La pluralité de l’information dominée par la politique politicienne nous détourne toujours de l’essentiel, c’est-à-dire, des vraies questions de développement qui se posent avec acuité dans notre cher pays. A vraie dire, ils sont tous coupables et ils préfèrent plus l’agitation politique aux vrais problèmes de développement. Cette agitation serait très certainement pour eux, une façon de détourner l’attention des populations sur les grandes préoccupations de l’heure.
Le diagnostic fait par la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, sur l’état de notre économie, est plus qu’édifiant sur les responsabilités partagées de toutes ces générations d’hommes d’Etat qui se sont succédé au pouvoir et qui continuent encore à s’agripper à l’appareil d’Etat, incapables de calmer une certaine boulimie du pouvoir. De toutes les déclarations faites par Madame Christine Lagarde au Sénégal, celle faite à l’Assemblée nationale du Sénégal a le plus attiré mon attention. Elle se retrouvera très certainement dans ceci: « le Sénégal peut redynamiser son économie et contribuer à placer la région sur la voie d’une croissance solidaire qui permette une réduction de la pauvreté. Pour cela, il faut mettre fin à ces résultats décevants de l’économie sénégalaise au cours des 30 dernières années, avec une croissance moyenne d’environ 3,5 %. Le moment est venu pour le Sénégal d’accélérer sa croissance — d’atteindre les 7 ou 8 % envisagés dans le Plan Sénégal Émergent et enregistrés par les tigres asiatiques et les pays africains à croissance rapide. En un mot, le moment est venu pour le Lion rouge de rugir. Mais comment accélérer la croissance? » Ces propos devraient raisonner fort dans les oreilles de toutes ces générations d’hommes et de femmes qui ont eu à diriger ou occuper de hautes responsabilités dans notre pays. Mais également, ils devraient titiller les oreilles des dirigeants actuels de notre pays, des cadres compétents du secteur public et du privé, et surtout susciter l’engagement de ces nouvelles générations de jeunes qui ont envie de travailler pour leur pays et concrétiser de belles réalisations pour l’avenir de notre belle Nation. Si nous avons perdu beaucoup de temps sous le magistère du président Abdou Diouf, le président Abdoulaye Wade s’est évertué à la concrétisation de beaucoup d’investissements de rattrapage certes, mais la bonne gouvernance a beaucoup fait défaut sous son magistère. Cependant, cela n’enlève en rien leur mérite, nous sommes très fiers de notre pays et de ses dirigeants.
Cependant, de toutes les préoccupations que nous avons, figurent en bonne place les questions foncières. Le maire de la Ville de Dakar l’a très souvent rappelé: il n’y a plus de foncier disponible à Dakar. Pour la réalisation de certains projets de la Ville de Dakar, il a fallu acheter à coût de mètres carrés. C’est scandaleux. On a fort l’impression que nos dirigeants n’ont jamais pensée aux nouvelles générations. Quel avenir pour notre pays si nos contemporains ne pensent pas aux générations futures ? Dans les pays à gouvernance vertueuse, les ressources foncières sont soigneusement sauvegardées. Les informations parues ces derniers jours et mettant au crible une poignée de hautes personnalités de notre pays, dans des questions foncières portant sur plus de 1000 à 2000 mètres carrés au niveau de la Corniche de Dakar, sont une pilule amère à digérer par le bas peuple. Quelle boulimie foncière ! A ce sujet, le dernier rapport de l’Inspection générale des finances (Igf) du ministère de l’Economie et des Finances, portant sur la gestion foncière de Dakar, est plus qu’édifiant sur une certaine conception de la chose publique pourtant si sacrée. Et je me demande encore une fois, pourquoi le président de la République devrait-il offrir si gracieusement des terrains à des magistrats déjà pas mal payés du tout. Alors que d’autres corps sociaux moins bien nantis n’en bénéficient pas. Il ne faut certainement pas qu’il y ait deux poids deux mesures. Au nom de quoi le président de la République s’arroge-t-il le droit et la bonté d’offrir gratuitement des terrains ? Nous sommes tous des Sénégalais et nous sommes tous égaux devant la loi. Nous devons tous suivre le schéma classique et conventionnel que nous impose la loi pour avoir accès au foncier. C’est là que se pose la question de la propriété foncière, d’une importance capitale. A qui appartient la terre ? C’est sur la terre qu’on construit des projets immobiliers certes, mais c’est par la terre également qu’on nourrit le monde.
