Ziguinchor, Cabrousse, Djembéring, Carabane, le Parc de la Basse Casamance …, autant de lieux paradisiaques que de possibilités d’attirer des touristes. Si on y ajoute l’hospitalité des populations et la vivacité de pratiques culturelles ancestrales, on obtient un cocktail favorable qui ne peut qu’être attractif pour des touristes. Aussi, l’Etat du Sénégal a décrété la Casamance « zone touristique prioritaire d’intérêt national ». Sur le contenu du projet, les opérateurs sont dédouanés des taxes fiscales ou sociales.
Réouverture d’hôtels
Il y a une vingtaine d’années, Ziguinchor grouillait de touristes. Il était difficile de circuler dans la ville sans tomber sur des groupes de touristes. Ils avaient un impact réel sur la vie des gens, la plupart s’adonnant au concept de tourisme intégré en logeant chez les populations, en toute tranquillité, surtout quand les gros réceptifs de la région affichaient complet. Mais, tout a changé depuis. La crise a fini de chasser les touristes, causant la fermeture de plusieurs grands hôtels. « Les hôtels Savana, Kabrousse, Royal Cap, Jet Tours, Hibiscus, tous ont mis la clé sous le paillasson à cause de la rareté des touristes. Avec ces réceptifs, c’est plus de mille chambres qui sont fermés. Il y a que La Paillote et Club Med qui fonctionnent. Comment et où les touristes vont se mettre quand ils débarquent à Ziguinchor », s’offusque Adrien Diatta, promoteur du motel « Régal Casamance ». Il fait de la réouverture des grands établissements hôteliers de Ziguinchor une priorité pour relancer le tourisme. « C’est la première pierre de l’édifice. Après cela, on pourra penser à faciliter l’arrivée des touristes », conseille-t-il.
Le billet trop cher
« C’est simple, le billet Bruxelles-Banjul, en aller-retour, c’est 400 euros. Et Bruxelles-Dakar-Ziguinchor, aller-retour, 600 euros + 2 jours de vacances au moins pour caler les liaisons. Il n’y a pas photo. Le billet d’avion et les conditions d’accès aux sites font que je préfère aller en Gambie, puis descendre sur Kafoutine en 4 heures, plutôt que de prendre le chemin sénégalais », nous explique Michel, un touriste français trouvé à Cap-Sikirring. Il résume bien la situation et pourquoi le tourisme se meurt dans cette région. Trouvé dans une auberge, il déguste son plat en échangeant sur les difficultés du tourisme dans la région.
Pour lui, la plus grande cause de la désaffection de la Destination Casamance, c’est le billet trop cher. La crise économique, frappant le monde entier, a affecté le pouvoir d’achat des Occidentaux. Ils sont plus regardants sur les dépenses. « Si tu fais le rapport qualité/ prix et possibilités, tu vas aller en Gambie et puis passer par Ziguinchor. Alors que tu aurais préféré le contraire », ponctue-t-il. Son raisonnement est confirmé par Adrien Diatta, tenancier d’hôtel qui s’active dans le secteur. Vivant entre la France et le Sénégal, il regrette que le billet soit si cher. « Si l’Etat fait des efforts sur le billet, il n’y a aucune raison pour que le tourisme ne soit pas relancé en Casamance. Cependant, il faut aussi que les vols puissent correspondre entre Paris, Dakar et le Cap pour que le touriste qui vient sur le Cap ne soit tenté d’aller à Saly, parce qu’il n’a aucune certitude sur la disponibilité des hôtels, des avions et de la durée de ses congés », souligne-t-il.
Vente de la Destination Sénégal
« Depuis que Macky Sall est au pouvoir, je trouve qu’il y a du changement. Le problème avec le tourisme, c’est qu’il faut plus de temps pour construire une Destination, une réputation que de temps pour la détruire. Cette mesure sur les visas avait fini de décourager certains touristes qui se sont mis sur de nouvelles destinations », lâche un touriste trouvé au Cap-Sikirring.
