
Le Secteur privé sénégalais a bien raison de se lancer dans la lutte contre la corruption. Un phénomène, devenu mondial, avec des proportions de plus en plus inquiétantes. Et les chiffres de la Banque Africaine de Développement (BAD) le confirment amplement. Aujourd’hui, des pots-de-vin d’une valeur de mille milliards de dollars sont versés chaque année et, selon les estimations, 2 mille 600 cents milliards de dollars sont engloutis par la corruption. Ce qui représente plus de 5% du PIB mondial. «À ma connaissance, aucun pays n’échappe à la corruption. Ce qui diffère, c’est le degré qu’elle peut atteindre, le contexte dans lequel elle s’inscrit et, le plus important à mes yeux, le niveau de tolérance qu’elle rencontre». Ces propos de Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature, ont été tenus à la Conférence des enquêteurs internationaux tenue à Tunis sur la question.
A l’heure où le Secteur privé sénégalais lançait sa coalition dénommée CSPC (Coalition du Secteur Privé contre la Corruption), la BAD mettait la barre très haut. Comme en atteste le thème «Zéro corruption – 100% développement» à l’occasion de la Journée Mondiale contre la Corruption. Une initiative qui entre en droite ligne avec le Plan d’actions en matière de gouvernance. «Pour nous, la bonne gouvernance et les stratégies anti-corruption participent de la lutte contre la pauvreté, qui est au cœur de notre mission. La Banque Africaine de Développement a fait de la gouvernance, un des piliers majeurs de sa Stratégie décennale (2013–2022). On peut bien penser que les projets, financés par les banques de développement internationales, offrent un terrain assez propice à la corruption; car les fonds utilisés sont perçus, à tort, comme «venant de l’extérieur». Lorsqu’il y a, à la clef, de juteux contrats portant sur des projets d’infrastructure, des pots-de-vin, dessous de tables et autres malversations sont alors à craindre», a plaidé le président de la BAD, M. Donald Kaberuka.
A l’échelle nationale, le Secteur privé, malgré l’existence de structures de l’Etat telles que l’OFNAC, a décidé de mener la lutte de manière collective. Selon Me Mame Adama Guèye, rédacteur de leur code de conduite, «l’entreprise seule ne peut pas lutter contre la corruption, parce qu’elle se trouve dans un contexte concurrentiel qui ne lui permet pas d’être assez forte pour lutter contre une administration corrompue».
Quoi qu’il en soit, au Sénégal, le mal semble assez profond. Puisque c’est le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, himself, Me Sidiki Kaba qui en a fait la révélation, à l’occasion de la rencontre initiée par le Secteur privé à la Chambre de Commerce. «Nous avons une Justice injuste. La corruption est à l’image de la société. Quand je parle de la corruption dans la Justice, je parle de l’ensemble des acteurs qui sont dans la Justice et pas de l’institution en tant que telle où nous avons des hommes et des femmes de qualité qui y travaillent. Mais, dans tous les secteurs de la Justice, notamment dans le Barreau (avocats) où chez les juges, on peut trouver des gens corrompus. Dans ces situations, cela peut mettre en danger la certitude du droit. La corruption au sein de la Justice est inacceptable car elle touche fondamentalement à ce qui nous est cher», a-t-il soutenu.
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