Il a reçu l’équipe de Reussirbusiness avec courtoisie et humilité dans son bureau en compagnie de sa chargé de communication. Peu sûr de lui ? Non, juste que l’homme se veut méticuleux, précis et rigoureux dans tout ce qu’il entreprend. Normal diriez-vous, la structure qu’il dirige est en quelque sorte le gendarme du chiffre au Sénégal. Il, c’est Aboubacar Sédikh Beye Directeur Général de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie du Sénégal (ANSD) depuis août 2014. Ingénieur-statisticien économiste, monsieur Beye totalise une quinzaine d’années d’expérience dans le secteur privé nord-américain. Ce spécialiste dans l’élaboration de documents stratégiques des politiques de développement, a eu à travailler par le passé avec le Le Fonds des Nations-Unies pour la population (FNUAP) et le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).
Reussirbusiness: Sur la population du Sénégal on entend des chiffres différents 12 millions pour certains, 13 millions pour d’autres : Quel est le bon chiffre ? Combien d’habitants compte le Sénégal ?
Aboubacar Sédikh Beye: Le Sénégal compte en 2015 : 14 Millions 300.000 habitants.
Reussirbusiness: Quelle est l’utilité des statistiques pour un pays ?
Aboubacar Sédikh Beye: Je vais vous répondre par une citation d’un américain qui disait que si vous ne savez pas où aller, toute route vous semble être la bonne. Un pays qui ne sait pas où il va,fait du pilotage à vue. Les statistiques servent à fixer un cap et mettre les autorités publiques dans les meilleures dispositions pour éviter justement le pilotage à vue. Elles permettent aux autorités de bien cibler et de bien suivre la feuille de route tracée. Dans la perspective des objectifs fixés à 2035, il faut que la route soit bien tracée pour que les politiques soient bien exécutées. La statistique donc, c’est l’outil de mesure pour le pays sur tout ce que l’on fait. Elles permettent aussi de pouvoir d’évaluer les performances et corriger les contre performances, les imperfections, les difficultés rencontrées en cours de chemin. Quand on vend quelque chose, il faut bien l’étudier, c’est pourquoi il y’a un prix fixé ect. Quand on fait des politiques économiques aussi c’est la même chose. Il faut pouvoir comparer toutes les décisions. Enfin, quand on n’a pas de statistiques, c’est le meilleur rhétoricien qui gagne et ce dernier n’a pas toujours la meilleure décision. Faut-il mettre le Milliard dont on dispose dans les télécoms ou l’agriculture ? Les statistiques aident à faire ce genre d’arbitrages.
Reussirbusiness: L’ANSD que vous dirigez prépare un grand recensement en vue de répertorier les entreprises du Sénégal. Quel en est l’objectif ?
Aboubacar Sédikh Beye: L’objectif est de mieux comprendre les dynamiques économiques du pays. Aujourd’hui nous avons une bonne connaissance des dynamiques des populations, en effet, l’ANSD peut vous dire le niveau de mortalité des enfants de moins de 5 ans, la mortalité maternelle, vous dire la répartition de la population dans les différentes régions du pays, nous pouvons même vous dire le nombre de sénégalais qu’il y’aura dans 25 ans. Malheursement, nous ne pouvons pas vous dire la même chose en ce qui concerne les entreprises sénégalaises. D’abord, nous ne connaissons pas le nombre d’entreprises dans le pays, dans quels secteurs d’activités elles évoluent, leur chiffres d’affaires, leur taux de mortalité, à quel âge les entreprises en général meurent, quel est le potentiel de chaque secteur ? Nous n’avons pas le dispositif pour en connaitre. Alors, le recensement auquel vous faites allusion va nous permettre de répertorier l’ensemble des entreprises et de pouvoir les accompagner. C’est un outil pour le gouvernement mais aussi pour tous les secteurs d’activités. Par exemple, il pourra dire au secteur bancaire, combien il y a de tailleurs au Sénégal ou le nombre de restaurants, ce qui leur permettra de mieux adapter leurs offres et leurs produits financiers.
Reussirbusiness: Depuis les indépendances, le Sénégal n’a jamais dénombré ses entreprises ?
Aboubacar Sédikh Beye: Absolument ! Ce travail n’a jamais été fait dans l’envergure que l’ANSD lui donne avec cette étude. Il y’a eu un travail qui a été fait mais qui n’était pas un recensement tel que nous l’envisageons aujourd’hui. Nous allons dénombrer les entreprises dans le secteur formel comme informel. Nous allons dénombrer les exploitations agricoles, les fermes, les unités s’activant dans le pastoralisme, et celles s’activant dans la pêche. C’est une couverture très large qui se veut la plus complete possible. C’est véritablement un suivi de la démographie des entreprises au Sénégal qui va être mis en place. Avec une périodicité trimestrielle, on pourra savoir le nombre d’entreprises qui se sont crées, combien ont disparu.
Reussirbusiness: Le recensement va durer combien de temps ?
Aboubacar Sédikh Beye: Il durera 4 mois.
Reussirbusiness: Pour faire ce travail, un recrutement va t-il être effectué ? Si oui, peut-on savoir combien d’agents seront nécessaire ?
Aboubacar Sédikh Beye: Nous avons installé un comité chargé du recrutement. Il a reçu prés de 1500 CV. Il y’aura naturellement une formation au sortir de laquelle nous allons en retenir 1300 . Ces derniers iront sur le terrain.
Reussirbusiness: Combien tout cela coûte au contribuable ? En somme avez-vous les moyens de vos ambitions?
Aboubacar Sédikh Beye: Le recensement général va coûter aux alentours de 3 Milliards de FCFA et pour le changement de base de données 2 Milliards de FCFA. Au total pour le projet de rénovations des comptes nationaux du Sénégal, nous serons autour de 5 Milliards.
Reussirbusiness: Avec un financement public ?
Aboubacar Sédikh Beye: Avec un financement public à hauteur de 60% et le reste sera financé par les différents partenaires au développement notamment l’USAID et l’Union Européenne.
Reussirbusiness: l’INSEE en France dresse périodiquement le portrait social de la France qui s’adresse à tous ceux qui souhaitent mieux connaître la société. L’ANSD quant à elle semble éloignée des populations donnant l’air d’un laboratoire inaccessible. Que faire pour vous rapprocher des sénégalais ?
Aboubacar Sédikh Beye: C’est une excellente question. En réalité nous avons énormément de données sur les populations. L’ANSD et ses agents, de véritable professionnels, abattent un travail énorme dans la collecte de toutes ces informations. Malheureusement, il y’a un déficit de communication. Ce que nous corrigeons en installant une cellule de communication, qui n’existait pas avant. Elle est entrain de s’installer et nous irons au contact du public. Non pas pour faire connaitre l’ANSD, mais pour faire connaître la production de l’ANSD. Nous mettrons à la disposition du public beaucoup de données statistiques notamment sur l’emploi. D’ailleurs la première grande enquête sur l’emploi est disponibles et dés 2016, nous publierons et communiquerons de façon trimestrielle les statistiques sur les chiffres du chômage de l’emploi et de l’activité économique. Nous mettrons enfin à la disposition du public, une large base de données sur les investissements. Le Plan Sénégal a mis beaucoup de Milliards dans l’essentiel des secteurs d’activités, il n’y pas de raison que ces informations ne puissent pas être accessibles.
Propos recueillis par Amadou Bator Dieng & Balla Fall (photo)
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