La seconde édition du Forum International de Dakar sur la paix et la sécurité a vécu. Outre les Politiques, les militaires, les experts en sécurité et les membres des sociétés civiles, des universitaires et chercheurs de renoms ont participé à la rencontre informelle de Dakar. Parmi eux : Alioune Sall spécialiste de la prospective. Auteur de plusieurs ouvrages dont: » Africa 2025 : What Possible Future for Sub-Saharan Africa » préfacé par l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki, cet ancien Directeur du PNUD -Afrique, dirige désormais l’Institut des Futurs Africains, un Think Tank basé à Pretoria. Entre un dernier atelier et la plénière de clôture du forum, le brillant penseur a accordé à REUSSIR quelques minutes forts intéressantes… Interview au pas de charge.
REUSSIR: Lors de votre prise de parole au cours de la plénière d’ouverture du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité vous avez proposé de repenser le terrorisme. C’est quoi repenser le terrorisme ?
Alioune Sall : Ce que j’ai voulu dire tout simplement, est que la lutte contre le terrorisme a été inscrite à l’agenda mondial après les événements de 2001 par le pouvoir du Président Georges Bush Jr qui en avait une approche purement sécuritaire et purement militaire. Une approche qui présentait le monde, en réalité, comme si nous étions dans la période de la guerre froide avec un manichéisme très fort. Ceux qui sont bons et ceux qui sont mauvais. Ceux qui sont contre l’Amérique sont les mauvais et on doit leur faire la guerre.
En disant qu’il faut repenser le terrorisme, ce sur quoi je voulais mettre l’accent, c’est le fait que le terrorisme ne se nourrit pas d’une source unique. Le terrorisme, comme beaucoup de phénomènes, est justiciable d’une analyse multifactorielle, il est justiciable d’une approche multidisciplinaire. On ne peut pas arriver à bout du terrorisme uniquement par une réponse sécuritaire et militaire parce que les ferments se trouvent dans l’échec des systèmes de gouvernances politiques, se trouvent dans l’accroissement des disparités économiques, se trouvent dans l’exclusion sociale dont sont victimes un certain nombre de groupe, se trouvent dans la recomposition culturelle et ce qui a été appelé d’un terme malheureux le clash des civilisations. Les ferments se trouvent dans l’aggravation, la péjoration climatique qui font que nombre de communautés villageoises, se retrouvent réfugiés économiques dans leurs propres pays. Enfin, les ferments se trouvent même, à la limite, dans les bas prix des matières premières et dans la guerre commerciale qui fait que les pays du Sud sont obligés de baisser leurs bannières douanières alors qu’ils ne sont pas en mesure de combattre sur un même pied d’égalité avec les pays du Nord.
REUSSIR : Ces groupes dont vous parlez sont victimes de la logique du marché. Faut-il la revoir alors pour combattre le terrorisme ?
Alioune Sall : Il faut revoir la logique du marché. Quand je disais qu’il y’a le fondamentalisme religieux, ceux qui s’abritent derrière la religion pour justifier leur radicalisation, il y’a également le fondamentalisme de ceux qui pensent que le marché constitue la seule voie de salut de l’humanité et c’est le discours de tous les groupes qui ont intérêt que le capital continue de se développer et ces derniers, ont une attitude aussi dogmatique que les fondamentalistes religieux.
REUSSIR : Aujourd’hui la rencontre de Dakar prend fin, vous avez pris part aux différents travaux et ateliers, avez-vous le sentiment que sur ces points que vous abordez le Forum a fait avancer le débat ?
Alioune Sall : Mon sentiment est qu’il y’a des avancées mais il y’a encore, beaucoup de points sur lesquels, le discours n’a pas changé. Les points sur lesquels on n’avance pas sont par exemple toutes ces questions qui concernent la porosité des frontières. La porosité des frontières n’explique pas ce qu’on appelle le développement du terrorisme. Il se trouve, qu’il y’a des régions qui, pour des raisons historiques, sont généralement situées au nord des pays, qui sont laissées à l’abandon. Ce n’est pas la porosité des frontières, mais plutôt le caractère attardé au plan économique de certaines régions qui se trouvent être aussi des frontières. Sur ce point là, il me semble qu’on n’a pas fait beaucoup d’effort. Par contre, j’ai été assez agréablement surpris de voir le représentant d’une puissance militaire comme les Etats-Unis reconnaître qu’il n’y a pas de solution militaire au terrorisme et qu’il faut trouver des approches alternatives. Cela va dans le bon sens, car la raison commence à prévaloir alors que jusqu’ici c’était le sensationnalisme politique, médiatique ou l’émotionalisme qui tenaient lieu d’arguments pour combattre le terrorisme.
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