Par Abdoulaye Tao à Ouagadougou
En contactant Eliénai Diendéré, on ne pouvait imaginer que notre entretien se déroulerait dans une clinique de Ouagadougou, au chevet de sa fille. Un lieu insolite pour une interview, mais qui trahit l’amabilité et l’engagement de cette dame qui a décidé de suivre les pas de sa mère, Elisabeth Delma, fondatrice du centre ADAJA, œuvrant dans l’insertion professionnelle des femmes démunies de Ouagadougou.
Dans ce milieu où l’on transmet gratuitement un savoir-faire aux femmes défavorisées, pas ou peu scolarisées et victimes d’exclusion sociale, Eliénai Diendéré a su gravir les échelons, passant de bénévole à commerciale, puis gérante. Aujourd’hui, elle est la Directrice générale et coordonnatrice des œuvres sociales du centre ADAJA.
Après plus de quatre décennies d’existence, ce centre fait vivre plus d’un millier de femmes à travers l’apprentissage du métier de tisserande et la confection du Faso Danfani. Il a aussi permis l’insertion professionnelle de plus de 200 femmes qui ont su développer à la fois des activités commerciales autour du pagne tissé, ainsi que des activités sociales dédiées aux populations démunies du quartier de Tampouy, dans la capitale.
Un nouveau souffle
En se spécialisant dans le tissage fin du coton burkinabè, Eléinai Diendéré a apporté un nouveau souffle au centre. Elle explique que cette idée lui est venue après avoir «constaté, ces dernières années, que les besoins des clients avaient changé et que leurs niveaux d’exigences sont plus élevés».
«C’est ainsi qu’après avoir réalisé une étude de marché, une étude de satisfaction de la clientèle, une étude des tendances et grâce à la grande expérience et à la maîtrise du métier, nous nous sommes spécialisés dans le tissage fin des pagnes», explique-t-elle.
Les résultats sont à la mesure des attentes. «Les pagnes fabriqués par le Centre présentent des textures très douces, agréables à porter, offrant de nombreuses possibilités de couture de tenues. Nos produits sont légers et conviennent mieux à notre climat chaud. Nous avons travaillé sur des motifs originaux, modernes et peu chargés que l’on peut porter seul ou avec des tenues modernes. Ces pagnes fins sont très appréciés par les classes moyenne et supérieure de la société et du marché extérieur. Et les commandes se multiplient.»
Le Centre ADAJA est ainsi devenu, au fil des ans, une organisation plus structurée avec des stratégies de production et de commercialisation plus efficiente. La Fondation s’occupe des actions de solidarité, tandis que l’entreprise ADAJA SAS gère les activités de production et de vente des pagnes Faso Danfani. Les ventes sont boostées grâce aux produits de qualité. L’équipe est plus grande et de nouveaux marchés ont été obtenus à l’étranger.
Ce qui n’était qu’un lieu d’apprentissage de tissage de coton local est devenu une entreprise avec pour ambition : l’amélioration continue des conditions de travail de ses employées. Car les femmes formées au Centre, une fois installées à leur propre compte, continuent de travailler comme fournisseuses du centre, lorsque celui-ci à de grosses commandes. En moyenne, plus de 400 étoffes sont fabriquées par mois.
Une réussite qui a permis à Eléinai Diendéré d’être invitée, en octobre 2017, au Cap-Vert, lors du 4e Forum mondial de développement économique et local. Devant 3 500 participants, elle a partagé son expérience en tant qu’entrepreneure sociale et solidaire.
Sa constante recherche d’innovation lui a également permis d’être distinguée par de grands organismes tel que la Fondation L’OCCITANE, l’Initiative SOGEA SATOM pour l’Afrique et l’OIF.
Toutefois, elle ne manque pas de souligner l’âpreté de son engagement d’activiste. «Au Burkina, il est toujours difficile pour les femmes de se projeter dans l’avenir», déclare la femme d’affaires. Et de poursuivre : «Dans notre milieu, les femmes sont le socle de la vie familiale et sont obligées de se battre dix fois plus pour s’affirmer.»
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