De plus en plus, ses services sont appréciés et les entreprises se fient à son diagnostic sans complaisance pour passer à un palier supérieur. Le Bureau de Mise à Niveau (BMN) est devenu ce filtre qui, grâce à ses soins, ouvre le chemin vers la performance économique de l’entreprise. Ibrahima Diouf, son Directeur général, rappelle l’importance de ce dispositif d’appui aux PME sénégalaises.
Le gouvernement du Sénégal a mis en place plusieurs instruments d’accompagnement des PME qui occupent une place importante dans l’écosystème économique du pays. Qu’est-ce que le Bureau de Mise à Niveau apporte aux entreprises ?
Le Bureau de Mise à Niveau (BMN) est d’abord une structure du dispositif d’appui au Secteur privé sénégalais. Donc, un maillon de la chaîne d’appui à côté d’autres structures comme l’ASEPEX, l’ADPME, la BNDE… Mais la particularité du BMN est qu’elle apporte un ensemble d’appuis financiers et non financiers pour améliorer la compétitivité des entreprises sénégalaises. Quand on dit «améliorer la compétitivité des entreprises sénégalaises», cela suppose que ces entreprises ont un certain potentiel de croissance, donc un certain vécu, un certain historique en termes de performances et de potentialités. Maintenant, ce sont ces potentialités-là qu’on va essayer de transformer en atouts, en gains de compétitivité, sous différentes manières. D’abord, au niveau «Diagnostic» pour faire ressortir l’ensemble des forces et faiblesses de l’entreprise. Ce diagnostic va permettre aux techniciens du BMN et au chef d’entreprise de savoir de quoi l’entreprise a besoin ? Savoir quelle orientation stratégique prendre pour gagner plus de parts de marché national ou bien aller vers le marché international en fonction de ses atouts ? Mais ce diagnostic va s’appesantir sur les faiblesses de l’entreprise en essayant d’y apporter les correctifs nécessaires. Voila un tout petit peu ce qu’apporte, sur le plan technique, le BMN à l’entreprise. Maintenant, il n’y a pas que le plan technique et c’est ça, la particularité du programme du Bureau de Mise à Niveau. Le seul qui allie appui technique et appui financier. L’appui financier consiste à octroyer à l’entreprise des primes pour encourager l’effort d’investissement. Parce qu’on s’est rendu compte que si l’entreprise n’investit pas, la création de richesses ne peut pas se réaliser. Et s’il n’y a pas de création de richesses, la croissance ne suit pas…
Avec l’expérience et la pratique des techniciens du BMN, vous avez pu vous rendre compte des lacunes que rencontrent le plus souvent les entreprises qui viennent pour suivre votre programme. Quelles sont-elles ?
On peut catégoriser les lacunes des entreprises qui viennent pour la mise à niveau en deux groupes. Il y a les lacunes techniques ou matérielles et celles immatérielles. D’ailleurs, c’est pour cette raison que le BMN apporte son concours pour la réalisation d’investissements matériels et immatériels. Quand nous prenons, par exemple, le matériel en termes d’appui technique, ce sont des outils de production qui sont souvent un tout petit peu obsolètes. C’est-à-dire des outils qui ont une certaines durée d’utilisation faisant que l’outil n’est plus productif, n’est plus performant, donc l’obsolescence de l’outil de production.
Les lacunes sont aussi souvent liées à l’inadéquation du produit à la demande. Les produits mis sur le marché par l’entreprise ne sont pas en adéquation avec la qualité pour être bien écoulés ou ne répondent pas à l’exigence de disponibilité. Ce qui fait qu’aujourd’hui, par rapport à ces lacunes, on apporte des correctifs en faisant en sorte que l’appui du programme de mise à niveau va aussi être centré vers la modernisation de l’outil de production. Parfois, on se rend compte que les marges brutes d’exploitation, c’est-à-dire les bénéfices réalisés, sont très minimes et l’appui de la mise à niveau consiste à améliorer cette marge brute. C’est-à-dire aider l’entreprise à réaliser plus de bénéfices. Quand l’entreprise réalise plus de bénéfices, c’est parce qu’aussi le chiffre d’affaires a augmenté, donc de créer plus de valeur.
