C’est en véritable avocat de l’entreprise au plan national comme régional, que le Président du conseil national du patronat (Cnp) du Sénégal, Baïdy Agne a plaidé la cause du secteur privé à l’occasion de la tenue des assises de l’entreprise à Dakar les 13 et 14 février 2018.
Des conditions de travail des travailleurs, en passant par la question de l’adhésion du Maroc et des autres pays du Maghreb à la Cedeao, aux réformes prudentielles bâloises, entre autres sujets, le président du Cnp a interpellé le gouvernement du Sénégal et indirectement les autres chefs d’Etats africains à davantage accompagner et soutenir le secteur privé. Ces préoccupations, ont toutes trouvé des réponses de la part du gouvernement Sénégalais dont le Premier ministre a présidé cette édition des assises de l’entreprise.
«Le futur du Sénégal, c’est le parti de l’entreprise»
«Faire du Sénégal un pays accueillant, incitatif, sécurisant et innovant pour l’investissement, c’est la directive présidentielle du Pse. Faire comprendre ce qu’est l’entreprise, les risques d’investir, les obligations, les responsabilités, les enjeux et contraintes, résument l’action quotidienne du parti de l’entreprise. Le gouvernement a fait de l’année 2018, une année sociale, permettez-nous d’en déduire que c’est aussi l’année de l’entreprise. Cette entreprise qui n’est pas une charge de l’Etat, mais plutôt ce partenaire, ce grand contribuable fiscal qui fait preuve de civisme. Cette entreprise qui n’est pas un lieu de privation, de travail forcé, de discrimination, mais qui renforce la promotion sociale, l’égalité des chances et la dignité humaine des jeunes, des femmes et des retraités» a d’emblée défendu le chef de file du patronat Sénégalais.
Entre autres avantages, Baidy Agne estime que soutenir le secteur privé réduit le déficit de la balance commerciale des biens et services, renforce l’inclusion de la croissance économique, etc. Ainsi, le président du CNP souligne que le soutien de l’Etat au secteur privé ne doit pas se limiter aux marchés publics, qu’il doit également concerner l’accès au foncier, la protection du made in Sénégal dans l’industrie, l’agriculture et les services, l’encadrement des entreprises en difficulté et l’accompagnement en export.
La Cedeao entre élections, climat social en ébullition et adhésion du Maroc
Dans son analyse des préoccupations de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, le Président du Cnp a pointé du doigt le contexte électoral dans lequel se trouve la plupart des pays. Pour Baïdy Agne, les années à venir sont électorales dans leur très grande majorité. Le citoyen ouest africain étant un grand consumériste de la politique, il y a donc ce travailleur, ce militant syndicaliste, un front social en ébullition. «C’est pour eux, le moment idéal de verser des larmes sociales à l’Etat employeur et au patronat pour un mieux-être. Seulement parfois, sans contre-partie. Le parti de l’entreprise plaide toujours pour un équilibre juste» a lancé Baïdy Agne.
Sur la volonté de certains Etats Maghrébins à adhérer à la Cedeoo, le président du Cnp a renseigné sur la position de la Fédération des organisations patronales d’Afrique de l’Ouest (Fopoa) qui a égrené un chapelet d’interrogations sur cette question. «Notre Cedeao est si attractive qu’elle suscite tant d’intérêt des pays de l’union du Maghreb africain» a indiqué Baïdy Agne. Et de révéler le contenu de ses échanges avec la présidente du patronat marocain, après lui avoir rappelé la présence du Royaume chérifien dans les secteurs de la banque, des assurances, du Btp, entre autres. «Notre marché vous est déjà ouvert à l’investissement avec tous les avantages. Par contre il est temps qu’on parle de réciprocité, de vos mécanismes de protection implicite, et barrières non tarifaires. Le partenariat ne peut être à sens unique» a défendu Agne. Et de continuer : «Nous estimons qu’au préalable, une étude d’impact s’impose. Et nous nous sommes interrogés sur la disposition des pays Maghrébins à abroger leur disposition constitutionnelle, juridique, judiciaire, législative et réglementaire nationale, contraire à notre droit communautaire. Sont-ils disposés à accepter et à rendre exécutoire les décisions de la Cour de justice de la Cedeao ? Quid de la flexibilité de la nouvelle monnaie nationale, nouveau levier de compétitivité à l’exportation, etc ? Beaucoup d’interrogations sur lesquelles, nous n’avons que très peu de réponses» a interrogé le président du Cnp qui reconnait aux chefs d’Etat la prudence qu’ils adoptent sur cette question.
