Jamais l’avenir du Franc CFA n’a suscité autant de questionnements. Si d’aucuns estiment qu’il regorge d’avantages, d’autres pensent qu’il n’est pas assez solide pour porter le développement des économies de l’UEMOA. Et le projet de monnaie unique cher aux pays de la CEDEAO, prévu à l’horizon 2020 devrait constituer une étape décisive.
« Le Franc CFA présente des avantages, et nous ne pouvons pas nous lancer dans une aventure juste parce qu’elle a quelques désavantages. C’est un terrain assez périlleux ce qui est important c’est de trouver les voies pouvant nous permettre de fortifier notre zone monétaire. C’est une question de fond que la Banque Centrale puisse accompagner nos différentes nations afin que nos politiques de développement soient beaucoup plus luisantes. Le franc CFA est stable et ce, quoi que l’on puisse dire. Elle l’est tout autant que notre institution, vue que nous n’avons pas trouvé d’éclaircis par rapport à ce qui pourrait être mieux que le franc CFA, mieux vaut terrer tous désirs de lutte anticoloniale et toutes aspirations politiciennes ». Cette prise de position du Président de la République, Macky Sall à l’occasion d’une visite d’Etat en France a remis au cœur de l’actualité, la pertinence pour les Etats de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Une position aux multiples enseignements. En effet, dans une interview qui a fait les choux gras de la presse internationale, le secrétaire général adjoint de l’ONU, Carlos Lopes et non moins désormais ex-président de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique faisait une analyse profonde. « Le franc CFA est un mécanisme qui devrait être revu. Il faut vraiment une discussion sur la zone franc. Le CFA, doit être à terme arrimé à un panier de devises et non plus à l’euro seul. Je dis que le mécanisme est désuet, mais pas nécessairement que le franc CFA ne doit pas exister. Mais il faut que le mécanisme soit dynamique. Il ne faut pas voir la composition et les caractéristiques actuelles, parce qu’elles ne sont pas de nature à répondre à la dynamique des croissances et à la dynamique internationale…», avait-il déclaré.
Une exigence de remise à niveau
Aujourd’hui quelques soient les positions, une chose semble faire l’unanimité, le FCFA doit être réadapté. Pour M. Felwine Sarr, professeur agrégé en économie et enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, « les inconvénients du FCFA surpassent les avantages ». Interpellé sur la position du Chef de l’Etat par rapport au Franc CFA, M. Sarr estime que la monnaie est une attribue de souveraineté. » Symboliquement, le fait d’avoir une monnaie que nous ne contrôlons pas, n’est pas de l’intérêt de nos économies. La réponse scientifique que je donne, c’est que les tractations sont déjà faites pour la monnaie unique ouest-africaine. Tout est en place. Il ne reste que quelques détails à régler avec le Nigéria et le Ghana sur les critères de convergence de la monnaie unique. Pour voir plus clair, je lui demande juste de convoquer une grande conférence d’économistes ouest-africains du domaine et discuter avec eux. Ils le convaincront que ce n’est pas une aventure. Il aura les arguments économiques qu’il demande. Nous avons des institutions comme la Bceao qui peuvent gérer la monnaie unique», a-t-il plaidé.
Quand la France met l’Afrique devant ses responsabilités
A voir les différentes réactions de hauts responsables sur la question de la pertinence de maintenir le CFA, on comprend aisément que la question dérange. Présent à la rencontre des ministres des finances de la zone franc à Bercy, M. Michel Sapin, ministre français de l’économie et des finances y est allé avec beaucoup de tacts. « C’est une question de cours. Elle était déjà posée il y a dix ans, il y a vingt-cinq ans. La France garantit la stabilité du franc CFA. Ce n’est pas sa monnaie, elle dépend de la volonté des Africains. Mais cette stabilité est une garantie pour le pouvoir d’achat des plus pauvres », avait-il répondu à la question de savoir si le FCFA était bon pour le développement. Abondant dans le même sens, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, arguait que le franc CFA n’était « ni sous-évalué, ni surévalué et qu’il offrait une protection contracyclique à ces pays ».
La monnaie Unique de la CEDEAO; un début de solution?
Pendant que les analyses et commentaires sur les enjeux du CFA se multiplient, la date fixée par les Etats de la CEDEAO pour la création d’une monnaie unique approche à grands pas. En effet, la monnaie unique de la CEDEAO a été approuvée et adoptée lors de la 24ème réunion du Conseil de convergence des ministres et gouverneurs de la Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO) et l’Union monétaire de la CEDEAO, prévoit la mise en œuvre du programme en 2020, avec l’établissement d’une Banque centrale de l’organisation avant la mise en circulation de cette monnaie.
Mais malgré cette ferme volonté, le chemin reste long et périlleux. Selon le ministre sénégalais de l’Economie, des Finances et du Plan, M. Amadou Bâ, le processus de création de la monnaie au niveau de la CEDEAO est une affaire très sérieuse et très complexe. « Nous sommes en train de mettre en place les éléments permettant de converger sur le plan économique. Les Chefs d’Etat ont fixé un horizon, je pense que nous sommes en train d’évaluer au niveau de la CEDEAO. Mais l’objectif est d’avoir une monnaie forte de la CEDEAO et pourquoi pas demain une monnaie africaine», a-t-il déclaré. Mais avant d’entrer dans cette étape décisive, une énorme équation est à résoudre. C’est l’arrimage du FCFA à l’EURO.
Aujourd’hui, même si les Etats ont décidé d’appeler cette monnaie ECO, il ya des questions vitales auxquelles il faut répondre. Quel sera son régime de change? Y aura-t-il un taux de change fixe indexé sur une monnaie? Comment rompre avec l’Euro? Autant de questions que les économistes trouvent vitales pour une meilleure efficacité dans la marche vers la monnaie unique.
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