La Casamance est une région agricole, quels sont les dispositifs que vous avez mis en place pour accompagner les producteurs ruraux dans leurs terroirs ?
Dans le secteur agricole, le riz constitue une denréestratégique majeure dans les options de politique économique pour l’Etat. Plus qu’une activité économique, la culture du riz est avant tout une tradition en basse et moyenne Casamance. Je dirai même en haute Casamance qui abrite le barrage de l’Anambé et la SODAGRI.
Ce sont des milliers de femmes diolas, mandingues, mankagnes, balantes, peulhs, pour ne citer que ces groupes ethniques, qui s’adonnent à cette pratique culturale, chaque année. Cependant, la production n’arrive à satisfaire qu’une partie des besoins de consommation de cette céréale au niveau local. Conscient de cet enjeu, l’Etat a, depuis 2012, mis en place de nombreux projets et programmes ou renforcer ceux existants pour accompagner la filière en Casamance. La mécanisation de l’agriculture est en marche et nous espérons arriver dans les deux ou trois prochaines années à une autosuffisance en riz dans notre pays.
Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. La vérité est que l’Etat a pris la pleine mesure de la situation à travers la mise en œuvre de programmes tels que le PADEC, le PUDC, le PUMA, le PAPEJ, le PRODAC, etc.A travers ces instruments, l’Etat travaille d’arrache-pied à l’amélioration des conditions de vie des Casamançais, à la structuration des filières agroforestières et au renforcement des capacités des acteurs. Aujourd’hui, il est facile de constater que le visage de la Casamance est en train de changer. Le Projet Pôle de Développement de la Casamance (PPDC) constitue un des leviers essentiels du développement économique et social de cette région.
C’est le lieu de le dire, l’action-phare dans l’agriculture en Casamance, le programme le plus ambitieux et le plus moderne depuis les indépendances, c’est la mise en œuvre du Domaine Agricole Communautaire (DAC) de SEFA dans le cadre du PRODAC. Grâce à ce programme, 1 500 ha de terres vont être aménagés, des milliers de jeunes femmes et d’hommes vont, à travers la mise en place des Groupement économiques agricoles (GEA), trouver un emploi durable et décent. Ce que je viens de dire n’est ni une fiction, ni un vœu pieu, c’est un objectif déjà atteint à 95%. Grâce à ce projet, des jeunes qui étaient tentés par l’exode rural ou par l’appel au suicide dans les eaux de la Méditerranée trouveront une raison de rester dans leur terroir dans le respect de leur dignité. J’ai tendance à le répéter, le travail, c’est la dignité.Ce que nous tentons de leur restituer à travers la mise en œuvre de cet ambitieux projet qui traduit la volonté du Chef de l’Etat d’apporter une réponse concrète à la problématique de l’emploi des jeunes en milieu rural.
L’anacarde supplante de plus en plus l’arachide. Quelle stratégie avez-vous mise en place pour accompagner cette nouvelle dynamique quand on sait que la région de Sédhiou en est la première productrice ?
Ce que vous dites est une réalité qui n’est pas propre au Sénégal. Savez-vous que l’anacarde est sur le point de supplanter le café et le cacao en tant que produit privilégié d’exportation de la Côte d’Ivoire ? Ce sont les lois du marché. L’anacarde, par ses diverses utilisations possibles, fait l’objet d’une forte demande sur le marché mondial.C’est un produit de notre temps.
L’Etat a mis en place différents axes d’intervention par rapport à la filière. Nous avons entrepris d’encourager l’activité de transformation du produit. Dans le cadre du Ministère en charge de l’Emploi, nous avons mis en place un programme de transformation participative de l’anacarde dont le but premier est de créer au moins 13 000 emplois dans la filière. Avec la collaboration d’une firme ivoirienne spécialisée dans la transformation de la noix de cajou, nous avons conçu un modèle d’unité de transformation de taille moyenne. Ce modèle consiste en la mise en place, dans les zones de production, d’unités- satellites mobiles sous forme de containers-usines. Dans les principales régions de production que sont les départements de Bignona, Oussouye et Foundiougne, nous allons mettre en place des unités satellites-mobiles d’une capacité de 200 tonnes chacune et une unité de finition dotée de laboratoire d’analyse qualité, d’unités d’emballage chargées de l’exportation du produit fini.
