Une fourniture défectueuse malgré des investissements colossaux, la Senelec présentait un visage peu reluisant. Mais depuis quelque temps, la tendance s’est inversée. Cette lueur s’expliquerait-il par l’arrivée du nouveau patron, M. Mouhamadou Mactar Cissé ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que son empreinte est de plus en plus visible.
« En 2015, nous avons vu l’aboutissement de grands projets avec l’inauguration de l’extension des centrales de Boutoute, Kahone et Tobène Power et récemment Contour Global par le Président de la République, Macky Sall. Ces réalisations vont contribuer d’une part, à couvrir la demande en électricité et d’autre part, améliorer la qualité de service à travers une capacité de production plus grande dans les régions du Centre et du Sud. Au-delà du parc de production, le réseau de distribution a été renforcé grâce à un programme d’urgence qui a été finalisé au mois d’octobre. Ce qui a permis d’améliorer la qualité de service dans des zones comme Guédiawaye, Maristes, Yoff, Parcelles Assainies, Soprim… L’appui de la Coopération chinoise nous a aussi permis de réaliser la boucle 90 KV de Dakar avec 29 km de câble souterrains, 90 KV et 04 postes HT Patte d’Oie, Aéroport, Université et Bel–Air. Dans l’optique de mieux sécuriser les revenus de l’entreprise, un programme de lutte contre les Pertes non Techniques a été lancé depuis 2014. L’objectif étant de les ramener en dessous du seuil des 3%. D’autres réalisations ont été faites et sont toujours en cours ».
C’est le Directeur Général de la Senelec qui résume, ainsi, les réalisations faites depuis son arrivée à la tête de cette entreprise nationale qui a, par le passé, brillé par sa faculté à absorber des ressources budgétaires, sans jamais arriver à une fourniture correcte.
Aujourd’hui, parler de la Senelec, c’est également parler d’un paradoxe que les consommateurs ne s’expliquent pas. En effet, malgré les nombreux efforts consentis par l’Etat du Sénégal et la Senelec, elle-même, les interruptions de service dans certaines localités sont légion.
Et les raisons sont multiples : le retard d’investissement qui a entrainé la vétusté des installations, la surcharge des ouvrages lignes et transformateurs due à un accroissement continu de la demande accentuée par l’ambitieux programme de l’Etat de porter le taux d’électrification nationale à 70% en 2017, l’absence de câbles et groupes de secours capables de reprendre l’alimentation électrique des clients en cas d’incident. « Pour y remédier, un programme ambitieux d’actions prioritaires d’un montant d’environ 132 milliards a été initié pour la mise aux normes des installations de Senelec », assure le Directeur.
Faire déjà de la place au gaz
Avec la découverte du pétrole et du gaz, une nouvelle ère va s’ouvrir et que Senelec ne veut rater pour rien au monde. « Notre plan de production donne priorité au gaz pour les années à venir ; nous nous y préparons puisque toutes nos nouvelles centrales et IPP sont conçues pour pouvoir brûler du gaz (Tobene, Contour Global,…) et de grandes centrales au gaz sont prévues vers 2021. Nous allons anticiper en important du gaz liquéfié. Et dès l’arrivée de notre gaz et la mise en œuvre du marché de l’électricité, Senelec commencera à exporter de l’électricité », assure-t-il.
Et si ces projets aboutissent, c’est le consommateur qui s’en frottera les mains. Soit la conséquence très attendue des efforts consentis dans le mix énergétique. Un mix qui prend une place de choix dans la dynamique de relance de Senelec, afin de sortir de la tyrannie du pétrole importé, embrasser les énergies propres (solaire, éolien, biomasse). « Neuf contrats d’achat d’énergie sont signés et en cours de mise en œuvre pour le solaire photovoltaïque (180 MW), un contrat pour l’éolien (50 MW) et une centrale à charbon (125 MW) en cours de construction. Les centrales IPP duales fuel/gaz de Tobéne Power et Contour Global sont en cours d’extension pour 30 MW chacune. En plus, nous sommes en train de mailler le pays en 225 kV avec des projets sous-régionaux et des projets propres à nous. Des dorsales MT pour favoriser l’électrification rurale sont également en cours« , révèle-t-il.
