Selon le Président du Groupe africain des négociateurs sur le changement climatique (AGN), Ephraim Mwepya Shitima, les six principales priorités du continent lors des négociations s’articuleront autour de :
- Un financement climatique ;
- Un bilan mondial ;
- Renforcer les actions d’adaptation ;
- Une opérationnalisation du Fonds des Pertes et Dommages ;
- Une transition énergétique juste ; et
- La quête de l’Afrique pour obtenir le statut de besoins et de circonstances particulières.
Ces priorités, qui se sont cristallisées dans la Position commune africaine sur le changement climatique pour la COP28, ont été affinées et approuvées après une série de réunions consultatives à l’échelle du continent au cours des 10 derniers mois, notamment la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE), la Conférence sur le changement climatique et le développement en Afrique et le Sommet africain sur le climat.
Des études menées par le Centre africain pour la politique en matière de climat (ACPC), basé à Addis-Abeba, indiquent que « la fréquence et la gravité croissantes des conséquences du changement climatique entraînent des effets disproportionnés sur les économies et les sociétés africaines ; les pays perdent en moyenne 2 à 5 % de leur PIB et de nombreux pays consacrent jusqu’à 9 % de leur budget à des dépenses imprévues en réponse aux évènements météorologiques extrêmes ».
Le Coordonnateur de l’ACPC, James Murombedzi, affirme que, même si l’Afrique exige un financement climatique amélioré et prévisible lors de la COP28, elle devra explorer d’autres mécanismes de financement innovants, y compris les investissements du secteur privé, tels que la dette pour la nature et la dette pour les échanges climatiques pour combler le déficit financier et accélérer la mise en œuvre d’initiatives telles que les Grandes Murailles verte et bleue, promouvant l’action climatique, la durabilité et la création d’emplois.
« Nous reconnaissons les défis posés par le changement climatique sur le continent, mais en même temps nous sommes proactifs dans la recherche de solutions efficaces et intelligentes face au climat », déclare M. Murombedzi.
Lors du Sommet africain sur le climat, les dirigeants africains ont exprimé leur frustration face à l’incapacité des pays industrialisés à honorer leurs engagements en matière de financement climatique adéquat.
Avec le soutien de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), du G77+Chine, des économies nouvellement industrialisées du groupe BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), ainsi que du Groupe de pays en développement partageant les mêmes idées et les Pays les moins avancés (PMA), l’Afrique et d’autres blocs économiques du Sud feront pression pour une refonte de l’architecture financière mondiale et des Banques multilatérales de développement afin de « fournir un financement significatif pour le climat et le développement », y compris l’opérationnalisation de la facilité de financement des pertes et des dommages à la COP28.
Et des options de financement innovantes sont en cours de développement.
Selon le Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Afrique, António Pedro, les pays africains pourraient mobiliser jusqu’à 82 milliards de dollars par an en participant à des marchés du carbone qui fonctionnent bien. En outre, davantage de revenus pourraient être générés par les chaînes de valeur autour de ressources non renouvelables telles que les minéraux essentiels à la production de batteries.
« Nos ressources renouvelables et non renouvelables doivent être exploitées pour garantir la sécurité humaine, énergétique, alimentaire, minérale, environnementale et climatique du continent, en répondant aux besoins fondamentaux et en favorisant une transformation structurelle durable », a déclaré M. Pedro.
Lors de la quatrième réunion du Comité de transition qui vient de s’achever sur l’échelle du Fonds pour les pertes et les dommages, l’Envoyé spécial pour le climat au Timor-Leste, l’Ambassadeur Adao Barbosa, a déclaré qu’au moins 100 milliards de dollars par an provenant des pays industrialisés vers tous les pays en développement sont nécessaires pour faire face aux pertes et aux dommages associés au climat.
Tout comme le bloc des insulaires et le Groupe africain des négociateurs, la déclaration ministérielle du Groupe des pays les moins avancés, composé de 46 membres, indique que le bloc défendra la pleine opérationnalisation du Fonds pour les pertes et les dommages en tant qu’« entité opérationnelle du mécanisme financier » de la Convention au service de l’Accord de Paris et que le Fonds aide les pays en développement vulnérables à atténuer les effets néfastes du changement climatique.
Sur les 46 membres qui composent le Groupe des PMA, 33 pays membres se trouvent en Afrique.
Le Groupe des PMA a également réitéré son appel à un « résultat ambitieux du premier bilan mondial de la COP28 qui rende compte des progrès réalisés vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris ».
En matière de financement, le Groupe des PMA demandera aux pays industrialisés « d’augmenter le financement climatique pour compenser le déficit causé par l’incapacité à fournir 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 et jusqu’en 2025 ».
Le Groupe africain, quant à lui, demande aux pays riches de fournir entre 200 et 400 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour les pertes et dommages, et 400 milliards de dollars par an pour l’adaptation au changement climatique. Cela s’ajoute aux efforts de financement axés sur la réduction des émissions.
Outre le doublement du financement de l’adaptation, l’AGN cherchera à finaliser le nouvel objectif quantifié sur le financement climatique lors de la COP 28.
Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le changement climatique affecte de manière disproportionnée les pays en développement, ce qui les oblige à trouver davantage de financements climatiques.
Les estimations de l’ONU montrent que les économies en développement et émergentes auront besoin de jusqu’à 2 000 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour faire face au changement climatique.
Parallèlement à l’augmentation des flux financiers climatiques, les préoccupations liées au financement des pertes et des dommages pour les pays en développement sont liées au renforcement de l’action pour l’adaptation.
« En ce qui nous concerne, l’adaptation reste la priorité pour l’Afrique car pour nous, c’est une question de vie ou de mort. Nous ne pouvons pas attendre de réduire les émissions, ce qui ne se produit même pas assez rapidement, avant d’aider ceux qui souffrent des effets néfastes du changement climatique », a déclaré Mithika Mwenda, qui dirige l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA).
Alors que plus de 600 millions de personnes en Afrique manquent d’électricité, la recherche de sources d’énergie propres abordables, y compris des investissements accrus, sera la marque distinctive de l’attention des négociateurs africains lors des négociations sur une transition énergétique juste.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les capitaux coûteux à investir dans des alternatives de croissance verte ont vu moins de 2 % des investissements mondiaux dans les énergies propres affluer vers l’Afrique. Les conclusions de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) indiquent que pour stimuler la croissance verte sur le continent, des besoins d’investissement d’au moins 2 000 milliards de dollars d’ici 2050 seront nécessaires dans le seul secteur de l’électricité.
Selon l’Économiste en chef à la CEA, Hanan Morsy, le continent dispose d’abondantes ressources en énergies renouvelables et représente 40 % de l’irradiation solaire mondiale.
En outre, la région est dotée d’un potentiel de 20 000 MW d’énergie géothermique, de 30 000 MW d’énergie hydroélectrique et de 110 000 MW d’énergie éolienne.
« La transition énergétique juste du continent ne peut pas être identique à celle du reste du monde et nécessite des solutions pragmatiques. La transition doit être juste, inclusive et équitable », a déclaré Mme Morsy.
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