Dynamisme des chantiers d’infrastructures de l’Etat, concurrence dans le secteur du ciment, bataille des parts de marché, saturation de l’offre… Youga Sow, Directeur Général de SOCOCIM, livre sa lecture du secteur.
Aujourd’hui, le Sénégal s’est résolument tourné vers des programmes d’infrastructures de grande envergure. Quelle est le niveau d’implication de SOCOCIM ?
Notre place dans les infrastructures, c’est d’abord une place qui y est enracinée depuis très longtemps. L’histoire de SOCOCIM se confond avec celle du Sénégal… SOCOCIM construit le Sénégal depuis 70 ans.
Le Programme Sénégal Emergent est pour nous un nouveau chapitre de l’implication des ciments SOCOCIM dans la construction des infrastructures du pays. La construction de ce pays, pour ce qui est du bâtiment et des infrastructures, a été faite avec nos ciments. C’est un enracinement très fort.
Maintenant, il est heureux que dans le développement du pays, avec des besoins de plus en plus importants en infrastructures, l’Etat ait des projets très ambitieux auxquels nous contribuons pleinement. Nous sommes présents sur tous les grands projets de l’Etat. Aussi bien sur les routes et autoroutes, Ila Touba, la plateforme de Diamniadio et les projets de logements sociaux. Nous sommes présents dans le PSE en tant que fournisseur de matériaux qui garantissent la durabilité et la fiabilité des infrastructures.
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«Les grands travaux ont le mérite d’être structurants…»
Soulignons que lorsque vous construisez, c’est pour satisfaire un besoin spécifique dans la durée. Et dans ce domaine, nous sommes les seuls, au Sénégal et en Afrique de l’Ouest, à offrir la garantie que nous apportons par la qualité de nos ciments. Nos labels et certifications ne nous sont pas tombés du ciel. Ils sont une garantie offerte aux consommateurs d’avoir du ciment de qualité, contrôlé par des organismes totalement indépendants et qui, à tout moment, peuvent accéder à nos productions qui sont documentées, enregistrées. Des contrôles peuvent être faits même a posteriori. C’est un engagement volontaire de notre part. Nous avons compris qu’un Sénégalais, qui investit toutes ses ressources pour construire sa maison, doit vraiment pouvoir mettre sa famille en sécurité. Cela, nous le mettons en avant.
Que représentent les grands projets dans les chiffres d’affaires des cimenteries ?
C’est vrai, on parle beaucoup des infrastructures. Mais quand vous regardez les grands projets, ils représentent entre 10 et 15% du volume de ciment. Le plus grand consommateur de ciment au Sénégal, c’est le consommateur lambda. C’est celui qui prend sa décision de construire une maison, une villa ou un immeuble à Dakar, Diamniadio ou dans les coins les plus reculés du pays. Ces Sénégalais lambda consomment entre 85 et 90% du volume des ventes. Le marché du ciment au Sénégal tourne autour de 3 millions de tonnes. Celui qui tire les ventes, c’est le consommateur ordinaire. C’est pourquoi nous sommes sensibles à des facteurs comme la bonne pluviométrie, le pouvoir d’achat, la tranquillité des gens… Néanmoins, les grands travaux ont le mérite d’être structurants. Parce que si vous mettez des infrastructures là où il n’y en avait pas, les gens vont commencer à faire des lotissements, donc c’est intéressant pour le secteur. Mais l’effet de ces projets n’est pas immédiat, même s’ils sont cruciaux pour l’économie.
Avec l’arrivée d’une troisième cimenterie, on craignait le pire pour l’avenir du secteur. Comment le vivez-vous ?
Pour bien comprendre, je vous donne des éléments de contexte. Au Sénégal, nous avons une consommation nationale qui tourne autour de 3 millions de tonnes. Les capacités installées des trois cimenteries sont à 8 millions de tonnes. Vous voyez où se situe le hic. Il y a certes une capacité d’exportation vers le Mali qui varie entre 1,5 et 1,8 million de tonnes. Les cimentiers réunis n’arrivent pas à vendre plus de 5 millions de tonnes par an.
♦ Alors, quelle est la part de marché de SOCOCIM en 2016 ?
Sur le marché domestique, avec trois acteurs, SOCOCIM a terminé l’année 2016 avec plus de 55% des parts du marché. Nous sommes le leader et de loin du marché. Si nous peaufinons l’analyse, SOCOCIM est leader par sa capacité de production, leader par la qualité de ses produits car restant la seule cimenterie sénégalaise à produire du ciment labélisé et leader en termes de volume et de parts de marché. Pour m’en arrêter là, car il y a aussi d’autres segments sur lesquels nous sommes leader.
J’estime, avec mon expérience dans le domaine, que les équipes et travailleurs de SOCOCIM sont les plus performants et les plus valeureux d’Afrique. Les meilleurs ingénieurs et les meilleurs techniciens sont à SOCOCIM. Vous ne les verrez jamais ailleurs et il y a une raison à cela. Il y a des ingénieurs qui sont débauchés, par-ci, par-là, mais à SOCOCIM, nous avons un personnel fidèle et nous les traitons bien. L’entreprise permet à tous ses employés de s’épanouir et de satisfaire leurs aspirations. C’est la raison pour laquelle ils nous sont fidèles.
Mais, certains pays qui constituaient un marché secondaire ont érigé des unités de cimenterie…
Absolument. Certains pays qui constituaient un marché pour SOCOCIM sont en train d’ériger des barrières à l’entrée. Ce qui exacerbe la question de la surcapacité de production. Avec le marché sénégalais qui connait une croissance annuelle de 4 à 5%, on pourrait imaginer que les cimenteries se rabattent sur l’exportation mais depuis une dizaine d’années, on note une prolifération d’unités de production ou des centres de broyage de ciment dans la région. Par le passé, nous avons exporté au Bénin, au Burkina Faso, en Guinée Conakry, au Congo, en Angola, en Sierra Leone. Quelqu’un est revenu de la première Coupe d’Afrique à Johannesburg en me disant qu’il avait vu un sac de SOCOCIM sur le sol dans ce pays… Pour vous dire jusqu’où notre produit a été… Mais le contexte a changé. Tous ces pays sont en train d’inonder leur propre marché. Donc, les tonnes qui partaient ailleurs, ne partiront plus. Pour nous SOCOCIM, les exportations se limitent à certains pays limitrophes. Nous savons que tous les pays vont essayer de conserver leur marché et même le Mali va suivre la tendance avec l’installation d’unités de broyage et la montée en puissance d’une ancienne usine. Si en plus, il y a des pratiques de verrouillage des marchés, le ciment va devenir, dans quelques années, un produit à vocation de consommation locale. On exportera de moins en moins au vu de cette tendance.
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«Le ciment va devenir un produit à vocation de consommation locale…»
Rappelons que le ciment est une industrie à très forte valeur ajoutée sur le territoire national, plus que n’importe quelle autre industrie minière. L’extraction, la transformation des matières brutes, la production, la vente constituent une contribution très importante à l’économie nationale.