IBK, candidat lésé en 2002 face à Amadou Toumani Touré et Soumaïla Cissé, avait évité la catastrophe au pays au nom d’un certain arrangement qui ne dit pas son nom. L’homme devrait attendre dix ans pour accéder à la magistrature suprême. Comme pour dire, tout s’arrange… «Tu me laisse faire mon mandat de 5 ans deux fois et je te rends l’ascenseur.» L’attente n’aura pas été vaine. Sauf que le «kankélétigui» (l’homme de parole ou qui ne dit jamais deux choses à la fois), est arrivé avec un slogan fort : «le Mali d’abord».
Mais jusqu’où et à quel prix ? C’est là qu’il faudrait mesurer le poids et la taille de la mission presqu’impossible d’IBK. Les priorités sont autant nombreuses et toutes pertinentes qu’il est difficile de dire par où commencer. Mais quel que soit l’embarras de choix du locataire du Palais de Koulouba, il devrait faire naviguer le «Bateau Mali», contre vents et marrées, parfois à contre-courant, afin de s’assurer que l’espoir placé en lui ne s’estompera pas…
L’organisation des législatives en questions ?
Les révisions des listes électorales sont en cours. Les candidats s’affairent, ici et là, pour approcher leurs bases en attendant la validation de leur candidature. Pour ces législatives qui seront organisées le 24 novembre 2013, on parle déjà de 185 listes ou coalitions pour un total de 1 140 candidats dont 140 femmes. Au finish, 147 députés siégeront à l’Assemblée Nationale. IBK à la tête du Rassemblement pour le Mali (RPM) est loin d’avoir la majorité. Il devra faire des bouchées doubles pour s’approcher de cette majorité parlementaire qui reste l’apanage de l’ADEMA (majoritaire), suivi de l’URD de Soumaïla Cissé. Avec l’appui de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), le Mali devra réussir cette 2ème échéance électorale en attendant les Municipales qui devraient consolider les bases de la démocratie.
Aussi, les enjeux sont multiples pour les autorités et la classe politique, notamment la bonne tenue des élections. Avec le renouvellement des députés, le Mali peut prétendre à un retour à la démocratie. Si, IBK a besoin du soutien d’une majorité forte, les Maliens s’attendent à la fin de la pratique du consensus politique. Une vraie opposition est une force pour toute démocratie. Avec une bonne assise dans tout le pays, le parti de Soumaïla Cissé pourrait devenir le noyau dur de cette opposition. Dans tous les cas, les urnes seront le meilleur baromètre pour départager les candidats.
La consolidation des acquis sécuritaires
Les attaques ont repris au Nord Mali à travers des actes isolés, perpétrés par des groupes armés. Le déploiement de la totalité des Casques bleus tarde à se concrétiser et les forces africaines, sous mandat onusien, ont besoin d’être renforcées. L’arrivée de nouvelles troupes pourrait favoriser le redéploiement des troupes maliennes au Nord, surtout que l’ordre semble revenu après les derniers soubresauts au Sud.
Le 23 octobre, une attaque a coûté la vie à 2 casques bleus tchadiens ; 4 autres militaires et 3 civils dont un enfant ont été grièvement blessés dans la ville de Tessalit, visé par un kamikaze. Cette énième attaque dans le Nord intervient au moment où l’Administration prépare son retour dans ces localités, désertées à cause de l’insécurité, y compris Kidal. A Gao, on a récemment assisté à des tirs d’obus, même s’il n’y a pas eu de victimes.
Cela dénote que les groupes armés en l’occurrence, les éléments du MUJAO sont toujours présents dans le Nord. Assistons-nous à une reprise des combats entre forces armés (onusiennes, Serval et maliennes) et les rebelles ? La réponse semble oui dans la mesure où il est encore prématuré de dire que le Nord est sécurisé. D’ailleurs, la question de la libération de Kidal a toujours été jugée «floue et incompréhensible» pour les Maliens. Les groupes armés, cantonnés dans les environs de Kidal, vont-ils reprendre service si un accord définitif n’est pas conclu entre Bamako et le MNLA et/ou les «groupes islamistes» ? En octobre, Bert Koenders, Représentant spécial de l’ONU au Mali, a condamné les derniers évènements survenus à Tessalit dans la région de Kidal.
