En lieu et place de la fameuse Aide au développement, le nouveau principe du Trade and not Aid a été lancé aux Etats Unis en ce début du nouveau millénaire. Ainsi, tous les pays qui répondraient aux critères très sélectifs d’éligibilité à l’Agoa pourraient nouer des liens d’affaires avec des opérateurs évoluant dans le marché américain, dans des secteurs aussi variés que le textile, l’agriculture et l’artisanat…Pour l’heure, avec 96% de produits importés sous le cachet Agoa, le textile est parmi les produits africains qui bénéficient le plus de cet accord commercial, suivi du secteur des équipements de transport, puis des hydrocarbures avec respectivement 93% et 85% de leurs importations qualifiées Agoa. Si la première vague de pays africains éligibles aux normes Agoa était composée de 36 pays, d’autres, après avoir réalisé des progrès, ont été rajoutés à la liste. Mais, il ne suffit pas d’y être pour y rester éternellement. Pour cause, les pays éligibles à cet accord commercial spécial sont reconduits chaque année, après consultation entre les gouvernements américains et africains, par le président des États-Unis. En 2010, le premier coup de fouet est tombé.
Il porte l’empreinte de Barack Obama. En effet, après avoir constaté que les droits de l’homme étaient presque en souffrance en République Démocratique du Congo, le président américain a frappé fort en décidant tout simplement de retirer la RDC de la liste des pays éligibles à l’Agoa.
En termes plus clairs, en fonction des résultats des évaluations quasi annuelles, des États africains peuvent être ajoutés, maintenus ou éliminés de la fameuse liste des pays bénéficiaires de l’Agoa. Le risque de sanction qui accompagne ces dernières permet de cadrer l’orientation des réformes dans les pays concernés en mettant l’accent sur certains points comme l’économie de marché, les normes de travail définies par l’Organisation internationale du travail (OIT), l’abolition du travail des enfants, le respect des droits de l’homme, la politique anti-corruption, la lutte contre le commerce illicite, le blanchiment d’argent, le terrorisme, etc.
Au vu du bilan tiré par le Représentant adjoint des États-Unis pour le Commerce extérieur, l’Agoa peut se targuer d’avoir réussi sa mission de booster les échanges. «L’Agoa a mené à la création de nouveaux emplois, à la naissance de nouveaux secteurs et de nouvelles possibilités commerciales pour les gens de tous les pays qui sont représentés ici, ainsi que pour les États-Unis. En 2011, le total des importations aux États-Unis en provenance des pays admissibles à l’Agoa était six fois supérieur à leur niveau d’il y a une décennie. Depuis l’entrée en vigueur de l’Agoa en 2000, les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne ont enregistré une hausse de 300%, atteignant un total qui dépasse les 716 milliards de dollars. Le commerce bilatéral s’est élevé à 95 milliards de dollars en 2011, et devrait atteindre un autre niveau record en 2012», a déclaré M. Démétrios Marantis.
Abondant dans le même sens, la Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, déclarait à l’occasion d’un forum sur l’Agoa, que grâce à des programmes comme l’Awep (Programme pour l’entreprenariat féminin en Afrique) et les partenariats forgés par le biais de l’Agoa, la transformation économique qui s’effectue est visible partout.
Aujourd’hui, même si des avancées remarquables ont été notées dans les échanges entre les Etats-Unis et les pays africains, un regard plus détaillé montre que les pays les plus nantis du continent sont ceux qui profitent le plus de ces échanges. Ainsi, une hausse de 80% des importations américaines au Gabon est à noter, contre 60% au Nigéria, 28% en Angola. Pareil pour les importations en provenance d’Afrique du Sud, dont 40% de leur augmentation sont tirées des importations de diamants. Le Ghana aussi a vu ses exportations vers les États-Unis augmenter de 103% grâce à son cacao. Tous ces pays ont en commun d’être des pays pétroliers ou riches en ressources minières.
Les données sur le commerce américain ont montré, par exemple, que les exportations africaines, liées à l’agriculture et en direction des États-Unis en vertu du mécanisme de l’Agoa, ne représentent que 1%. L’un des seuls pays africains, non exportateurs d’hydrocarbures, à avoir pu réellement tirer profit de ce programme grâce au textile, est le Lesotho. Ses exportations de vêtements sont passées de 140 millions $Us en 2000 à près de 350 millions $Us en 2008, faisant de ce minuscule pays enclavé, le plus gros exportateur de vêtements d’Afrique subsaharienne vers les États-Unis.
Seul pays de l’Afrique de l’Ouest éligible à l’Agoa à ne pas avoir ni de Centre de ressources Agoa, ni de Commission Agoa, le Sénégal est, en toute logique, un des pays à présenter le plus faible volume d’exportations vers les Etats-Unis. S’il y a un domaine dans lequel le pays doit faire des progrès énormes, c’est bien celui des exportations vers les Etats Unis. En effet, selon des statistiques, les volumes des exportations sénégalaises ne sont pas satisfaisants. Ils se chiffrent à près de 500 000 $Us, répartis comme suit : 196 000 pour les produits agricoles, 194 000 pour les produits forestiers, 80 000 en produits chimiques… Des chiffres relativement bas si l’on se réfère à ceux d’autres pays africains.
En effet, en 2011, les exportations Agoa du Ghana se sont établies à 500 millions $Us (soit le volume Sénégal multiplié par 100 !), là où le Kenya tablait autour de 300 millions, le Nigeria à près de 31 milliards…Pourtant, le Sénégal pourrait multiplier, en seulement 2 ans, ses exportations Agoa par 20. Mais pour y arriver, selon René Lake (LTL Stratégies), «deux mesures me semblent indispensables. D’abord, il s’agit de doter tous les acteurs des exportations de moyens et les former afin qu’ils comprennent toutes les procédures conformes à la législation de l’Agoa. En effet, beaucoup de pays exportent leurs produits aux Etats-Unis, mais ils ne sont pas toujours codés et enregistrés comme conformes à l’Agoa. Ensuite, il faut promouvoir des partenariats Public/ Privé très performants entre le Gouvernement et le Secteur privé». Il faut dire que si le Sénégal en est à ce niveau de retard, c’est essentiellement dû au fait que les différents gouvernements du Président Wade n’avaient jamais mis en place une vraie stratégie de promotion des exportations en direction du marché américain. Le journaliste Dame Babou, qui a suivi le dossier depuis le début, pense que l’Agoa n’a pas été une réussite au Sénégal parce que «ce n’est de l’aide budgétaire qu’on donne au gouvernement et qui en fait ce qu’il veut. Le fait que ça soit des réformes structurelles à mettre en place, le secteur privé national à encourager et à mettre en relation directement avec leurs partenaires américains ont fait que l’Etat du Sénégal n’a pas été très ‘‘chaud’’ pour accompagner la promotion de ce mécanisme spécial pour les exportations».
Pour l’heure, la balle est dans le camp de l’Agence sénégalaise des Exportations (Asepex), ‘‘nouvelle formule’’ qui doit mettre en place, en rapport avec les exportateurs, une stratégie et un plan d’actions afin de combler, au plus vite, ce gap au niveau des échanges entre les deux pays.