Le ministre de l’Intérieur gambien, Mai Faty, a évoqué, à la mi-juin 2017, des négociations « très avancées » pour la vente d’électricité par le Sénégal à la Gambie, en proie à des coupures de courant régulières. Cette fiche d’info aborde les capacités de la Société nationale d’électricité du Sénégal (SENELEC) à « sortir la Gambie du noir ».
Production et consommation du Sénégal
Selon les données fournies à Africa Check par la SENELEC, l’entreprise a produit 3.598 gigawatt-heure (GWh) en 2016, « une fourniture en électricité supérieure à celle de 2015 qui était de 3.438 GWh ». Quant à la consommation totale en énergie au Sénégal, elle était établie à 2.882 GWh l’an dernier et à 2.719 GWh en 2015? D’après la même source qui indique que ses réserves en électricité tournent autour de 100 mégawatt (MW), ce qui lui « permet de vendre de l’électricité à ses voisins ».
Quelle quantité la Gambie attend-t-elle ?
La Gambie a sollicité, auprès du Sénégal, « entre 10 et 30 mégawatt » d’après la SENELEC. « Cela se fera en trois étapes : 3 à 5 MW dans l’immédiat, 10 MW d’ici 3 mois et jusqu’à 30 MW d’ici un an », a indiqué Abdoulaye Dia, le secrétaire général de la SENELEC, dans un courriel à Africa Check.
Au moment où il annonçait l’état très avancé des négociations entre son pays et le Sénégal, Ahmed Fatty avait indiqué que cet apport en électricité «aidera particulièrement le milieu rural en Gambie, pendant que les autorités gouvernementales travaillent à régler la question des anciens générateurs, pour normaliser la fourniture d’eau et d’électricité dans le pays ». En effet, la société d’eau et d’électricité gambienne, la NAWEC, est en proie depuis plusieurs mois à des difficultés techniques et managériales.
Tous les Sénégalais n’ont pas accès à l’électricité
Selon la Banque mondiale, 61% des Sénégalais avaient accès à l’électricité en 2014. Les zones rurales concentrent une partie importante des Sénégalais n’ayant pas accès à l’électricité. Le directeur général de la SENELEC, Mouhamadou Makhtar Cissé, évoquait, il y a quelques jours , un problème de «réseaux de transfert».
Selon lui, les centrales de la SENELEC sont pour l’essentiel à Dakar. Et les populations qui n’ont pas d’énergie se trouvent à l’intérieur du pays, souvent dans les zones frontalières : ce sont ces « réseaux de transfert » qui doivent permettre d’alimenter ces populations mais ils « coûtent excessivement cher (…) nous n’en avons pas encore », a expliqué Cissé.
«Il est important de préciser que l’électrification de ces zones non couvertes est du ressort de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER). Le président de la République, Macky Sall, a fixé un objectif de 60 % du taux d’électrification rurale en fin 2017. Pour l’heure, nous en sommes à 53 % », a indiqué Abdoulaye Dia, le secrétaire général de la SENELEC, dans un courriel à Africa Check.
Qu’en est-il des délestages en zones urbaines ?
- Dia a souligné qu’aujourd’hui, on ne parle plus de délestage par manque de production d’électricité mais plutôt à cause des « interruptions de service dues à des pannes, qui surviennent suite à des agressions des câbles de la Senelec par des tiers ».
Il a cité, entre autres, des poteaux électriques renversés, la construction anarchique d’immeubles entrainant la saturation des câbles qui alimentent ces zones, des intempéries, des incidents sur le réseau interconnecté, comme étant à l’origine de ces pannes.
Aussi, « la SENELEC peut, dans le cadre de son programme de maintenance, procéder à des coupures programmées. Elles sont alors annoncées dans la presse sous forme de communiqués au moins une semaine avant. Quant aux clients industriels, ils sont avertis par courrier », a-t-il appuyé.
Le Sénégal peut-il se permettre de vendre de l’électricité ?
Mouhamadou Makhtar Cissé, a évoqué le fait que la Senelec ne dispose pas des ressources techniques nécessaires pour stocker ses 100 MW de réserves. Il juge utile de vendre cette électricité aux pays voisins « en attendant qu’on construise les lignes qui permettront de donner de l’énergie à tous les Sénégalais ».
L’échange avec la Nawec ne sera pas une première pour la SENELEC. En janvier dernier, l’entreprise sénégalaise et Energie du Mali – la société nationale malienne de fourniture d’électricité – ont ratifié une Convention dans laquelle la première devrait céder 20 MW de ses excédents de production à la seconde.
« De toute façon, dans les contrats, il est stipulé qu’à chaque fois qu’il y a des besoins, on arrête de leur fournir. On privilégie la demande nationale », selon le directeur général de la Senelec.
Abdoulaye Dia a notifié à Africa Check que d’ici trois mois, la SENELEC aura deux nouvelles centrales solaires soit 40 MW de plus : « donc aucun risque ».
Vendre, une « obligation économique »
«Lorsqu’une centrale produit de l’énergie, elle doit tout faire pour l’envoyer dans le réseau pour consommation car sa conservation dans le temps risque d’être très onéreuse», a expliqué à Africa Check, Makhtar Lô, ingénieur en électrotechnique.
«A notre connaissance il n’a jamais été tenté un stockage massif de l’énergie électrique car cela coûterait non seulement cher, mais aussi serait lourd à maintenir et aurait une trop courte durée de vie. Ainsi l’énergie électrique une fois produite doit être consommée ou perdue», a-t-il ajouté.
Selon le spécialiste des pratiques de l’électricité, «non seulement il n’y pas de risque» à ce que la SENELEC vende de l’électricité, elle est obligée de le faire «d’un point de vue économique et environnemental». Pour Lô, la vente d’électricité « est bénéfique pour la SENELEC et constitue, à coup sûr, des entrées d’argent qui participeront à la rentabilité de l’entreprise ». Du point de vue environnemental, poursuit-il, produire de l’énergie pour la perdre est un gaspillage de ressources et une augmentation inutile des rejets dans l’atmosphère.
Comme pour appuyer les propos des deux responsables de la SENELEC, M. Lô prévient que « malgré ce surplus de production, il faut noter que le Sénégal continuera à faire face à des délestages du fait de la vétusté de son réseau de distribution sujet à des pannes récurrentes et difficilement prévisibles».
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