Réussir Business : La Sonacos s’est fixée comme objectif de collecter 250 000 tonnes d’arachides pour la campagne 2020-2021. Où en êtes-vous ?
Youssoupha Diallo : En termes de collecte, la Sonacos est, aujourd’hui (l’entretien a été réalisé le 14 janvier, Ndlr), en train de dépasser les 24 mille tonnes. Si on regarde par rapport à la campagne écoulée, nous sommes dans une situation nettement meilleure. L’année dernière, la Sonacos avait collecté, au total, 28 mille tonnes à cause notamment de l’accaparement des graines particulièrement par ceux qu’on appelle communément « les Chinois ». Mais cette année-ci, le gouvernement a pris pas mal de mesures et la société s’est ajustée.
Parmi ces mesures, il y a la suspension des exportations de graines. Mais dans un entretien paru dans Le Soleil du 7 janvier, vous sembliez pessimiste par rapport à l’objectif de 250 000 mille tonnes. Deux jours plus tôt, vous n’étiez qu’à 6-7%. Manifestement les mesures du gouvernement n’ont pas suffi.
Par rapport à nos objectifs, aujourd’hui, nous avons dépassé les 10% alors qu’en début de la campagne, nous n’étions même pas à 1%. La Sonacos a même largement dépassé Copoel (Compagnie pour l’exploitation des oléagineux, Ndlr), qui était en tête de la collecte. Je rappelle que nous sommes seulement à un mois et demi de la campagne, qui peut durer cinq mois. Je crois que nous pourrions au moins dépasser le tiers des objectifs.
Donc vos objectifs ne devraient pas être atteints tout de même. Pourquoi la Sonacos n’arrive-t-elle pas à collecter à un rythme plus soutenu ?
Il faut relativiser, parce que sur une semaine, celle qui vient de s’écouler (du 4 au 10 janvier, Ndlr), Sonacos a pu collecter quasiment 10 mille tonnes, à peu près la moitié de ce que nous avions déjà collecté. Si cette tendance se poursuit, ces objectifs minimums pourraient être dépassés très largement. Les facteurs qui peuvent expliquer les lenteurs dans la collecte sont des facteurs spéculatifs. Les Ops (Opérateurs privés stockeurs, Ndlr), qui avaient anticipé les achats, ont stocké beaucoup de graines. Vous ne pouvez pas comprendre qu’aujourd’hui l’usine de Louga soit au premier rang avec plus de 15 mille tonnes déjà, ensuite arrive Ziguinchor, puis Diourbel et enfin Kaolack, le cœur du bassin arachidier.
Vous avez tenu un Conseil d’administration le 13 janvier, justement, pour aborder ces dysfonctionnements liés à la collecte de graines d’arachides, entre autres sujets. Quels sont les résultats de votre diagnostic et les actions envisagées pour corriger le tir ?
Effectivement, nous avons tenu un Conseil le mercredi 13 janvier. Il s’agissait de faire le point de la campagne et des mesures d’adaptation prises par la direction générale. Nous avons noté de très bonnes tendances, aujourd’hui, la Sonacos sort la tête de l’eau. Nous avons bien sûr fait des hypothèses assez réalistes, voire un peu pessimistes en termes de projections, mais les tendances notées nous confortent que nous ne sommes pas loin de 100 mille tonnes à terme. La Sonacos est une plateforme d’exportation de graines en plus des huiles végétales que nous importons pour approvisionner le marché sénégalais. Nous avons décidé de nous réajuster davantage aux réalités du moment.
« La Sonacos a les possibilités de contourner les spéculateurs, pour signer des accords de fourniture de graines d’arachides avec les grands groupes chinois. »
Dans son discours de Nouvel an, le chef de l’Etat a demandé des réformes profondes à la Sonacos. Ce sujet devait être abordé lors du dernier Conseil d’administration. Avez-vous dégagé des pistes ?
Au niveau des différentes conclusions du Conseil, pour répondre aux indications de réformes formulées par le président de la République, nous avons pris la ferme résolution d’ériger le service « Achats Graines » en direction plus opérationnelle, plus légère et plus efficace. Elle va permettre maintenant à la Sonacos de mettre en place un nouveau dispositif contrairement au système carreau-usine. La Sonacos va aller vers le producteur, mais selon des modalités nouvelles avec les contractualisations. Nous allons contractualiser avec les grands producteurs.
Et pour la transformation et la production d’huile, quels sont changements envisagés ?
L’indication qui a été donnée est que la Sonacos- puisque son cœur de métier c’est la transformation et la production d’huile- puisse tendre à faire de l’huile d’arachide une huile de table, cela veut dire une huile de luxe. Après l’huile d’olive, c’est l’huile d’arachide qui vient. Elle ne peut donc être vendue à n’importe quel prix. Notre objectif est de pouvoir transformer cela pour le marché intérieur et pour cela, il faut que les gens s’ajustent en termes de qualité, de prestation, de marketing, de label, etc.
Quelles sont les autres résolutions du Conseil d’administration de la Sonacos tenue le 13 janvier ?
Nous voulons faire de la Sonacos une véritable plateforme de transformation. Elle a les possibilités de contourner les spéculateurs, pour signer des accords de fourniture de graines d’arachides aux grands groupes chinois établis en Chine. Ce qui va agir sur une baisse des prix et permettre que ces marges spéculatives soient dégagées, mais aussi fournir des arachides de meilleure qualité dans les conditions de sécurisation et surtout de traçabilité en termes de devises. Il y a parfois pas mal de choses qui ne sont pas très claires dans ces procédures d’exportation. Parce que la quantité de graines exportées est supérieure à la quantité de devises qui revient au Sénégal. La Sonacos est, aujourd’hui, dans un processus de mutations, mais comme indiqué par le président de la République, ce sont des réformes réalistes et prudentes qui permettent d’aller de l’avant. Il ne sert à rien de créer des mécanismes qui vont répéter les erreurs du passé.
Quelles erreurs par exemple ?
Il y a eu des erreurs de certaines structures du fait de leur gigantisme, de leur caractère bureaucratique et surtout de l’augmentation des charges au niveau de la Sonacos. Une entreprise agricole doit avoir de la flexibilité, c’est-à-dire avoir des conditions de s’adapter aux variations saisonnières qui changent d’une année à une autre. La Sonacos de maintenant n’est pas la Sonacos d’antan : elle avait le monopole sur toute la collecte d’arachide, les semences, les engrais et sur la vente et l’importation des huiles. Aujourd’hui, elle est un acteur parmi tant d’autres aussi bien dans la collecte que sur la vente et la transformation d’huile. C’est un autre environnement, mais on a clairement conscience que nous sommes dans un autre contexte. Et comme on dit : « A autre contexte, autre méthode et autre stratégie ». Voilà la philosophie dans laquelle le président de la République nous a inscrits.
Discussion à ce sujet post