De Toumaï à Steve Jobs, l’être humain a innové pour survivre, réussir et gagner. L’innovation a été un des principaux moteurs de l’évolution des sociétés et des économies humaines.
Il est essentiel pour l’Afrique, en retard sur le reste du monde que l’innovation, dans tous les domaines, soit érigée en priorité et que son financement pour l’entreprenariat mobilise l’intelligence et l’énergie des élites africaines.
Mais, il n’y a pas à être optimiste en observant le fonctionnement du système bancaire dans la zone Uemoa. Sans prétendre en faire une généralité, je voudrais vous relater deux histoires, vécues par deux amis, il y a quelques semaines.
Le premier est patron d’une PME, exécutant un contrat pour une grande société de Dakar. Pour terminer rapidement sa prestation et pouvoir facturer le solde de 8, 5 millions Fcfa, il a eu un besoin urgent de 3 millions. Sa banque, enfermée dans des procédures absurdes, n’a pas pu lui accorder le prêt, dans des délais. Amer et dépité, mon ami a eu des mots très durs : «ici, la banque ne fait pas son boulot, elles ne servent à rien du tout!!!».
Le deuxième est cadre dans une multinationale, en fonction dans un pays voisin. Pour un prêt de 6 millions Fcfa au taux de 12%, payable sur 2 ans, la banque, en plus des garanties habituelles (domiciliation de salaire, police d’assurance…), l’a obligé à ouvrir à un compte d’épargne bloqué avec un versement représentant +50% de la mensualité du prêt. Seuls les banquiers de l’Uemoa, allergiques au moindre risque, y comprennent quelque chose !
Ces exemples illustrent les difficultés à se faire financer, à coûts exorbitants, par les banques de la sous-région. Est-ce la même situation ailleurs en Afrique ? A voir…
Dans ces conditions, n’est-il pas illusoire de penser à des financements innovants pour les start-ups et les entreprises innovantes ?
Malgré tout, il faut garder espoir pour deux raisons que sont l’énorme potentiel économique encore peu exploité de nos pays et aussi l’attractivité croissante de l’Afrique pour les investisseurs.
Aussi, davantage de fonds d’investissement s’intéressent à l’Afrique et créent des véhicules spécifiques à la région. Il s’agit, souvent, de fonds originaires des pays développés cherchant des relais de croissance dans des projets à fort potentiel de rentabilité. Des fonds de capital-risque, souvent sud-africains, font du continent, leur terrain d’intervention exclusif. L’Agence Ecofin a identifié près de 900 fonds qui investissent en Afrique. Mais, ce genre d’intervenants ne touchent qu’une minorité d’entrepreneurs ayant des projets ou activités à besoins de capitaux élevés. En effet, la grande majorité de ces fonds ne financent pas en dessous de 500 000 euros ; quelques-uns d’entre eux, rares, pouvant descendre jusqu’à 100 000 euros.
Conséquence : si l’on exclut les micro-projets, généralement financés sur fonds propres ou par les institutions de micro-finance et les macro-projets, pris en charge par les grandes institutions de financement du développement (BAD, IFC, Proparco, etc.), il existe une multitude d’entrepreneurs laissés en rade qui n’arrivent pas à trouver des financements adaptés à leur activité : un capital d’amorçage pour financer les études de faisabilité, la réalisation de prototypes ou de preuves de concept ; un capital-développement pour soutenir les efforts commerciaux nécessaires à l’expansion de l’activité.
C’est là où l’Etat et les élites doivent intervenir pour imaginer et mettre en place des initiatives et mécanismes de soutien à l’entreprenariat et à l’innovation tels que : les incubateurs et accélérateurs, associés à des fonds d’amorçage, pour accompagner les start-ups et les aider à prendre leur premier envol ; les fonds de garantie d’Etat, gérés hors de toutes considérations politiciennes, pour accéder à des fonds de capital développement ; la mise en place de clubs d’investissements de Business angels, grâce à des incitations fiscales, pour que l’expérience et la réussite de certains pionniers soient partagées avec les jeunes entrepreneurs ; l’initiation et la promotion de plateformes de crowfunding pour utiliser la puissance de l’Internet dans le financement de projets innovants.
C’est seulement en étant audacieux et en sortant des autoroutes de la conformité que nous aurons quelques chances de réussir. «Seuls ceux qui prennent le risque d’échouer spectaculairement réussiront brillamment».
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