La relance de l’économie et le suivi des promesses de Bruxelles
La Conférence des donateurs «Ensemble pour le renouveau du Mali», en mai 2013 à Bruxelles, avait redonné confiance quant à l’accompagnement de la communauté internationale pour la reconstruction. En tout, 108 délégations et des représentants des Collectivités locales, sociétés civiles, diasporas, femmes et du Secteur privé avaient répondu présents. Les promesses s’élevaient à 3,2 milliards d’euros, provenant de 56 bailleurs bilatéraux et multilatéraux.
Des mois après, surtout avec l’élection d’un nouveau président et la formation d’un gouvernement légitime, le Mali se doit de démarcher ses partenaires pour recouvrer les promesses afin d’amorcer le processus de reconstruction du pays. En novembre, il y aura une Conférence internationale de suivi des promesses de Bruxelles. Elle permettra, non seulement de faire le point des promesses tenues ou en voie de l’être, mais aussi d’inciter d’autres bailleurs à s’inscrire sur le tableau de la reconstruction du pays et la relance de l’économie. Celle-ci devrait forcément passer par la lutte contre la corruption. Comme s’y était engagé le candidat IBK…
«IBK ne pourra rien changer dans ce pays. La corruption est à tous les niveaux. Tu achètes 3 kg de viande chez un détaillant, tu le fais peser ailleurs et tu vas te retrouver avec 2,5 kg parce que la balance est truquée», s’indigne Oumar Diarra, jeune entrepreneur de 40 ans à Bamako. «Au Mali, si tu n’as pas les moyens, tu ne peux donner une bonne éducation à tes enfants, ni leur procurer une bonne santé. Tu vas à l’hôpital sans argent, ton patient va mourir sous tes yeux», explique Adama Traoré, employé dans le privé. «Les fonctionnaires sont les plus riches alors tout le monde sait combien ils gagnent comme salaire», a-t-il ajouté avant de poursuivre qu’il faudrait recommencer l’éducation civique et morale dès la base.
Re-discipliner l’Armée
Quand la grande muette fait souvent parler d’elle, ça pose d’énormes difficultés à la hiérarchie militaire. En effet, alors que les instructeurs européens continuent leurs programmes de formation pour les militaires maliens, des membres de l’ex-junte font des bruits de bottes. Suite à la dernière escarmouche à Kati, IBK a pris des mesures radicales face à l’épineuse question de Kati. Le Général Amadou Sanogo, auteur du coup d’Etat, a été contraint de quitter son fief. En rejoignant la capitale, il a laissé derrière lui tout un arsenal, récupéré par l’Etat-major. Des arrestations ont été faites dans son entourage. Du moins, les auteurs de la dernière mutinerie. Ils dénonçaient une injustice dans le traitement des membres de l’ex-junte. Certains ont vu leur grade grimper alors que d’autres n’ont rien bénéficié.
La reprise du dialogue avec les groupes armés
Après le Forum national sur la Décentralisation, les différents participants, venus de partout du Mali, ont recommandé la reprise des négociations entre le gouvernement Oumar Tatam Ly et les groupes armés, érigée au rang de priorité. Suite à la libération des 23 prisonniers de guerre et la levée des mandats d’arrêt contre certains leaders du MNLA, la majorité des Maliens avait critiqué cette décision, la qualifiant «d’irréfléchie et de mal venue». Des communications ont été faites, ici et là, pour convaincre l’opinion mais beaucoup sont insatisfaits. L’accélération du processus de négociation et le suivi des recommandations du Forum sur la Décentralisation pourraient calmer les tensions si des avancées remarquables venaient à être enregistrées…
Mais la libération des otages français au Niger, n’est-elle pas le début d’un autre processus de paix? Ce qui est sûr, Thierry Dol, Marc Féret, Daniel Larribe et Pierre Legrand ont été libérés le 29 octobre après 3 ans dans les geôles d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Les observateurs internationaux parlent de paiement de rançon mais la France s’érige en faux et affirme que c’est grâce au président nigérien que la libération des otages a été négociée sur le territoire malien et remis aux autorités nigériennes. Un bon point pour le voisin malien dans le cadre de la lutte contre le terrorisme…
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