Il faut donc relancer la promotion de la Destination Casamance pour attirer les touristes qui lui ont tourné le dos. Cela ne sera pas une chose facile, selon Jean Pascal Ehemba, président de la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Ziguinchor, et non moins promoteur touristique. Il invite ses collègues à être les premiers ambassadeurs de la Destination et à faire les salons. Comme à l’époque où ils le faisaient alors que l’Etat ne les accompagnait pas. « Quand l’Etat avait décidé d’arrêter le tourisme vers 1986 à cause de cette situation politique, nous partions en Europe dans les salons en Italie, Espagne… pour vendre la Destination Casamance. Dans cette dynamique, l’Etat ne peut que nous accompagner en mettant à notre disposition des billets d’avion. Mais c’est à nous, professionnels, de déterminer la politique économique à mettre en place parce que les ministres sont souvent des politiques. Ils ne sont pas des professionnels du secteur », souligne-t-il.
En plus du manque de visibilité, il n’y a que le secteur du tourisme qui tarde à se mettre au digital. « C’est comme s’il était en marge de la marche du monde. Ce n’est pas encore possible, pour un Toubab, d’acheter son billet d’avion et faire ses réservations pour les hôtels et le bateau en ligne depuis son pays d’origine. C’est incroyable ! Il y a une agence qui propose ce service, mais c’est elle qui avance l’argent et le touriste s’engage à payer à son arrivée. Imaginez si ce dernier se désiste ou plusieurs touristes se désistent, c’est un manque à gagner et des risques trop importants. Il faut faciliter l’arrivée des touristes et le digital peut aider à cela », lance Michel.
La Gambie fait mieux
L’égo des Sénégalais va en prendre un coup, mais pour tous les acteurs du tourisme rencontrés à Ziguinchor, la Gambie est mieux organisée que le pays de la Téranga. « En Gambie, les touristes ne sont pas fatigués à longueur de journée par des rabatteurs Cotémen, comme au Cap-Sikirring, pour leur proposer leurs services. Ils sont tranquilles et peuvent choisir tranquillement le produit qu’ils veulent sans pression. Je trouve même que ces actions des « cotémen » les obligent un peu à raccourcir le temps qu’ils consacrent aux visites de certains lieux », tonne Moussa Samb, un antiquaire trouvé dans les lieux.
Présent dans la vente de produits artistiques depuis 25 ans, il fait la navette entre la Gambie et le Sénégal en proposant ses services. Et pour lui, il n’y a pas photo entre les deux pays. « Les autorités gambiennes peuvent interpeller un jeune rabatteur qui importunerait trop les touristes. Elles ont mis en place une Police spéciale pour les touristes et même des taxis climatisées pour faciliter leurs déplacements. De son arrivée à son départ, le touriste est à l’aise », confirme Lamine Biaye, un marchand d’art qui indique déconseiller à ses jeunes frères d’embrasser ce métier. « Cela ne nourrit plus son homme », fait-il savoir.
Le Club Med dicte sa loi
Un tour dans le village artisanal de Cap-Sikirring suffit pour se rendre compte que le Club Med, le plus important hôtel de la région, est autant aimé que craint. Pour les antiquaires, il est la cause de tous leurs problèmes. « On a accès aux touristes que pendant 5 heures par jour, entre 14 et 19H. C’est une mauvaise heure car les gens sont fatigués, ils sont soit à la sieste, soit en bord de piscine en train de se prélasser. Pas le temps d’acheter des souvenirs », tonne Alpha Oumar. Pis, selon ce dernier, les dernières innovations sculpturales qui attirent l’attention des touristes sont interdites de vente dans l’hôtel. « Le Club Med nous interdit de vendre les produits qu’on a pourtant, nous-mêmes, créés parce que sa boutique, qui a vu que ce produit marchait bien chez les touristes, va se charger de les vendre désormais à prix d’or, après nous les avoir achetés à vil prix. C’est d’autant plus désolant qu’on doit payer 12 500 FCFA par jour pour rentrer dans l’hôtel », se désole l’antiquaire.
@Photo Balla Fall
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