Malgré une bonne partie du maigre budget du Sénégal, le secteur de l’Education brille de par son inefficacité chronique.

«Le Sénégal est parmi les pays qui consacrent le plus de ressources à l’éducation, dans le monde ». L’aveu est de taille et vient du Ministre de l’Education Nationale, M. Serigne Mbaye Thiam. Selon ce dernier, le budget alloué au secteur qu’il dirige représente 35% du budget de l’Etat, soit 6% du PIB.
Et le plus aberrant est que 87% des 352,5 milliards de francs de budget dudit département sont consacrés au paiement des salaires et des indemnités. Pendant ce temps, le ministère de la Santé réclame en vain 15% du budget.
Alors pourquoi ce département budgétivore peine à être efficace ? «Je pense très humblement que le secteur de l’éducation sénégalaise n’est pas en situation de sous-financement. Il y a une nécessité absolue de revoir les allocations internes au niveau du budget. C’est un impératif. On ne peut pas aussi faire l’économie de ces réformes. C’est vrai, depuis 2012, des efforts importants sont entrepris avec le ministère de l’Education nationale. Très sincèrement, nous travaillons sous l’autorité du président de la République à étudier le budget. Au finish, cela permettra au ministre des Finances de mieux comprendre les contraintes qu’il y a au niveau de l’éducation, mais aussi au ministère des Finances d’aider dans le renforcement des capacités notamment en matière de gestion budgétaire et financière », a déclaré le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, M. Amadou Bâ. Pire, il estime qu’avec 6% du PIB, le secteur de l’Education dépasse le seuil réservé aux pays de la taille du Sénégal. Car dit-il, ce seuil est de 4%. «Il faut assurer une meilleure maîtrise des dépenses de personnel. Cette année, nous serons à 526 milliards de francs. L’année dernière, on était à 485 milliards. Il va être difficile d’aller au-delà de 526 milliards, parce que toute la politique économique cesserait d’être crédible », a-t-il averti, ajoutant que la masse salariale a augmenté de 100 milliards de francs CFA.
Mais si toutes ces dépenses font jaser, c’est parce qu’elles sont faites dans un secteur où les résultats se font toujours attendre. Et les régimes qui se sont succédés au Sénégal semblent tous avoir atteint leurs limites dans la mise en place d’une éducation de qualité. La dernière en date, c’est l’année scolaire 2014/2015. Des grèves récurrentes des enseignants à l’hécatombe au Bac, en passant par l’année blanche qui a été évitée de justesse, le mal est profond, mais les budgets élevés.
Dans une de ses célébres contributions, Serigne Saliou Samb expliquait une partie de cette situation. «Beaucoup d’initiatives ont été prises par les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, pour conjurer et mal et offrir aux Sénégalais une éducation de qualité. En 1981, il y a eu «les états généraux de l’éducation» dont les objectifs visaient à favoriser l’avènement d’une école nationale, démocratique et populaire. Mais 10 ans après, les autorités ont constaté les limites de leur trouvaille et se sont penchées sur une «loi d’orientation de l’Education nationale». C’était en février 1991 et elle prévoyait, notamment à son article 3 de garantir aux citoyens la réalité du droit à l’éducation par la mise en place d’un système de formation. Mais, comme pour ne rien arranger devant une situation déjà très compliquée, le programme d’ajustement structurel (Pas) est venu imposer au gouvernement des mesures drastiques qui ont fini par mettre à genou l’école sénégalaise. En effet, face aux coupes sombres sur les budgets dévolus à la santé et à l’éducation, l’Etat s’est détourné du recrutement et de la formation d’enseignants de qualité. L’on se souvient encore des «ailes de dinde» et des corps des «volontaires et vacataires» de l’éducation. Et c’est avec ces entités que le syndicalisme alimentaire a pris le dessus sur le syndicalisme militant. Qui plus est, la politisation de l’espace scolaire a provoqué l’émiettement du mouvement syndical, partant, sa perte de crédibilité. Des partis politiques comme la Ld et le Pit se sont souvent appuyés sur des syndicats comme l’Uden et le Sudes pour combattre le régime socialiste. Après l’alternance de 2000, le comble a été atteint avec les «enseignants de la Gc», sous la férule de l’ancien ministre Kalidou Diallo. Aujourd’hui, on assiste à un remake de l’histoire avec le «réseau des enseignants apéristes» du boutefeu Youssou Touré qui a passé le flambeau à l’inénarrable Ahmeth Suzanne Camara », pouvait-il lire.