Pour les femmes Bissau-guinéennes, c’est comme si le temps a suspendu son vol. Elles vivent les mêmes contraintes traditionnelles depuis des années, sans véritables espoir de changement.
Les gouvernements et les ministres passent, mais la condition de la Femme bissau-guinéenne ne change pas. Elle vit encore la même galère qu’il y a 30 ans. Faire marcher la maison, avec ou sans l’aide de son mari. Une vie difficile qui ressemble, à s’y méprendre, à un conte tout droit sorti d’un livre de la colonisation. Car, jusqu’à présent, ces femmes sont assignées à des tâches très ingrates qui ne leur permettent pas de s’épanouir. «Celles qui habitent les villages parcourent, parfois, des kilomètres à la recherche d’eau et du bois pour la cuisine, alors qu’en ville, elles ne sont pas mieux loties, confinées à la recherche d’eau de robinet et d’autres tâches imposées par l’insuffisance des infrastructures de base», relève Fatima de Barros, de l’Association des femmes commerçantes.
Ces conditions de vie très difficiles font que beaucoup d’entre elles meurent jeunes et le taux de mortalité maternelle en Guinée-Bissau (89 pour mille) est un des plus élevés au monde. Dans ce pays où les mutilations génitales féminines touchent 44,9% des femmes, quelque 41,8% d’entre elles affirment subir des violences multiformes.
A la 176ème place du classement des 186 pays sur l’Index de Développement Humain du PNUD, les femmes ressentent l’impact de cette situation sur leur quotidien. Le gouvernement a d’autres priorités à gérer, les laissant à la merci de la communauté locale. Elles sont souvent victimes de violations de leurs droits, exposées aux mariages précoces ou forcées, aux violences domestiques, mutilations génitales féminines, abus et harcèlements sexuels sur les lieux de travail. «Il y a encore beaucoup à faire pour parvenir à une véritable égalité», relève Silvina Tavares, vice-présidente de la Plate-forme politique des femmes, rappelant le rôle crucial des femmes dans la société. «Aujourd’hui, elles sont plus nombreuses parmi les travailleurs bissau-guinéens et responsables de la subsistance de nombreuses familles, mais il faut qu’elles puissent avoir des postes de responsabilité. Elles ont une charge de travail plus importante que les hommes pour un gain insignifiant», s’offusque-t-elle.
Victimes de l’instabilité politique
Elle regrette que ces femmes aient systématiquement raté les grandes décisions, reléguées qu’elles sont à l’arrière-plan. Principale victime de l’instabilité politique chronique, elles sont de bonnes mères, grand-mères douces dévouées, fidèles épouses et capables de supporter la souffrance, constate encore Silvina Tavares.
Ces qualités, Mme Tavares voudrait les voir transposées sur la scène politique pour apaiser la tension permanente entre ses différents acteurs. Pourtant, le pays dispose de «toutes les conditions naturelles pour se développer, mais à condition qu’il y ait l’unité, la réconciliation et la promotion des femmes dans les prises de décision du pays», faisait remarquer Jeffrey Feltman, le Sous-secrétaire général des Nations Unies chargé des affaires politiques, à l’issue d’une rencontre avec le Président José Mario Vaz.
Pour l’ex-ministre de la Femme, de la Famille et de la Cohésion sociale, Valentina Mendes, «la question des femmes est une priorité pour tout gouvernement, parce qu’il y a plusieurs défis à relever. Le taux élevé d’abandons scolaires des filles, de mariages précoces et forcés, les violences domestiques et les mutilations génitales féminines doivent être les priorités du gouvernement en général, le ministère des Femmes en particulier.»
Pour contribuer aux dépenses familiales et assurer l’éducation des enfants, elles sont obligées de vendre des légumes, du poisson, des fruits ou encore des vêtements dans les marchés ou même dans la rue. Apollinaria Mendonça est l’une de ces femmes qui travaillent chaque jour pour assurer le bien-être familial. Mère de quatre enfants, elle vend de l’eau au marché de Bandim, à Bissau. «Je survis grâce à mes activités économiques, je n’ai pas beaucoup d’argent, mais ce que je gagne m’aide à ne pas souffrir de faim», explique encore Appolinaria.
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