S’endetter, c’est facile. Réaliser des infrastructures visibles et séduisantes sous l’œil des sénégalais devient plus facile, surtout dans un contexte de replis de l’offre des prêts, qui encourage la ruée accrue des investisseurs vers le continent africain, à la recherche d’une alternative à la faiblesse des taux d’intérêts servis par les pays développés du fait de la morosité de leur environnement économique.
L’histoire récente nous donne raison sur l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, structurée financièrement sur la notion de CET (Construction – Exploitation – Transfert), qui continue de susciter beaucoup de commentaires allant dans le sens du dressement des anomalies et des inconvenances d’ordre juridique, social, etc…
L’autoroute à péage Casablanca-Rabat, avec un trajet plus long de 95 kilomètres, est moins chère que la nôtre. Les recettes journalières sont énormes et varient entre 13 et 15 millions, empochés par CENAC. Une entreprise qui s’enrichit jour après jour sur le dos des sénégalais, pour une période de 30 ans. Echéance après laquelle l’Etat doit verser une valeur résiduelle de 60 milliards pour qu’il lui revienne la propriété exclusive de l’autoroute. Si des efforts tardent à se concrétiser pour renverser la tendance en vue de trouver de nouveaux paradigmes pour faire profiter aux sénégalais les fruits de la croissance réalisée localement, le risque est toujours de voir celle-ci portée par les investisseurs étrangers qui donnent l’argent par la main droite pour le retirer par la main gauche. Ainsi, subordonnent le plus souvent leurs financements à des conditions contraignantes, notamment :
- L’accaparement des terres par les firmes étrangères
- L’exonération fiscale et l’enlèvement de certaines taxes
- La légalisation de l’homosexualité.
- L’attribution de la sous-traitance à des sociétés privées étrangères qui ne profitent pas très souvent à la main d’œuvre locale.
Personne ne peut nier la pertinence de l’autoroute Dakar-Diamniadio, mais la vraie équation réside au niveau des anomalies relevées dans la structuration, et qui se ramassent à la pelle. A cet effet, il urge de changer de paradigme et de lorgner un peu plus en direction de la finance islamique. Cette occasion en or pour drainer plus de liquidités à travers la mobilisation de l’épargne locale, doit être saisie, bien exploitée.
Par ailleurs, il faut affirmer la relation empirique qui existe toujours entre la capacité d’un pays à doper l’épargne locale qui encourage à son tour l’investissement productif et l’augmentation de la valeur ajoutée, par conséquent l’amélioration des conditions de vie des populations.
La communauté Mouride, de par son poids démographique, sa force de mobilisation, son poids économique, et la capacité du Khalife à bénéficier de l’oreille attentive des fidèles, réunit de grands atouts pour transcender l’équation à mobiliser le budget adéquat pour réaliser l’autoroute en pipeline. Il faut constater que le potentiel d’épargne de cette communauté demeure encore non exploiter.
Pourtant les premiers jalons ont été posés par le Khalife Serigne Mouhamadou Moustapha. On se remémore de l’engagement hardi du marabout pour la réalisation du chemin de fer Thiès-Diourbel. A cette époque, il est vraiment heureux de noter la forte implication des talibés Mourides dans l’exécution des travaux. C’est dire qu’une attention particulière mérite d’être accordée à l’appétence de beaucoup de sénégalais à trouver des types de placement à la fois religieusement conformes et économiquement rentables.
Le faible engagement des banques locales, le manque de considération vis-à-vis des investisseurs nationaux, le couteux fardeau que représente cet investissement sur le budget de fonctionnement de l’Etat, renforcent la tendance à s’orienter vers des solutions de financement innovantes au service de la croissance économique.
Cette autoroute aurait pu être réalisée par les sénégalais eux- mêmes à travers des mécanismes et des techniques offertes par l’industrie de la finance islamique. La volonté politique de nos gouvernants dans ce sens ne semble pas réelle. Il suffit de jeter un regard ailleurs pour constater la forte implication de la finance islamique dans la réalisation des grands projets d’infrastructures ; une centrale solaire photovoltaïque en France, des chemins de fer à écartement standard en Malaisie par les épargnants de revenus moyens, des logements sociaux à Dubaï, des infrastructures aéroportuaires, des ponts et autoroutes partout dans le monde, pour ne citer que ceux-là.
