Depuis que la multinationale Air Afrique a tiré sa révérence, chaque pays de l’Afrique de l’Ouest se bat pour disposer d’une compagnie aérienne. A l’image d’Air Burkina, d’Air Mauritanie ou d’Air Ivoire, le Sénégal s’est mis depuis lors à la recherche d’une compagnie. Mais les histoires se suivent et n’ont jusque là pas connu les réussites escomptées. D’Air Sénégal à Sénégal Airlines, que d’échecs, Air Sénégal S.A dernier né renferme pleins d’espoirs.
Air Sénégal International: La rançon d’une gestion calamiteuse?
Plaque tournante des échanges dans la sous-région, le Sénégal est la porte d’entrée du continent africain. Mais paradoxalement, le pays peine depuis son indépendance à disposer d’une compagnie aérienne digne de ce nom. Créée sur les cendres de la compagnie Air Sénégal qui avait finalement par déclarer faillite le 1er février 2000, la compagnie aérienne Air Sénégal International (ASI) renfermait beaucoup d’espoirs, beaucoup d’observateurs estimaient que non seulement le Sénégal avait appris de cet échec, mais surtout l’expertise de la compagnie marocaine Royal Air Maroc qui détient 51% allait permettre au Sénégal de disposer en fin d’une compagnie digne de ce nom.
Et les années suivantes ont donné raison, la compagnie devint la plus importante compagnie aérienne d’Afrique de l’Ouest. Mais malgré ce décollage, les vieux démons ressurgissent très vite. De vrais problèmes de gestion minent la compagnie. Et tout commence à foirer quand le Conseil d’Administration a entériné des pertes de 12 milliards de F CFA, soit le double du capital de l’entreprise qui est 7,2 milliards de F CFA. L’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (Ohada), monte au créneau et exige une réunion du conseil d’administration et fixe les règles: Soit ASI augmente son capital, soit elle met la clé sous la porte. Hélas, la partie marocaine en avait déjà assez elle se retire en Avril 2009. Laissant derrière elle une dette globale de plus de 30 Milliards de FCFA, dont 10 milliards dus aux banques, à l’Etat et à divers fournisseurs et 20 Milliards au profit de la RAM. Ne pouvant plus faire cavalier seul, le Sénégal ferme la compagnie, près de 402 employés se retrouvent au chômage. La somme d’un milliard de F Cfa représentant 70 % des droits des ex-employés avaient d’ailleurs été versée en guise d’indemnisation.
Sénégal Airlines: Un mort-né?
Air Sénégal International (ASI) mort, le Sénégal ne pouvait pas rester sans compagnie aérienne surtout qu’elle avait coïncidé avec la finalisation du projet de construction du deuxième aéroport international au Sénégal. Mais rien ne sert de courir, il faut partir à point, dit l’adage, le Sénégal l’a appris à ses dépens. Créée dans la précipitation en 2009, Sénégal Airlines dispose d’un capital de 17 milliards de F CFA, là où des compagnies comme Asky Airlines disposait d’un capital de 70 ou encore Air Côte d’Ivoire qui était à 65 milliards. Mais sans un partenaire de renom pour un secteur aussi stratégique, le décollage allait être compliqué. Même si l’idée de céder 64% aux privés nationaux était louable, ils n’ont jamais libéré leur part du capital puisque l’État leur devait des sommes importantes. Pour M. Christion Leloup, Ancien Directeur Commercial de Sénégal Airlines, le montage d’une compagnie aérienne nécessite beaucoup de moyens. « Il faut beaucoup de capitalisation, il faut que les moyens soient là et ce sont des sommes colossales. Il ne s’agit de louer des avions et mettre le drapeau, c’est beaucoup de moyens et ce n’est pas forcément rentable. Il faut que l’Etat mette beaucoup de moyens et des conditions souples pour que les privés mettent des capitaux. Pour Sénégal Airlines, le montage était très bien, mais jamais les capitaux n’ont été décaissés », dit-il.
