Détecté depuis belle lurettes, le problème du financement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) est paradoxalement resté entier. Même si différents mécanismes ont été élaborés, le constat est que si cette frange qui représente plus de 80% du tissu économique sénégalais n’arrive pas à se développer, c’est essentiellement à cause de l’accès difficile aux financements.
Des chiffres inquiétants
A la tête de la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE), mise en place pour justement relever le défi du financement des PME, M. Thierno Seydou Nourou Sy, dans une interview accordée à Nouvel Horizon donnait les détails de la situation du financement des entreprises. Et pour lui le constat est catastrophique. «L’accès au financement est à un niveau alarmant au Sénégal au moment où on aspire à une émergence dans les années à venir, a-t-il dit. Le taux de financement de l’économie est de 31% du PIB, ce qui est très faible, comparé à ceux des pays émergents tels que l’Afrique du Sud (80%), le Brésil (110%), le Maroc (114%) et la Chine (155%). Le taux global de rejet des requêtes de financement des entreprises est de l’ordre de 72%. Des études ont révélé qu’environ 51% des PME, qui constituent 90% du tissu économique sénégalais, n’ont pas accès au crédit pour défaut de garantie et 35% de leurs demandes sont rejetées pour cause de dossiers incomplets. Les PME ne représentent alors que 16% du portefeuille des banques », diagnostiquait-il. A ces chiffres effarants, il faut ajouter le taux de mortalité des PME. Selon le directeur général de l’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et moyennes entreprises (Adepme), Mabousso Thiam, 80% des Pme meurent avant d’atteindre les cinq années d’existence.
«Le financement des PME est considéré comme un risque », Félix BIKPO (AGF)
Mais si l’accès est si difficile, malgré la disponibilité des ressources, M. Felix Bikpo, Directeur Général d’AGF (African Guarantee Fund) estime que le risque qui caractérise le secteur crée une certaine réticence vis-à-vis des banques. «Malgré l’importance reconnue à l’échelle internationale des PME, les entreprises africaines font face à de sérieux problèmes pour accéder au marché financier. Cela s’explique par le fait que beaucoup d’acteurs considèrent le financement des PME comme une activité à risques au regard de leur incapacité à fournir des nécessaires pour sécuriser les financements bancaires », a-t-il reconnu.
C’est dans ce sens que d’ailleurs la structure a été créée. «Nous soutenons le secteur bancaire en couvrant partiellement les risques de défaillance des PME et en contribuant à l’amélioration de l’offre de financement adaptée à leurs besoins. Par le biais de son service d’assistance technique, AGF assiste le secteur financier dans son effort de maitrise du risque PME, et aide les PME à améliorer la qualité de leur management », a-t-il déclaré à l’occasion d’un petit déjeuner débat autour du thème: « La garantie, outil d’accompagnement de la stratégie des banques dans le développement de leurs portefeuilles de PME/PM I ».
Et ce manque de garantie ne manque pas de conséquences sr le coût du crédit. Pour le Dr Macoumba Diouf, Directeur de l’horticulture, «le risque c’est la garantie qui caractérise le financement bancaire, et les PME ne l’ont pas, surtout quand il s’agit de ressources longues. Très souvent cela a des conséquences sur les coûts du crédit », a-t-il déploré.
Une question de transparence d’abord
Mais si les problèmes d’accès au financement sont si têtus, c’est que les PME en elles même s n’ont pas encore relevé certains défis qui semblent vital à leur survie. Pour M. Mabousso Thiam, il faut une gestion transparente pour prétendre accéder au financement. «Une PME qui n’est pas transparente, quels que soient les outils que vous pouvez développez à son profit, aura des problèmes pour bénéficier de financements. Le financement, c’est une partie du problème des PME, les chiffres montrent que l’économie sénégalaise n’est pas suffisamment financée. Il y a beaucoup d’attentes au niveau des PME, par rapport aux innovations se rapportant à la création du Fonds souverain d’Investissement stratégique (FONSIS) et du Fonds de garantie d’investissement prioritaire (FONGIP). Mais plus que tout, il est important que les Sénégalais soient plus motivés à la valorisation de la production locale plutôt que d’importer les produits à l’extérieur. C’est la responsabilité de l’Etat de mettre en œuvre un certain nombre de mécanismes qui permettent de renforcer la compétitivité des Petites et moyennes entreprises, mais également d’encourager les Sénégalais à investir dans le secteur de l’industrie », a-t-il déclaré.
Pour aider à mieux se structurer, l’ADEPME a entrepris un vaste chantier de réformes des PME. Pour son DG, l’objectif est de permettre aux Pme d’accéder à la commande publique et aux partenariats public-privé (Ppp). « Il faut à terme positionner les PME nationales dans la commande publique. Il faut aussi que les responsables des structures publiques comme le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip), le Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques (Fonsis), chargées du financement et de l’accompagnement des Pme au Sénégal, renforcent leur présence auprès des porteurs de projets. Aujourd’hui, peu de responsables de Pme sont informés de l’existence de ces structures, encore moins de leurs missions. Elles ne bénéficient d’aucun conseil, encore moins de soutien. C’est ce qui explique toutes leurs difficultés », avait-il déclaré.
AGF, un début de solution ?
Le constat est clair, le manque de garantie explique essentiellement le faible accès des PME aux financements. C’est justement à ce niveau qu’AGF à travers le fonds GARI, va intervenir. «Notre mission c’est d’accompagner les draineurs de ressources afin qu’ils puissent financer les PME. Nos produits de garantie sont liquides immédiatement, facilitent la levée de ressources longues, permettant la diversification des sources de financement et le renforcement des fonds propres des PME », a dit le Directeur général de l’AGF.
Acteurs majeurs dans le financement des PME, les institutions de microfinance peuvent aussi compter sur le soutien de l’AGF dans une certaine mesure. «Les IMF ont besoin de ressources pour financer, nous pouvons les accompagner quand elles veulent lever des fonds, mais pas dans la garantie, la plupart de leurs clients PME ne sont pas formalisés », a-t-il précisé.
Les solutions se multiplient…
Le moins que l’on puisse dire aujourd’hui, c’est que les tentatives se multiplient. Dans sa peau de banque panafricaine, ECOBANK n’a pas manqué de mettre la main à la pâte pour ce secteur si stratégique. Dans un entretien qu’il nous avait accordé, M. Mohamed DIACK, Directeur des Grandes Entreprises à Ecobank, révélait que le volume des financements accordés aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) représente 20% du volume de financement d’Ecobank. Et dans le cadre des SME Club, Ecobank a remis les PME au cœur des discussions. Selon le DG, M. Serge ACKRE, pour faire émerger des champions locaux dans les PME, de nombreuses actions ont été menées pour accompagner les Pme non seulement sur le plan du financement de leurs activités et de leurs investissements, mais aussi en termes de renforcement de capacités et de saisies des opportunités de marché.
Avec une approche innovante, IROKO PROJECT s’est aussi intéressé à la question. Selon un de ses promoteurs, Gilles Lecerf, « à travers une finance participative appelée Crowdlending, nous donnons à des personnes désireuses de soutenir des PME, la possibilité de les financer selon leurs bourses. Ceci permettra la formation d’un tissu dense de Pme qui va impacter positivement le marché de l’emploi ».
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