«Si les ‘par terre’ disparaissaient un jour, beaucoup d’élèves vont arrêter les études. Avec la crise actuelle, si on a cinq élèves, ce sera difficile de les inscrire, les habiller et leur assurer la fourniture nécessaire dans les librairies». Vendeur de livres au marché Sandaga, Youssou Mbaye sait bien combien les livres de seconde main sont les bienvenus chez les parents d’élèves.
Actif dans ce commerce depuis des années maintenant, Kéba Dramé abonde dans le même sens. Selon lui, c’est une opportunité pour les parents et les élèves de se procurer des livres à moindre coût. «Ils amènent souvent les livres de l’année précédente sur lequels ils ajoutent entre 500 francs et 1 000 francs pour avoir le livre de l’année en cours. Nous sommes les seuls à offrir de telles opportunités», renchérit Kéba.
Le prix du livre est en général fixé chez les vendeurs ‘par terre’ selon la qualité, l’importance et la demande. «Il y a des élèves qui savent entretenir un livre. Nous revendons ces livres en bon état entre 2 000 ou 2500 francs si le nouveau coûte 3000 FCFA. Si l’état du livre est moyen, le prix devient plus bas», ajoute-t-il.
Concernant les nouveaux livres, Kéba Dramé fait savoir que ceux qui sont subventionnés par l’Etat sont moins chers. Ce sont souvent les ouvrages au programme pour les élèves de l’élémentaire.
La vente des livres d’occasion rapporte plus pour les vendeurs ‘par terre’. «On achète les livres à l’ADP avec une remise de 20 ou 25% sur chaque livre et selon les livres. Ce qui fait qu’un livre de 3 000 francs nous revient à 2 400 francs et on le revend à 2 800 FCFA maximum pour faire la différence avec les librairies. Or, si ce sont les anciens livres, les élèves ou les parents nous les vendent à prix bas. Par exemple, un livre un peu usé, on peut l’acheter à 1 500 francs, le coller et le revendre à 2500 FCFA», affirme Moustapha Guéye, vendeur de livres d’occasion à Sandaga.
De leur cantine au bord des avenues du marché, les vendeurs de Sandaga interceptent les voitures particulières à la recherche de clients potentiels. Trouvé à côté de ses livres, Coumba Cissé, cure-dent à la main, la quarantaine révolue, revient sur ses débuts dans le business. «Au début, vers les années 90, je ne vendais les livres que durant la période des rentrées. Je gagnais en moyenne 200 000 FCFA de bénéfice après la saison et je rentrais au village où je faisais un autre business», explique Coumba Cissé, victime de l’exode rurale.
Aujourd’hui, Mme Cissé se consacre seulement à la vente des livres et autres fournitures scolaires. «La vente des livres ne rapporte plus comme avant. Actuellement, il y a beaucoup de vendeurs de livre ‘par terre’. Ce qui fait que, durant la rentrée, on peut se retrouver avec 30 000 FCFA à la descente», poursuit-il.
En effet, Coumba Cissé n’est pas la seule à se rappeler des beaux moments de leur business. Kéba Dramé, qui tient sa cantine à Colobane, a aussi vécu cette période. «Vers les années 80, durant l’ouverture des classes, si on avait de la bonne marchandise, on pouvait faire un chiffre d’affaires compris entre 100 000 et 200 000 FCFA par jour. Mais actuellement, il est parfois difficile de vendre 50 000 FCFA toute la journée, pour la même période. Cette somme, on l’atteint grâce aux cahiers et autres fournitures qu’on vend en même temps», se désole Kéba.
Vu la baisse de leur chiffre d’affaires, ces vendeurs de Colobane ont mis en place une caisse mutuelle où chaque membre verse une somme, selon son revenu quotidien. «On fait une tontine pour gérer notre revenu. A la fin de la saison, c’est-à-dire deux mois après la rentrée des classes, on se partage la somme en fonction de ce que chaque membre mettait dans la caisse par jour. Certains peuvent se retrouver avec 100 000, 180 000, voire 200 000 FCFA. Et c’est avec cet argent que les autres font d’autres business en attendant la rentrée prochaine», confie-t-il.
Il faut noter qu’hormis l’augmentation du nombre des vendeurs de livre ‘par terre’, l’Internet participe aussi à la baisse du revenu de ces derniers. «Les élèves ne viennent plus acheter les livres comme avant. Aujourd’hui avec le numérique, ils téléchargent tous sur le net», fait remarquer Demba Diagne.
Même si les vendeurs de livre ‘par terre’ soutiennent qu’il est parfois difficile de joindre les deux bouts durant certaines périodes de l’année, il faut signaler qu’ils détiennent, dans leur cantine, une part importante du savoir. La plupart des chercheurs viennent chez eux pour se documenter.
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