Entre impayés, fraude, la Senelec liste ses maux…
Si les choses étaient rentrées dans l’ordre, Senelec n’aurait pourtant pas besoin de chercher des financements tous azimuts. En effet, Senelec perd, chaque année, près de 25 milliards FCFA du fait de la fraude. Parallèlement, elle fait face aux impayés des établissements publics et autres collectivités locales. Selon le manager Cissé, «les impayés des EPAFS et des Collectivités locales, incluant l’éclairage public, se chiffrent à 58 milliards FCFA à fin mai 2016. Et pour y remédier, les solutions ne manquent pas. La fraude est un fléau pour Senelec et pour la Communauté car il faut le rappeler, Senelec est une entreprise nationale qui appartient à tous les Sénégalais. Senelec a élaboré un programme de lutte contre les pertes non techniques avec un accent particulier sur la fraude autour du renforcement du volet juridique grâce à l’appui des autorités. La fraude est désormais pénalisée. Pour y faire face, il faut la mobilisation et l’engagement de tous les acteurs, la mise en place d’une organisation, des ressources et des méthodes appropriées, la communication et la sensibilisation, la priorisation des opérations en fonction des niches de pertes », explique-t-il.
Parallèlement, Sénélec a mis en place le projet de pose de compteurs de rendement pour une mesure d’énergie au sortir des postes de distribution afin d’évaluer, avec exactitude, les pertes techniques et non techniques. Pour les comparer avec les consommations des clients, raccordés au même poste d’où une orientation pour lutter efficacement contre la fraude.
« Avec la modernisation du système de comptage avec le projet de télé-relève et télégestion des clients grande puissance et industriel ainsi que la généralisation du prépaiement au niveau des clients généraux, nous allons revoir tous ces manquements. Pour les Collectivités locales, compte tenu de la sensibilité des structures (hôpitaux, éclairage public, universités, etc.), il n’est pas souhaitable de procéder à des coupures par défaut de paiement. Il est à noter que l’Etat a mis en place un comité chargé de proposer des solutions au problème de ces impayés. Il est aussi important de souligner que l’Etat a entamé une procédure de croisement des dettes avec Senelec, à l’issue de laquelle il sera épongé l’essentiel des impayés (universités, hôpitaux, centres de santé, éclairage public). Certains pays comme la Namibie et le Rwanda ont mis leurs EPAFS et leur Administration au Prépaiement ; un benchmark est envisagé afin de nous permettre de voir les modalités pratiques de mise en œuvre dans notre pays », assure-t-il.
Des innovations bien adoptées par les consommateurs
Lancée il y a 2 ans, la formule dénommée Woyofal a connu une forte adhésion des consommateurs. Selon M. Cissé, «à ce jour, Senelec a enregistré 139 600 clients avec un chiffre d’affaire de 4,5 milliards cumulé pour l’année 2016. La clientèle commence à bien découvrir les avantages que présente Woyofal. Nous notons une demande croissante de clients qui souhaitent une reconversion au Woyofal. Contrairement au Post-paiement, nous notons très rarement des demandes de résiliations du fait des facilités que le produit offre. La perception que nous avons, en attendant l’enquête de satisfaction, montre que les clients sont dans une large majorité satisfait du Woyofal. Il faut noter que les agents Senelec sont presque tous reconvertis au Woyofal. Les consommateurs sont globalement très satisfaits par le fait de la diversification des solutions de ventes avec les portes monnaies électroniques (Orange Money, Tigo Cash, Poste Cash) et les Espaces services (Wari, ATPS) », salue-t-il.
Aujourd’hui, si la nouvelle configuration suscite espoir, c’est que Senelec, jadis connue pour ses tensions entre les travailleurs et la direction, connait, depuis un certain temps, un climat social très apaisé. Pour Mouhamadou Makhtar Cissé, «il n’y a pas de secret particulier. Il y a plutôt une confiance mutuelle, fondée sur l’écoute, le respect et la collaboration. La ressource principale sur laquelle nous pouvons compter, c’est la ressource humaine. Lorsque je prenais service, je disais aux travailleurs que «si nous n’avons pas des cœurs apaisés, nous ne pourrons pas éclairer le reste du Sénégal». Nous avons donc privilégié l’écoute, le rassemblement de la famille Senelec, la responsabilisation et la récompense par le mérite. C’est la même démarche qui a prévalu d’ailleurs pour le cas des prestataires de service de Senelec, qui vont être progressivement intégrés, sur la base du mérite. Au-delà, une chose fondamentale qu’il nous faut réussir, c’est la transformation des mentalités pour arriver, au final, à une gestion moderne des ressources humaines où le mérite est récompensé et les compétences bien valorisées».
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