique qu’avec la rareté des clients, il lui est presque impossible de payer ses apprentis au quotidien. «Il est difficile, aujourd’hui, de payer mes trois apprentis car parfois, à la descente, je n’arrive même pas à reverser les 10 000 FCFA au propriétaire du véhicule», dit-il.
Si Diéry parle d’une baisse de gain, Kabou Guéye, pour sa part, estime que le remplacement des cars par les bus Tata entrainerait une crise socio-économique.
«Les chauffeurs de Ndiaga Ndiaye œuvrent beaucoup dans le social. Parfois, on rencontre un client qui veut aller à Dakar et n’a que 200 FCFA ou rien et on l’amène sans problème. Or, pour les bus, personne n’ose monter à bord sans payer. Pire encore, si un client perd son ticket, il paie une amende de 2000 FCFA», renchérit Kabou, chauffeur à la gare routière de Keur Massar dans la banlieue dakaroise.
Excepté ce côté social, Kabou fait noter qu’il existe beaucoup de business qui se développent au niveau des gares routières. «De nombreuses personnes nourrissent leur famille grâce aux activités qu’ils font ici. Je connais beaucoup de femmes ici dont les maris sont à la retraite, et c’est avec ce qu’elles gagnent à la gare routière qu’elles entretiennent leurs enfants» révéle Kabou.
En effet, la gare routière de Keur Massar ne regroupe pas uniquement des chauffeurs, apprentis et clients. On y rencontre d’autres acteurs économiques comme des vendeurs d’eau, d’arachides, de repas, de beignets, entre autres… Ils partagent avec eux ce lieu de travail. Cependant, comme les chauffeurs, ces derniers ont remarqué une baisse de leur revenu depuis la mise en circulation des bus.
«Tout ce que nous avons, on le doit aux usagers de cette gare. Mais, avec la multiplication des Tata, les clients ne viennent plus à la gare routière. La majorité prend des bus», témoigne Rose Diouf, vendeuse de crèmes glacées. Assise sous l’ombre d’un arbre, Rose et les autres vendeuses débattent de leur tontine.
De leur part, les conducteurs de bus reconnaissent que leurs véhicules sont à l’origine du malheur des transporteurs de cars Ndiaga Ndiaye. «Actuellement, les Tata apportent plus d’argent que les cars Ndiaga Ndiaye. J’avoue que c’est la mise en place des bus qui a fait chuter leur chiffre d’affaire », se confesse Abdou Khadre, chauffeur de bus.
Cependant, son ami Moussa Guéye pense que c’est la cause de la jalousie de leurs collègues qui, parfois par rancune, les traitent de tous les noms si jamais ils les heurtaient dans la circulation. Néanmoins, il défend que le choix revient au client. «Ce sont les clients qui font le choix, car il y en a qui ne prennent jamais de car, ils préfèrent les bus», dit-il.
Une idée que prouve la cliente Fatou Diop. Assise sur les bancs de la gare de Petersen, elle se met en queue pour prendre un bus. «Je prends les bus car avec les cars, la fumée du pot d’échappement retourne dans la voiture. Ça pollue l’intérieur. Les Tatas sont plus rapides et plus confortables», fait savoir Fatou.
En effet, Fatou n’est pas la seule à se réjouir des Tata. Les deux femmes, trouvées dans un car Ndiaga Ndiaye à destination de Yarakh, quartier périphérique, n’attendront pas assez de temps pour le quitter et aller se mettre en queue pour les Tata. «Ce car n’est pas encore prêt à quitter la gare vu qu’il n’a que trois passagers à l’intérieur. Je suis très pressée», lance Ndéye Sène en allant vers les bus.
Tout seul, Ibrahima Sow reste comme unique passager en espérant partir sous peu. Ibrahima signale que le tarif n’a rien à voir avec son choix. « Les cars sont plus confortables. Le tarif n’est pas très important car c’est une différence entre 25 et 50 FCFA. La concurrence existe partout, même entre les Tatas», confie ce jeune.
Aujourd’hui, le secteur du transport connaît des failles. Si les chauffeurs des cars notent, de jour en jour, une diminution de leur gain quotidien, ceux des bus Tata, malgré leur chiffre d’affaires considérable, souffrent, pour leur part, d’embauche ou de contrat de travail.
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