Voilà maintenant plusieurs mois que l’épidémie de Covid-19 sévit dans le monde, engendrant une crise sanitaire, mais également financière. Pour les épargnants, c’est une épreuve. Alors quels sont les bons réflexes à adopter pour bien gérer son épargne pendant la crise ?
Heureux hasard, en Chine, le mot « crise » est décrit par deux idéogrammes signifiant conjointement « danger » et « opportunité ». Ainsi, en période incertaine, réception de mauvaises nouvelles ou de situations désagréables, l’individu doit se formater de telle sorte que celles-ci soient des opportunités de reconsidérer l’avenir autrement. Cela a d’ailleurs été bien articulé par le Président Macky SALL lorsqu’il a fait mention d’un nouvel ordre mondial. Toutefois, il est primordial que ce paradigme évite de rester un concept abstrait, mais qu’il soit mis en pratique par les différentes parties prenantes de l’économie sénégalaise, voire mondiale.
Pour le Marché Financier Régional, cela se révèle être plus ardu du fait que, déjà peu enclins à investir, les Sénégalais le sont encore moins en période de crise. Une crise nous fait prendre des précautions et c’est normal. En cette période de crise, nous recommandons naturellement les produits de placements catégorisés comme « prudent », voire « conservateur ». La tendance est aux valeurs refuges, à savoir : les produits de taux ou les métaux précieux tels que l’or, synonymes de sécurité pour un investissement. Une fois sortis du creux de
la vague, les investisseurs pourront prendre le temps de repenser leur stratégie d’investissement et
ainsi replacer leur épargne sur des secteurs pouvant repartir de manière rapide.
Pour un investisseur plus initié et ayant un horizon de placement misant sur le moyen et long terme, nous recommandons de prendre des positions sur les titres de propriété (action et droit). Il s’agit alors de prendre plein avantage de la tendance baissière du Marché Action de la BRVM.
D’un point de vue régulation, c’est aussi le moment opportun de mettre en phase test des produits déjà disponibles sur d’autres marchés et ayant fait leur preuve. Cela permettra de renforcer le portefeuille des produits d’épargne proposés à la population. Les Sociétés de Gestion d’Organismes de Placement Collectif en Valeurs
Mobilières (SGO) doivent pouvoir créer des Fonds Communs de Placement (FCP) adossés à des investissements immobiliers, au cacao ou à l’or, compte tenu de la position d’exportateurs privilégiés que détiennent certains pays de la zone.
Le financement à long terme reste l’une des problématiques essentielles des entreprises de la région
Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour permettre au marché financier de jouer pleinement son
rôle de financement de l’économie ?
Aujourd’hui, le levier le plus important serait l’éducation financière et boursière de l’ensemble des tranches de nos sociétés. Nous souffrons d’un manque de connaissance qui entraîne naturellement un rétrécissement
du champ des opportunités. Il est donc illusoire d’espérer voir certains de nos champions économiques locaux chercher à se financer sur le marché financier, alors qu’ils n’ont aucune idée de la disponibilité ou même de l’existence de certains instruments financiers qu’ils pourraient utiliser.
Le financement à long terme reste l’une des problématiques essentielles des entreprises de la région. C’est un déf que la BRVM et l’Agence UMOA Titres doivent de concert relever pour apporter leur pleine contribution à l’accélération de la croissance des entreprises et des états.
En sus de passer par l’éducation et la formation, la manière la plus simple serait de créer des conditions d’investissement favorables, telles que des exonérations fiscales pour les sociétés qui souhaiteraient émettre en bourse et la baisse des barèmes de taxation des services financiers pour les investisseurs tels que cela a été le
cas pour les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD). Nous irons assurément encore plus vite si nous avons une implication et un soutien des différents services de l’Etat, aussi bien en tant qu’émetteur, qu’en tant que membre du Conseil de l’Autorité de Tutelle, mais aussi en sa qualité de législateur.
Qu’est-ce qui explique la réticence des entreprises à aller sur le marché financier régional pour ouvrir leur capital ?
L’une des principales raisons de la frilosité des entreprises à aller sur le marché financier régional est d’abord d’ordre culturel. Combien de chefs d’entreprise dans la sous-région connaissent réellement le marché financier de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) ? Combien d’entre eux pensent à investir à titre personnel ?
En fait, les entreprises n’ont pas une connaissance ou même une compréhension adéquate des opportunités offertes sur le marché régional ; ce qui peut freiner leur désir de s’introduire en bourse. Nous avons encore cette perception qu’investir sur fonds propres est un meilleur deal que le faire via un emprunt, fût-il bancaire ou
obligataire.
A la fin du deuxième trimestre 2020, EVEREST Finance s’est classé 2ème au Sénégal (6 SGI) en termes de transactions et 5ème sur la zone UEMOA (30 SGI).
Il y a également un facteur économique à prendre en compte. D’après l’Agence pour le Développement et l’Encadrement des PME (ADEPME), en 2017, 97% des 407 000 entreprises recensées au Sénégal sont des PME avec un chiffre d’affaires annuel inférieur à deux milliards de francs CFA. La majorité de ces entreprises est dans l’informel. Attirer des potentiels investisseurs, même privés, requiert d’apporter de l’information financière fable et cela commence par la production constante d’états financiers certifés ; ce qu’une grande partie de
nos entreprises ne sont pas en mesure de faire.
En décembre 2017, la BRVM a créé un troisième compartiment destiné aux Petites et Moyennes Entreprises. Ces dernières peuvent ainsi bénéficier d’un processus plus simple de levée de capitaux, moins exigeant et moins coûteux. Ce processus, bien qu’allégé, permet aux PME qui le souhaitent de s’initier aux rigueurs de la publication d’information financière afin d’avoir accès à des capitaux à long terme, en vue d’accélérer leur croissance et d’en faire des champions des économies de la sous-région. Toutefois, ce compartiment n’est pas encore assez dynamique.
Enfin, le capital social étant la chasse gardée des actionnaires, ils assimilent, à tort ou à raison, ouverture de capital en bourse et dilution de pouvoir Aujourd’hui, le marché financier régional et les opportunités qu’il
offre, sont tout simplement méconnus du grand public. Tout ce qui concerne la bourse est perçu
comme du domaine des initiés et la plupart des sociétés estiment
à tort ne pas y appartenir. Voilà entre autres raisons, ce qui explique la réticence liée au marché
financier régional. Notre rôle est de justement vulgariser la culture
boursière, mais nos ressources sont très limitées et nous réitérons notre appel aux autorités étatiques sachant que leur appui est indispensable à l’atteinte de nos objectifs communs pour le marché financier régional.
Pour finir, comment évolue EVEREST Finance après 4 ans d’existence ?
Les activités d’EVEREST Finance ont démarré en Juin 2016 et ont plus ou moins coïncidé avec le
début de la tendance baissière du marché. Cette année correspond à notre quatrième exercice et
nous avons franchi un cap important, car elle est également notre deuxième exercice bénéficiaire,
malgré l’impact de la crise de la Covid-19. A la fin du deuxième trimestre 2020, EVEREST Finance s’est classé 2ème au Sénégal (6 SGI) en termes de transactions et 5ème sur la zone UEMOA (30 SGI).
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