L’appel solennel du Président de la République à l’endroit des sénégalais, surtout des Baol Baol à participer dans le capital de la future société qui sera mise en place pour la gestion de l’autoroute ne semble pas pertinent à notre sens. ll aurait fallu le faire dans le cadre de la constitution du capital initial calibré à hauteur de 416 milliards avec Exhume banque
Quelques pré- requis nécessaires pour la configuration de ce type de financement
La création d’un SVP (véhicule )
- Le régime fiducie (trust) n’est pas familier dans le droit français des affaires, contrairement dans le common low, d’où l’impérieuse nécessité de la mise en place d’un SVP ( Special Purpose Vehicul ) , qui est une entité ad hoc dédiée à l’organisation de l’émission en vue de collecter des fonds qui seront exclusivement affectés dans le projet, sur la base de partage des profits dégagés et les pertes subites au prorata d’apport de chaque souscripteur .
- L’investissement est donc la somme des certificats souscrits. Supposons que chaque certificat vaut un montant de 60 000 FCFA soit environ 100 EURO pour les sénégalais vivants dans le diaspora , dans ce cas les détenteurs de certificat deviennent propriétaires des parts indivis autan qu’ils désirent dans la limite des parts émises. Les recettes nettes d’exploitation dégagées seront par conséquent distribuées périodiquement aux investisseurs . Mais il faut signaler qu’il devrait exister un marché secondaire parallèle qui faciliterait la cession des titres en cas de besoins de liquidité comme on l’a vu aux Emirats Arabes Unis et en Malaisie .
Par contre, l’Etat doit introduire des mesures incitatives à travers une optimisation fiscale par l’absence de retenu à la source.
Il y a lieu à préciser que dans le cas où la souscription n’atteindrait pas le montant global requis, des partenaires techniques et financiers à l’occurrence des banques islamiques et autres sociétés d’investissement peuvent venir au secours pour combler le gap du financement .
- Le guide suprême de la communauté mouride en sa qualité de grand réunificateur des adeptes autour d’un « Ndigeul » pouvait jouer un rôle majeur à travers une déclaration spéciale qui va inciter les fidèles et surtout insister sur le fait que cette affaire ne rentre pas dans le cens de la gratuité encore moins une affaire philanthropique, mais plutôt un investissement productif et une satisfaction des besoins socio-économiques conforme aux exigences religieuses avec un retour sur investissement bien rentable .
- Un charia board indépendant
- Il est hors des normes d’effectuer un montage financier dans le but de l’exécution d’un projet économique sans avoir disposé d’un comité d’audit et de contrôle indépendant ou bien un conseil des surveillances qui s’inscrit dans la dynamique de certification et de la garantie de la conformité des tenants et aboutissements de l’opérations d’émission de sukkuk .
des solutions islamiques innovantes dans le cadre du partenariat public privé
- Les types de sukkuk d’investissement participatifs basés sur le principe de partage des profits et des pertes pourraient ajustés au financement de ces projets en partenariat public privé. Les formes de recours pour le financement de partenariat public privé tel qu’elles sont connues, offrent plusieurs hypothèses possibles, diverses et variées, mais on retiendra deux, qui selon nous, sont les plus adaptés et faciles à réajuster en finance islamique.
- la première possibilité : c’est la création d’une société d’économie mixte prévue par la loi n° 90- 07 relative au partenariat public privé. La relation juridique de ce modèle de concession qui va lier ce dernier à l’Etat du Sénégal se fera sous forme de Moudaraba dont le svp en sa qualité de représentant des souscripteurs, va se positionner comme apporteur de fonds. quant à la société de participation publique, elle apportera son expertise en matière de conception , de construction et d’exploitation.