Depuis la mise en place du BMN, peut-on avoir un bilan d’étape ? A défaut, quelques exemples de succès d’entreprises bénéficiant du programme de mise à niveau ?
Dans le portefeuille d’entreprises accompagnées par le BMN, on a des entreprises qui, à leur entrée dans le processus de mise à niveau, étaient strictement orientées vers le marché domestique. Grâce à l’accompagnement du Bureau de Mise à Niveau, elles ont gagné de nouveaux parts de marchés, surtout à l’international. Aujourd’hui, des entreprises comme Construction Métallique Africaine (CMA) évolue hors des frontières du pays grâce à l’appui du BMN. C’est une entreprise spécialisée dans le montage des unités industrielles et, pour rappel, c’est elle qui a monté les Ciments du Sahel. Grâce à la mise à niveau, cette entreprise a décroché un contrat de sous-traitance avec AREVA au Niger, évoluant dans l’uranium, un secteur très pointu qu’on ne confie pas à n’importe quelle entreprise. On peu citer aussi, dans l’hôtellerie, le TERROU-BI qui, de 4 étoiles luxes, est devenu 5 étoiles grâce à l’accompagnement du BMN. On peut aussi, dans les TIC, parler de NEUROTECH qui, aujourd’hui, dans les solutions informatiques, est très bien positionnée. On peut encore citer dans l’hôtellerie, notamment hors de Dakar, c’est important de les citer, l’hôtel KAJANDUMAN à Ziguinchor qui est, quand même, une référence dans son domaine.
Dans cette dynamique de mise à niveau engagée par le BMN, existe-t-il un volet réservé aux chefs d’entreprises, parce qu’on s’est rendu compte qu’ils ne sont pas souvent à la hauteur de leurs ambitions ?
Cela nous fait entrer de plain-pied dans l’investissement immatériel. Quand on parle d’investissement immatériel, cela comprend pratiquement tous ces aspects qu’on ne voit pas, mais qui influent sur la compétitivité de l’entreprise, comme par exemple l’acquisition d’un logiciel. Un logiciel de gestion permet à un chef d’entreprise de mieux contrôler certains flux, notamment la gestion des stocks, de la production et surtout la comptabilité analytique qui permet de voir quels sont les postes qui font perdre ou bien gagner de l’argent, etc.
Encore une fois, je pense que ces investissements immatériels peuvent concerner la formation, parce que plus le personnel est formé, plus le chef d’entreprise est formé, plus la productivité de l’entreprise s’en ressent. On peut parler aussi de la certification, une démarche des entreprises de l’agroalimentaire, en particulier la certification HACCP qui montre la traçabilité du produit, de la production jusqu’à la consommation.
Votre dernier mot ?
Mon dernier mot est qu’aujourd’hui, le Sénégal fait face, sur le marché de l’emploi, à une forte tension entre l’offre et la demande qui est excédentaire. Donc, il faut arriver à matcher un peu l’offre et la demande en faisant beaucoup plus le plaidoyer de l’auto-emploi. Sur l’emploi public, nous nous sommes aperçus que l’Etat ne peut plus satisfaire toute la demande. Donc, c’est le secteur privé qui doit davantage être outillé pour offrir de l’emploi aux demandeurs, notamment sur sa catégorie jeune de moins de 30 ans. Nous avons la chance d’avoir une population jeune, mais ça constitue également une menace si on ne parvient pas à leur trouver les emplois nécessaires. Mais à côté de cette offre d’emploi, il y a l’auto-emploi qui est cette capacité pour les jeunes de créer, eux-mêmes, leur propre emploi, dans les secteurs agricole, manufacturier ou minier ou dans les services. C’est là où nous devons, aujourd’hui, réussir pour atteindre cet objectif d’émergence qui n’est rien d’autre que la capacité d’un pays à offrir de l’emploi à sa jeunesse, surtout pour un pays aussi jeune. Quand l’emploi se développe, il va émerger une classe dite moyenne qui va être le tampon entre la couche supérieure et celle inferieure de la société afin qu’il n’y ait pas de choc. Et nous nous employons à contribuer à l’émergence de cette classe moyenne, c’est-à-dire les chefs d’entreprise, promoteurs de PME/ PMI dans ce pays…