Si dans certains pays africains, le Secteur privé à une assise solide, c’est qu’il bénéficie de l’expertise et de l’accompagnement des multinationales qui gagnent les gros marchés. Au Sénégal, le Secteur privé n’a jamais cessé de le réclamer.
«Rendre obligatoire, en cas d’appel d’offre international, le recours à la sous-traitance à hauteur d’au moins 30% en faveur des entreprises nationales. Ramener de 50 milliards FCFA à 15 milliards au plus, la recevabilité par l’Etat de l’offre spontanée pour l’entreprise nationale, c’est-à-dire au même niveau que l’offre spontanée Entreprise Privée/Collectivités Locales». BaïdyAgne, Président du CNP, rappelait cette vieille plainte du Secteur privé.Un appel du pied que le gouvernement semble avoir entendu…
En effet,la loi sur le Partenariat public privé, adopté en 2014, encourage les «joint-venture» entre le privé national et les entreprises étrangères pour faciliter le transfert de technologie et le partage d’expérience dans la réalisation des 18 projets prioritaires du Plan Sénégal Emergent. SelonIbrahima Fall, Directeur des Financements et des PPP, à travers cette loi, les champs de compétences et d’actions des secteurs public et privé sont élargis, ainsi que celui des agences et sociétés étatiques. La loi oblige les privés étrangers à s’allier avec des nationaux pour répondre aux appels d’offres. «Pour prendre en compte les préoccupations du Secteur privé national, des dispositions favorisant la participation accrue des entreprises de droit communautaire aux projets de contrats de partenariat ont été introduites par la loi, notamment l’obligation de réserver à l’actionnariat national au moins 20% du capital. L’obligation est faite à l’opérateur privé de s’engager à assurer le transfert de technologie et favoriser la main d’œuvre locale. Ainsi, la loi facilite l’implication du Secteur privé national pour créer une nouvelle génération de grands projets d’intérêt général, en restant attractive vis-à-vis du secteur privé international. En outre, il est prévu des adaptations, par voie réglementaire, aux procédures de passation, pour les contrats de partenariat des collectivités locales et collectivités publiques n’atteignant pas un certain seuil précisé par décret», a précisé M. Fall.
Les Privés partagés…
Cette main tendue sera-t-elle saisie par les nationaux ? Selon Ousmane Sy Ndiaye (Unacois), dans cette dynamique de partenariat et d’investissement à travers des projets structurants, il y a un double souci qui ne peut être réglé que par l’Etat. «Il y a le vote effectif de la loi sur le PPP mais pour mieux développer les PME et moderniser l’économie, il faut que le positionnement de la PME sénégalaise soit une volonté réelle, effective et opérationnelle dans l’accès aux marchés publics. Nous avions proposé qu’un quota des marchés publics soit dorénavant dévolu aux PME d’une certaine taille. Ce sont des actes forts et une volonté politique active pouvant permettre aux PME, un meilleur accès à la richesse», estime M. Ndiaye
Dans le même sillage, Ndiankou Mbengue, DG de MTL (secteur portuaire), est convaincu que c’est important, pour les entreprises sénégalaises, de travailler avec les étrangers pour profiter de leur expérience. Et de prendre l’exemple du Maroc. «Aujourd’hui au Maroc, toutes les routes sont construites par les nationaux car, pendant 10 ans, ils se sont mis d’accord pour amener des entreprises étrangères. Après, c’est fini. Au Sénégal ,on doit travailler dans cette perspective. Aujourd’hui, les entreprises sénégalaises sont capables de faire des routes pour ne plus chercher ailleurs. Il est vrai que, quelques fois, certains bailleurs posent des conditionnalités pour leurs entreprises. Il faut qu’on se fasse confiance, qu’on comprenne que le Sénégal a ses entreprises qui doivent développer le pays», analyse M. Mbengue.
Quant à Antoine Ngom, Président de OPTIC, il est convaincu que l’Autorité contractante est en mesure de mettre des garde-fous pour favoriser la cotraitance et la sous-traitance. Pour Babacar Faye, Président du Regroupement des Promoteurs Privés Immobiliers, il sera difficile pour eux de travailler en joint-venture. «Quand une entreprise décide de s’implanter au Sénégal, elle a déjà sa stratégie. Un joint-venture aurait pu être organisé en amont. Mais ils ne vont pas venir, construire des maisons, pour nous demander de les commercialiser», tempère-t-il.