- La 2ème offre de possibilité : une société exclusivement privée qui va tout simplement assurer la construction et la gestion sur la base d’une commission convenue d’avance.
Les avantages que représentent les modes de financement islamique qui impulsent l’incursion financière des populations :
- les produits financiers islamiques contribuent de façon conséquente à l’incursion financière et économique des individus , ils permettent aussi de garantir la redistribution équitable des richesses, contrairement au système capitaliste qui renforce la position dominante des riches (slippers parteners ) parce que sur le plan confessionnel et doctrinal il sera plus adapté conformément aux enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba et à la ligne droite des objectifs assignés à l’économie islamique qui sont les suivants :
- La mobilisation de l’épargne ainsi qu’une allocation optimale des ressources vers des canaux d’investissement ayant un impacte positif sur le quotidien des sénégalais
- L’impulsion de l’actionnariat populaire à travers l’implication des riches qui baignent dans l’opulence et des épargnants moyennant de petites sommes, dans la réalisation des grands projets , le plus souvent ce catégorie d’investisseur s’interdit de recourir au financement classique qui ne cadre pas avec les prescriptions de l’islam.
- l’amélioration des conditions de vie des couches défavorisées incapables de produire à travers des virements périodiques sur une base à la fois obligatoire et philanthropique.
- La promotion de l’emploi à travers la lutte contre l’assèchement de liquidité et la thésaurisation qui est formellement interdite par le verset 35 de sourat at tawba) la thésaurisation veut dire le confinement de la richesse sans l’injecter dans une activité productive, alors que cet argent pourrait faire le bonheur de notre économie à travers des canaux d’investissements rentables, parce que la thésaurisation prive l’investissement, qui à son tour prive la création des milliers d’emplois. L’argent dans un système économique est assimilé au sang qui coule dans les veines du corps d’un être humain. Nul doute qu’un arrêt constaté constituerait un danger pour son survis.
- Les mécanismes de financement participatif basé sur la moucharaka et le moudraba mobilisent pour l’actionnariat populaire et la prise de participation dans des secteurs productifs. Un soutien constant en appui financier et technique des entrepreneurs porteurs de projets générateurs de revenues fait toujours défaut dans notre système bancaire.
- Tout mode de financement islamique s’adosse directement à un actif tangible, il s’attache à une propriété économique d’un bien réel ou un service au service de l’économie productive. Par conséquent tout retour sur investissement se justifie à partir de la performance économique de l’actif indexé à l’opposé de la finance conventionnelle qui canalise son mode opératoire de financement dans le simple passage du temps, avec une rémunération fixée et imposée d’avance sans tenir compte de la sur performance et la sous performance de l’actif ou de l’activité financée ce qui fait que « la croissance exponentielle de la dette dépasse forcément la croissance de la richesse réelle , ce qui laisse supposer que les services de la dette doivent être plus élevés que le revenu gagné » .
Quel impacte sur le quotidien des ménages sénégalais ?
Une étude de faisabilité très pointue qui prendra en compte des variables macro et micro économique permettra d’un coté de donner un calcul exact des coûts de construction définitive (à l’exception des avenants ). En plus, elle traitera d’autres charges diverses susceptibles d’être encourues durant l’exploitation du projet pour enfin tabler une tarification raisonnable à l’optimum socio économique pour les usagers. D’autre part, l’atteinte de l’équilibre budgétaire par le SVP en sus des plus valus dégagés dans le cadre d’une étude qui compile plusieurs approches d’analyses méthodologiques, telles que (granger causality test ) commandité en 2012 par (khoutem et Nadra) et affirme la relation causale entre les gammes de produit offertes par l’industrie de la finance islamique et la croissance économique de la Malaisie. Elle s’infère dans ces résultats d’analyses plusieurs avantages en ce sens qu’elle atténue la lourdeur des procédures, l’asymétrie de l’information, ainsi que l’émergence d’un système bancaire florissant qui par ricochet va doper le taux de la bancarisation ainsi que l’investissement productif qui supporte une croissance économique saine et durable.
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