L’environnement politique stable du Sénégal en fait, incontestablement, un pays attractif pour les multinationales étrangères. Ce qui explique, en partie, les difficultés du secteur privé national à faire face à une concurrence internationale massive. Ceci s’applique davantage au secteur minier qui a la particularité de recourir à une large gamme de métiers spécialisés.
Les premières PME sénégalaises intervenant dans le secteur minier provenaient essentiellement des métiers traditionnels du BTP liés à la logistique : transport, manutention, location d’engins lourds (bulldozer, excavatrices, chargeuses, etc.).
A partir des années 2000, avec l’essor du secteur minier (augmentation du nombre de permis de recherche, installation de nouvelles cimenteries…), de plus en plus d’entreprises locales s’orientent vers des activitésplus spécifiques aux mines. Il s’agit des métiers liés aux sondages de prospection, au minage, à l’environnement, etc. Ces secteurs, jusque-là réservés aux entreprises étrangères, comportent deux grandes barrières à l’entrée : la maîtrise du savoir-faire et l’investissement dans du matériel lourd.
En effet, il s’agit d’abord d’un savoir-faire spécifique nécessitant une main d’œuvre hautement qualifiée et une organisation particulière. Les exigences en termes de qualité et de sécurité dans le secteur minier requièrent la mise en place de procédures rigoureuses et de moyens de contrôle adaptés.
Ensuite, ces activités demandent un investissement important en équipement et/ ou infrastructures. L’accès au financement constitue, dés lors, un parcours du combattant pour l’entrepreneur auprès d’institutions financières n’ayant pas toujours une bonne visibilité sur le secteur des mines et aux critères d’éligibilité contraignants et garanties dissuasives.
Après avoir contourné ces obstacles, la PME doit faire face à une difficulté supplémentaire. En effet,les exploitants (titulaires de permis de recherche ou de concessions minières) bénéficient d’un Code minier favorable qui leur laisse un libre choix de leurs partenaires, fournisseurs et sous-traitants. Même s’il est précisé dans le même Code que le titulaire du titre minier doit utiliser «autant que possible» les produits ou services disponibles au Sénégal ; bien entendu, à des conditions compétitives de coûts et de qualité.
Alors que les PME locales sont parvenues, malgré tout,à développer leurs compétences et à se mettre aux normes internationales en se dotant d’équipements de pointe et de personnel qualifié régulièrement formé, les exploitantsminiers ont tendance à avoir recours aux entreprises étrangères avec qui ils sont en affaires dans d’autres pays.
Les conclusions du Salon International des Mines (SIM) de 2012, dont le thème principal portait justement sur la «création d’une solution locale pour la chaîne de fourniture de biens et services», avaient mis en exergue l’inadéquation du Code minier à l’évolution actuelle du secteur et la nécessité de définir un cadre institutionnel plus efficace pouvant permettre une participation accrue du secteur privé national. En attendant l’application effective de ces conclusions et l’appui de l’Etat, les sociétés minières nationales tentent de s’organiser au sein de la Chambre des Mines afin, entre autres, de défendre les intérêts de l’industrie minière sénégalaise. La Chambre des Mines constitue ainsi une base de données indicative sur laquelle le Ministère des Mines pourrait s’appuyer pourorienter les titulaires de permis miniers vers les PME sénégalaises spécialisées.
Le Sénégal hésite encore à protéger ses PME pour ne pas biaiser le jeu de la libre concurrence. Ces entreprises novatrices, structurées, constituent pourtant la base du tissu économique. Un soutien cohérent de l’Etat par un réajustement de ses textes et lois contribuerait à l’expansion de ce secteur et donc à un développement durable.
BIOEXPRESS:
Agée de 34 ans, RokhayaSall Mbaye, Directrice Générale de Mineex (www.mineex.sn), est Ingénieur géologue, diplômée de l’Institut des Sciences de la Terre (IST) et titulaire d’un Master en Management par la Qualité. Elle évolue depuis plus d’une dizaine d’années dans le secteur du forage – minage et de la distribution de produits explosifs au Sénégal, en Guinée Conakry, en Sierra Leone et au Libéria. Elle est entourée de 27 collaborateurs (Ingénieurs, mécaniciens, foreurs, mineurs et ouvriers spécialisés). Elle est Secrétaire Générale de l’Organisation Africaine de l’Energie Explosive (OAEE) et membre de l’International Society of Explosives Engineers (ISEE).
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