L’IMMOBILIER
L’Etat du Sénégal, sous l’impulsion du président de la République, Macky Sall, projette de développer l’habitat social pour permettre à chaque citoyen d’avoir des logements décents à des prix accessibles. Mais tout le monde sait que Dakar ne peut plus contenir des programmes d’habitat d’envergure. En 1988 déjà, il ne restait plus que 15% des terres urbanisables à Dakar, selon le dernier recensement urbanistique. Aujourd’hui, il a fallu vider le garage « Pompier » de ses occupants, les recaser ailleurs, pour pouvoir exploiter la « Cité de l’Emergence » si chère au chef de l’Etat. Le foncier est devenu inaccessible à cause de la spéculation, car même les baux emphytéotiques de l’Etat obtenus gratuitement, sont revendus à des prix surélevés.
Dans la même logique, l’Etat a entrepris de développer le nouveau corridor de prospérité pour ne pas parler de la plateforme de Diamniadio qui devrait abriter des logements sociaux. Une belle entreprise de déconcentration de Dakar oui, en effet. Faudrait-il cependant que cela soit accessible à toutes les bourses sociales. Si des programmes sociaux sont envisagés dans les régions du Sénégal, il s’agira alors de faire une étude sur le taux d’absorption de ces logements qui seront construits dans les régions.
Encore pire, les promoteurs immobiliers privés foisonnent dans notre pays, certains qui ont pignon sur rue s’adonnent malencontreusement à l’arnaque de leurs clients (les populations) qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. Quand les populations s’engagent sur des terrains ou projets d’habitat, ces agences abusent de la confiance de leurs clients. C’est une manne financière exorbitante qui est en jeu dans ce secteur. Il convient nécessairement de revoir les conditions de création d’une agence immobilière et mener des campagnes de communication pour davantage sensibiliser les populations sur l’acquisition foncière, les transactions et les droits de propriété.
L’AGROBUSINESS ET L’AGRICULTURE FAMILIALE
L’agriculture familiale n’est certes pas parvenue à assurer l’autosuffisance alimentaire de notre pays, mais elle a épargné le Sénégal de la misère, depuis les indépendances. Pourquoi donc préférer l’agrobusiness des étrangers sur nos terres, à la production familiale de nos valeureux paysans des profondeurs ? Pourquoi essayer à-tout-va, de déposséder nos paysans de leurs terres en échange seulement de quelques milliards à encaisser dans les caisses de l’Etat et ou dans des caisses occultes ? Pourquoi ne pas renforcer les capacités de nos paysans en les dotant de tous les moyens pour aspirer à la souveraineté alimentaire du Sénégal. Je retiens cette déclaration de l’homme d’affaires Cheikh Amar qui résume de la façon la plus brève, claire et succincte, la bonne marche d’une économie, je le cite: « une économie émergente repose sur trois piliers: l’agriculture, l’industrie et les services. Une agriculture abondante booste les industries (…). » Il poursuit en donnant un exemple de denrée: « Le riz produit dans notre pays n’est pas de bonne qualité, c’est pourquoi il n’est pas bien consommé par les populations. Pourquoi ne pouvons-nous pas arrêter les importations de riz et dans une synergie des actions, travailler à produire du riz de qualité que nous pourrons consommer au Sénégal et même importer ? » C’est une question de taille que l’homme d’affaires sénégalais a posé, qui entre en droite ligne avec les préoccupations du président de la République qui a tenu récemment le Conseil présidentiel sur le riz. Il faut donc donner une chance de succès à l’agriculture familiale, la clé de notre survie. Et pour cela, non seulement il faut sauver leurs terres, mais en plus il faut leur doter de capacités techniques et de moyens financiers et matériels nécessaires pour y parvenir.
LES REFORMES FONCIERES
Il serait difficile de donner des orientations claires sur la nature des réformes foncières à mener. D’ailleurs, c’est l’objet de la création de la Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF), une institution placée sous la présidence du Pr Moustapha Sourang, ancien ministre d’Etat, plusieurs fois ministre, un homme de consensus jouissant d’une crédibilité sans faille et d’une grande notoriété dans notre pays, qui travaille avec tous les acteurs de toutes les franges sociales de notre pays. Il est reconnu comme un pur fonctionnaire de l’Etat qui ne sert que les intérêts du pays. Homme d’honneur et de consensus, universitaire chevronné, il compte s’appuyer sur une démarche participative pour aller sur le terrain et rencontrer les acteurs des contrées les plus lointaines de notre pays, afin de permettre à notre pays de se hisser au rang des Etats qui ont résolu pour de bon les questions foncières sur la base de recommandations fortes et de réformes consensuelles à adopter pour le développement de notre pays. La Commission Nationale de Réforme Foncière a donc la redoutable mission de revoir les textes régissant le domaine national qui a atteint ses limites objectives et qui fait l’objet de controverse autour du droit coutumier. Nul doute que le Pr Moustapha Sourang et son équipe, dans une dynamique participative et citoyenne, sauront être à la hauteur des missions qui leur ont été confiées par le chef de l’Etat.
Cheikhou Oumar SOW
Journaliste
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