En plus d’un manque d’investissement, la compagnie fait des choix qui se sont avérés peu rentables. Selon M. Jean-Louis Ndiaye, co-pilote à Sénégal Airlines, Sur la plateforme de Dakar, la destination la plus lucrative, c’est le vol direct Dakar-Paris, qui draine 60 % des passagers et représente plus de 76 millions d’euros par an. « Or la compagnie à préférer se concentrer sur des connexions transcontinentales. À ses débuts, Sénégal Airlines desservait les principales capitales des pays d’Afrique francophone : Abidjan, Bamako, Niamey, Conakry, Ouagadougou, Cotonou, en attendant de s’envoler jusqu’à Douala et Libreville », déplorait-il. Autre mauvais choix, c’est celui d’avoir confié la sous-traitance de l’assistance au sol à la société aéroportuaire AHS, au lieu de l’assurer en auto-assistance. Selon les délégués de la compagnie, « le handling est en effet beaucoup plus rentable et bien moins coûteux en investissements que le transport de passagers. Les bénéfices peuvent dépasser 50 % pour le handling, alors qu’ils sont inférieurs à 5 % dans le transport », disait-il. Ainsi, la compagnie avait déjà perdu plus de la moitié de son capital social. Mais le mal ne s’arrête pas là. Le contrat de location des deux avions qu’elle exploitait arrive à terme, choix surprenant, le Directeur général M. Mayoro Racine s’engage durablement dans la voie coûteuse de l’ACMI (Aircraft Crew Maintenance and Insurance). Selon M. Jean–Louis Ndiaye, co-pilote à Sénégal Airlines, c’est l’une des raisons qui ont plombé la compagnie. La plaie infecte et les mois d’arriérés de salaire se compilent et 102 employés sont placés au chômage technique et plusieurs pilotes sont débauchés par des compagnies concurrentes. D’après le diagnostic, la Compagnie croule sur une dette de plus de 65 milliards de F CFA. Selon la ministre des Transport aériens, Maïmouna Ndoye Seck, le Permis d’exploitation aérienne de Sénégal Airlines qui est arrivé à expiration le 2 avril, n’a pas été renouvelé par l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim).
Air Sénégal S.A: Eviter les démons du passé
Aujourd’hui, même si Sénégal Airlines n’existe plus, depuis juin 2015, plus de 200 employés de la défunte compagnie continuent de percevoir 25 % de leur salaire net. Alors qui supporte cette charge? En tout cas, le Sénégal qui s’apprête à réceptionner son deuxième aéroport vient de lancer une nouvelle compagnie, la troisième en moins de 16 ans. Air Sénégal S.A avec comme partenaire principal, la Royal Air Maroc. Un partenaire qui revient en terrain connu. Selon une source sous le couvert de l’anonymat, le Sénégal peut bien profiter de l’expertise marocaine, mais pas n’importe comment. « Il faut que le Sénégal évite de laisser les places stratégiques aux marocains », a-t-il laissé
Mais ce qui change avec cette nouvelle dynamique, c’est la nouvelle dimension prise par la Royal Air Maroc au Sénégal, depuis presqu’un an, la RAM dispose de trois vols par jour au Sénégal. Ainsi, avec la mise en place d’Air Sénégal S.A, la RAM ne risque-t-elle pas d’être vue comme un concurrent?
En attendant, Air Sénégal S.A est doté d’un capital initial de 40 milliards de F CFA en numéraires, porté par la Caisse des dépôts et consignations du Sénégal (CDC), mais il est prévu une augmentation du capital à 100 milliards de F CFA. Pour la ministre des Transports Aériens, « la date de démarrage précise d’Air Sénégal SA n’est pas encore connue mais il est retenu d’assurer une capitalisation permettant un démarrage rapide de ses opérations en attendant la contractualisation avec un partenaire stratégique fort . La nouvelle compagnie disposera d’un service de handling (assistance au sol), ainsi que d’un centre de maintenance afin de garantir à la compagnie un modèle économique robuste. L’objectif du gouvernement est que le premier vol commercial depuis le tarmac du nouvel aéroport international Blaise-Diagne de Diass soit celui du pavillon national », a assuré Madame Maïmouna Ndoye Seck.
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