Racontez-nous ce qui vous a amené à créer votre entreprise dans l’informatique ?
J’ai créé mon entreprise dans le but de concrétiser mon rêve de contribuer au développement technologique de mon pays. Apporter ainsi une pierre à l’édifice, créer des solutions qui pourront concurrencer, au niveau international et aussi devenir un nouveau type de développeur qui ne copie pas, mais qui crée et innove.
Rappelez-nous vos années de formation, comment ça s’est passé en tant qu’autodidacte ?
Ah, c’était très dur du fait que je vivais seul avec mes deux petits frères qui étaient sous ma responsabilité. C’était très compliqué, il nous arrivait de rester trois jours d’affilée sans manger.
Je cumulais les études et le métier de coiffeur que j’exerçais 4 heures par jour.
En 2008, j’ai eu mon Diplôme de Technicien en Laboratoire Informatique (DTLI) au CAFIT de Saint-Louis. Après cela, j’ai voulu aller aussi loin que ma formation me permettait. C’est là que j’ai commencé à suivre des tutoriels et des formations à travers le Net dans la Programmation où j’ai acquis, durant des années, toutes mes connaissances dans ce domaine. Sept ans après, j’ai décidé de créer mon entreprise, InfiniGroup
Quelle était votre vision à la création de votre entreprise ? Pourquoi cela ne s’est pas passé tel que vous le voyez en rêve ?
Ma vision était de m’implanter dans ma ville et de prouver que l’on peut réussir aussi bien à Saint-Louis qu’à Dakar. Depuis toujours, je voyais mal les fils de Saint-Louis qui allaient investir à Dakar au lieu de leur ville natale. Au début, en me basant sur les conseils de presque tout mon entourage, j’ai fini par créer InfiniGroup à Dakar, mais après deux allers-retours au moment de l’installation, j’ai pris conscience que j’étais en train de faire la même chose que je reprochais à tout le monde. Et j’ai tout de suite décidé de transférer mon entreprise de Dakar à Saint-Louis. Ce fut le premier coup dur dans ma démarche.
Quelles ont été les contraintes et contingences des réalités de terrain qui vous ont poussé à revoir le modèle entrepreneurial ?
Une fois installé à Saint-Louis avec des amis, des promotionnaires, on a constitué la première équipe d’InfiniGroup avec 13 personnes, dont 4 programmeurs, 2 designers, 3 maintenanciers, un gestionnaire de projet, 3 commerciaux et une assistante.
Tout de suite, on a commencé à développer des solutions et des stratégies commerciales. Le fait d’être l’unique SARL dans le domaine des TIC dans la région était un stimulant, mais c’était sans compter avec la dure réalité sur le terrain. Les premiers soucis, c’étaient les démarches administratives, la gestion des salariés, etc.
Ensuite, nos prospections nous ont tout de suite révélé que 90% des structures à Saint-Louis sont des succursales, donc qui dépendent de leur maison-mère à Dakar pour tous achats ou contrats de prestation. Et le reste traite avec des grosses structures, comme Oumou Informatique ou Pico Méga. Avec l’Administration, il fallait avoir les reins solides pour travailler avec eux, puisqu’ils demandent des délais de paiement minimum de 60 jours.
Est-ce facile ou difficile d’être chef d’entreprise dans une région comme St Louis ? Et dans un secteur comme les TIC ?
D’après mon expérience, il n’est jamais aisé d’être chef d’entreprise dans n’importe quel secteur, encore moins dans les régions. Les TIC, c’est un domaine très difficile à percer, vu que beaucoup d’entreprises, jusqu’à présent, l’utilisent de façon partielle. La tâche est lourde et ceux qui ont réussi dans les régions ont vraiment beaucoup de mérite.
Qu’avez-vous retenu de cette aventure entrepreneuriale ? Si c’était à refaire, quelles erreurs vous n’allez plus refaire ?
Ces deux années passées sont immensément riches en leçons. S’il m’était donné de recommencer, je pense que je resterais à Saint-Louis, mais je ne ferais pas ceci : ne jamais créer une SARL dans les TIC au niveau de la région sans avoir de reins solides, parce que les charges sont trop lourdes ; ensuite, commencer avec le moins de personnes possible, bien vrai que cela soit pratiquement impossible si on veut travailler dans la programmation, il faudrait un minimum de compétences diverses.
Aujourd’hui, quelles sont les perspectives à court et moyen terme pour votre PME régionale officiant dans les TIC ?
A court terme, nous allons nous concentrer sur des logiciels de stock de gestion de pharmacie, à la conception de sites web, mais aussi le web marketing.
A moyen terme, nous voulons fournir des solutions informatiques à des structures et la conquête du marché de la fourniture de matériels informatiques.
Quelles sont vos attentes envers l’Etat en tant que PME, dans les TIC officiant en région ? Est-ce que vous avez eu à bénéficier de concours publics ?
Nous attendons aujourd’hui de l’Etat du Sénégal qu’il soit plus présent et plus à l’écoute des jeunes entrepreneurs des régions. Obtenir un marché public est une mission quasi-impossible pour une PME au Sénégal, surtout si elle est basée à hors de Dakar. En effet, les conditions d’admission sont extrêmement dures à remplir et demandent bien trop souvent des fonds importants dont les PME ne disposent pas.
Il serait, à notre sens, nécessaire d’effectuer un allègement des charges fiscales et sociales, accompagné de la mise en place d’une véritable politique d’accompagnement des PME et de promotion de l’entrepreneuriat des jeunes.
Les problèmes d’accès au financement sont une demande pressante des PME. Qu’en pensez-vous?
Il s’agit-là d’une question centrale par rapport à l’accompagnement que nous évoquions lors de la question précédente. Ces financements doivent absolument exister si l’on veut, un jour, voir des PME locales acquérir des marchés publics.
A notre avis, il y va de l’intérêt de notre pays. Miser sur les PME et leur faire confiance pour la réalisation de travaux publics, c’est miser sur la jeunesse, les forces vives et les savoir-faire existants au sein de notre population. Nous sommes convaincus qu’en mettant en place ces financements pour les PME, nous permettrons à ces dernières de participer activement au développement du Sénégal. Sans cela, les PME rencontreront toujours autant de problèmes et continueront à «survivre» en restant spectateur du développement de notre pays.
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