Changements climatiques et Fonds vert climat
Sur cette question également, le président du Cnp estime qu’il n’est plus possible de plaider l’ignorance. C’est ainsi qu’au plan national, plus précisément à propos de la dépollution de la baie de Hann, le patronat suggère un accompagnement de l’Etat pour faire respecter la règle du pollueur payeur avec le règlement de la question de la station de pré traitement et d’interconnexion du réseau d’assainissement car l’industriel responsable ne peut agir seul.
«Le fonds vert climat offre des opportunités de financement privé et public, porteuses de croissance verte. Cependant, combien sommes-nous à connaitre les critères d’éligibilité, de procédures ? Ecoutons donc les paroles de l’entreprise éco responsable qui souhaite être soutenu par une fiscalité incitative et adaptée à l’investissement dans les énergies renouvelables, la lutte contre l’érosion côtière, la dépollution et la réduction des gaz à effets de serre» a plaidé Baïdy Agne.
Réformes bâloises contraignantes et inadaptées aux investissements
Se prononçant sur la mise en œuvre des nouvelles réformes bâloises, le Cnp a dit tout haut, ce que les banques disent tout bas au risque de subir les foudres de la Banque centrale chargée de superviser la transition des nouvelles réglementations bancaires. Ainsi, Baïdy Agne s’est directement adressé aux ministres de l’Economie et des Finances des Etats, pour défendre les institutions financières qui vivent sévèrement les lourdeurs et les contraintes de ces mesures dites prudentielles. «Il est du devoir du Cnp d’alerter lorsque le monde de la finance entend davantage réguler et superviser le financement bancaire de notre croissance économique. De Bâle I en 1988, nous sommes aujourd’hui à Bâle IV. On nous impose de nouvelles règles de financement bancaire encore plus contraignantes et de nouveaux mécanismes de contrôle des établissements bancaires. Dans notre zone monétaire, on en parle très peu. Nos institutions financières régionales sont timides et on applique progressivement les dispositions prudentielles internationales de Bâle. L’argumentaire du risque crédit, du risque marché, du risque opérationnel, est porté à un niveau optimal jamais égalé et ne se justifie pas pour nos pays. La conséquence, celle qui se dessine déjà, c’est la réduction des capacités de notre secteur bancaire à financer nos économies, nos entreprises et nos ménages. On a donc moins de concours bancaires, une hausse du taux d’interet, plus de sûreté exigée. Ce qui est bon pour le JP Morgan ou HSBC est si loin de nous et des réalités de la Bnde, Attijari, la Brm, la Bhs, etc.» a argumenté le président du Cnp
Et pour le président du Cnp, en plus de donner un coup de frein aux investissements des entreprises, ces nouvelles réformes peuvent également impacter le financement des grands projets de l’Etat. «De même la trésorerie des entreprises, les découverts et crédits de nos agences seront impactés. Et le financement du Pse aussi. La tâche du ministre du Budget, consistant à mobiliser des ressources nécessaires pour les infrastructures, l’habitat social, la campagne arachidière, l’emploi des jeunes et les contrats publics de l’Etat, ne sera donc pas aisée» s’est inquiété Baïdy Agne.
La digitalisation, l’avenir du marché de l’emploi
Constatant les mutations dans le secteur de l’emploi qui a déjà commencé à subir les soubresauts de la révolution numérique, le président du Cnp, Baïdy Agne anticipe sur la question en invitant les jeunes et les travailleurs à davantage se réorienter vers le digital. «Le Cnp demande à la jeunesse et aux travailleurs de mesurer à quel point l’avenir emploi et l’avenir métier sont désormais dans l’intelligence artificielle, couplée à la numérisation, à l’automatisation et à la robotisation» a renseigné le président du Cnp. Chiffres à l’appui, Baïdy Agne, se projette dans l’avenir et mise déjà sur la digitalisation pour régler les problèmes de chomage à venir. «Dans les 10 à 20 ans à venir, plus de 60% des entreprises seront impactées et en plus, prés 250 millions d’emplois non qualifiés seront détruits. Avec la digitalisation, nous allons progressivement vers un nouveau type de contrat social dans les entreprises, mais aussi dans la fonction publique et ses démembrements. Les nouveaux visages du travail privilégiés seront la flexibilité et la revendication syndicale d’acquis sociaux, le contrat commercial plutôt que le contrat de travail. Cette réalité socio-économique du monde du travail, nous la voyons tous» a insisté le président Baïdy Agne.
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