Avec un budget de 32 milliards FCFA, le Sénégal va se doter d’une Arène nationale. Si le régime précédent s’est limité à de simples promesses, celui de Macky Sall a mis les bouchées doubles pour lancer les travaux. Si le projet fait l’unanimité eu égard à la place de la lutte au Sénégal, son coût et son emplacement suscitent débat et, peut-être, à raison.
Même si le ministre des Sports, Matar Bâ, estime que ce «complexe permettra de régler les problèmes d’infrastructures au Sénégal», l’ancien ministre des Sports, Abdoulaye Makhtar Diop, estime que l’infrastructure ne devait pas être érigée à Pikine, mais plutôt à Diamniadio. «La construction de l’Arène nationale hors de la ville de Dakar serait une bonne chose, parce qu’il y a l’Autoroute à péage, cela facilite plus le déplacement des amateurs. En plus, pour les problèmes de sécurité, les gens seront mieux protégés. Parce qu’en même temps qu’on va construire l’arène, on va installer un périmètre de sécurité. Construire une arène au Technopole pourrait détruire l’écosystème», avait-il plaidé.
Et c’est ce volet environnement qui a le plus interpellé ENDA Tiers-Monde. En sa qualité d’organisation dédiée à la préservation de l’environnement, elle s’était liguée avec l’ONG Wetlands International pour démonter le projet. Selon le document produit par Enda, cet édifice sportif va définitivement anéantir la seule dépression inter-dunaire de la Grande Niaye de Pikine, indispensable au captage des eaux de ruissellement et aux échanges hydriques souterrains entre les diverses zones habitées de la ville de Dakar.
«Le premier travail scientifique sur l’impact du projet de l’arène sur ce site, réalisé par l’Association des diplômés de l’Institut des sciences de l’environnement (ADISE) de l’UCAD, démontre que les promoteurs de la construction de l’Arène nationale sur le site du Technopole ont agi dans la précipitation, en oubliant de passer par l’étape de l’étude d’impact environnemental, pourtant indispensable pour ce genre de projet. Or, le travail réalisé par l’ADISE montre surtout que l’impact négatif d’un tel projet sur ce site, du point de vue écologique, hydrologique, scientifique, environnemental, économique et même politique, peut être désastreux. Au point qu’aucun expert ne cautionnera sa réalisation sur ce site du Technopole dont les fonctions écologiques sont inestimables au regard de tous les services qu’il offre. En plus de ne pas respecter les préalables techniques requis dans la mise en place d’une grande infrastructure urbaine, la construction de l’Arène nationale sur le site du Technopole va à l’encontre de certaines conventions internationales signées par l’Etat du Sénégal, comme la Convention de Ramsar qui protège les zones humides. En effet, la zone du Technopole étant de sept hectares, si les cinq sont comblés et imperméabilisés pour les besoins de la construction de l’arène, les conséquences seront immenses parce que l’eau n’aura plus d’espace pour être évacuée. Quant au risque lié à l’accessibilité du site et à la circulation, il est d’autant plus réel que le fait d’amener, à chaque combat, plus de 25 mille personnes sur l’autoroute ne manquera pas de poser un important problème de sécurité au regard des violences enregistrées parfois après les combats de lutte», avait pesté Enda.
Même si, grâce à son érection, la lutte qui étouffait le stade Demba Diop, va disposer enfin d’une infrastructure exclusivement pour elle. Me Mame Adama Guèye est de ceux qui estiment que l’Arène nationale pourrait, «techniquement, causer des catastrophes naturelles, comme des inondations. L’État fait du forcing administratif pour construire l’Arène nationale dans le Technopôle. Le ministre des Sports avait déclaré à l’Assemblée nationale que le Comité technique a rejeté deux fois le rapport sur l’étude d’impact environnemental. Et puis, l’État n’a même pas de permis de construire. Ces 22 ha devraient plutôt servir d’espace de respiration pour la ville de Dakar…», dénonçait-il.
Discussion à ce sujet post