Nous avons également envisagé le développement et l’amélioration de la matière première à travers l’ouverture de nouvelles plantations. Il est prévu, par exemple, 500 ha de pépinière d’anacarde dans le DAC de Fafacourou dans la région de Kolda. L’objectif de cette vaste initiative est de faire du Sénégal, un des premiers exportateurs de noix de cajou dans la sous-région, dans les prochaines années.
En plus de l’anacarde, Sédhiou produit aussi du riz en grande quantité, n’y a-t-il pas quelque chose à faire pour continuer à être le bon élève de l’atteinte des objectifs du PSE en termes d’autosuffisance ?
Deux choses qui me paraissent urgentes. D’abord, stopper net la remontée du sel dans le fleuve Casamance. Cette remontée du sel constitue,avec l’ensablement du lit du fleuve et la disparition de la mangrove, un véritable risque de catastrophe environnementale pour la région. Je compte réunir tous les élus de la Casamance dans le cadre d’une Alliance pour la Sauvegarde et la Valorisation du Fleuve Casamance que nous allons mettre en place, en collaboration avec des partenaires sociaux. Cette alliance sera composée d’élus, de membres de la société civile, de chercheurs, d’opérateurs économiques et de simples citoyens préoccupés par le devenir de ce fleuve et au-delà de la Casamance. L’objectif de cette Alliance est de faire de la sauvegarde et de la valorisation de ce fleuve, une préoccupation des décideurs publics que nous sommes mais aussi de l’opinion. Mettre en œuvre très rapidement le DAC de SEFA dont, comme je le disais, les infrastructures ou «cœur de DAC» sont prêtes à 95%. Avec ce DAC opérationnel, la région de Sédhiou va incontestablement retrouver son lustre d’antan. Je rappelle que ce fut la première capitale de la Casamance naturelle.
En tant que fils du terroir qui œuvre pour la transformation structurelle de l’économie de la Casamance, comment appréciez-vous les différentes mesures prises par l’Etat pour donner un coup de fouet à ce domaine ?
Deux catégories d’actions sont à saluer. D’une part, l’Etat a trouvé un ensemble d’institutions crées pour accompagner le développement de la Casamance et les a renforcées.
D’autre part, il a mis en place de nouveaux instruments pour accompagner la transformation structurelle de l’économie casamançaise et instaurer une paix définitive dans cette partie du pays. C’est le cas du Projet Pôle de Développement de la Casamance (PPDC), articulé autour d’un ensemble de projets structurants financés par la Banque Mondiale et d’autres bailleurs de fonds.
C’est aussi le cas de l’érection de la Casamance comme pôle de développement touristique avec une exonération de l’ensemble des investissements faits dans ce domaine. C’est aussi, comme je l’ai dit ci-dessus, le fait d’avoir choisi SEFA pour abriter le premier Domaine agricole communautaire.
Avec sa position géographique stratégique, Sédhiou ne gagnerait-elle pas à favoriser la création d’un port sec et d’une zone franche pour être une plaque tournante des affaires entre le Sénégal et les pays environnants ?
Ces questions sont à l’étude. Dans ma vision, il ne s’agit pas d’un port sec, mais d’un véritable port fluvial qu’il faut envisager. Une telle idée ne pourrait prospérer que grâce au dragage du fleuve qui permettrait à des navires importants de pouvoir se hisser jusqu’à Sédhiou, comme ce fut le cas par le passé. Pour l’idée d’une zone économique, elle a été soumise à l’étude et j’espère pouvoir en dire un peu plus très bientôt.
Comment appréciez-vous les efforts de l’Etat dans la lutte contre le grand banditisme qui demeure un problème dans une région qui ne demande qu’à décoller ?
N’eut été le triste épisode portant sur les assassinats récents de nos frères dans la forêt casamançaise, on s’accorderait à dire que la zone est entièrement sécurisée. Hélas ! L’Etat fait de réels efforts. J’en appelle à une meilleure implication des filles et fils de Casamance, de tout bord politique, pour un retour définitif de la paix chez nous.
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