A la première édition du Forum de Saint Louis initiée par l’homme d’affaires Amadou Diaw, l’idéation sur l’innovation pour le changement social exposant sur les produits faits avec la peau de poisson a ravi la vedette aux autres rencontres d’échange et de partage.
A peine l’initiateur du Forum de Saint Louis, Amadou Diaw, a-t-il annoncé le démarrage des échanges de l’idéation autour du thème «L’innovation pour le changement social : vers une innovation solidaire», moment pendant lequel Agathe Derycke devait faire découvrir les outils, accessoires et objets de mode et d’habillent, fait à base de peau de poisson que la grande salle de l’Institut Français a commencé à se vider de son monde. Tout le monde voulait en savoir plus. C’est vrai. Car une foultitude de questions se bousculait dans la tête des uns et des autres qui ne pouvaient même s’empêcher de s’interroger à haute voix, sans s’en rendre compte. «De la peau de poisson en tissu avec toute cette odeur fade que dégagent ces fretins» a lancé l’un d’entre eux. «Quelle quantité doit-on avoir pour pouvoir faire quelque chose de bonne qualité pérenne si on sait que la peau de poisson est très fine» s’est exclamé un autre. Entre autres interrogations auxquelles Agathe Derycke et ses collaborateurs allaient apporter des réponses. Tout ceci fait que cet échange était celui à ne pas manquer pour rien au monde.
Pour avoir une bonne place, il fallait être le premier dans la salle devant la porte de laquelle, une petite bousculade s’est opérée, du fait du rush des curieux. Certains ne pouvant se permettre cela, ont préféré resté debout pour voir, entendre et enfin poser les questions qui les assaillaient et qui n’avaient pas encore été répondues en amont, lors de la présentation.
Compte tenu du timing très serré, la présentation a été faite à travers une vidéo qui expose tout le processus et la chaine de transformation. Du filet du pêcheur, en passant par les tanneries pour arriver aux artisans et aux produits finis. Agathe Derycke précise d’entrée, par respect à l’environnement et même aux produits halieutiques que le travail exige une rigueur. «Nous ne tuons pas le poisson pour uniquement prendre la peau et en faire des chaussures, des pagnes, des bijoux, et autres. On utilise les peaux des poissons attrapés pour la consommation et ceux qui sont morts ou rejetés dans la mer» a d’emblée précisé l’initiatrice. L’idée d’utiliser la peau de poisson est venue du constat de la grande quantité de poissons morts jetés sur les berges et qui finissent par devenir de la saleté impactant négativement sur l’environnement. A la suite d’une formation en design, Agathe en passage à Saint Louis, plus précisément à Guet Ndar, a voulu contribuer au développement des pêcheurs qui malgré tous les efforts, semblaient ne pas trop tirer profit de leur travail. Ou bien, il utilisait l’argent qu’ils gagnaient pour envoyer leurs enfants à l’émigration.
Invitant les populations à croire en eux et s’approprier ce projet, Agathhe Derycke a les appelées à cesser de croire que de telles idées ne pouvaient provenir que des toubabs. «C’est parce qu’il n’y a pas un accompagnement dans le renforcement des capacités et une formation pour pousser les acteurs à la créativité. Moi, c’est ma formation en design qui a été prépondérant dans ce que je fais avec vous. Si on pouvait aider ces gens à se former, surtout à cette ère de la technologie, ils pourraient faire des merveilles, innover, créer des choses extraordinaires. C’est vrai que j’ai pu avoir certains outils et un bagage pour entamer le travail, mais cela n’aurait pas été possible sans ces pêcheurs de Guet Ndar qui ont très tôt compris ce qu’on voulait accomplir et tous ces acteurs de la chaine» a indiqué Agathe Derycke.
Des babouches à 60 000frs, des ceintures à 50. 000 frs, des chaines à 75.000frs.
Faly Diaw, ingénieur de son au château centre culturel de Saint Louis, et non collaborateur d’Agathe Derycke dans ce projet, explique le processus. «Nous avons un fournisseur de peaux de poisson que nous convoyons à Diama pour le tannage. Lorsque ce travail est fait, c’est au tour des cordonniers de confectionner des babouches, des sacs, ou des ceintures, aux tisserands de les intégrer dans leurs tissus, aux bijoutiers d’en faire des chaines, des boucles d’oreilles, des bracelets et autres» a renseigné Faly. Avant d’informer sur les motivations de l’exposition au cours du Forum de saint Louis. «En exposant lors de ce forum, Agathe a voulu attirer l’attention sur me fait qu’on ne doit pas jeter les peaux de poisson qui peuvent être utilisées dans la création artisanale. C’est un produit de qualité d’une denrée rare. Et malgré la chaine de production, les prix sont abordables. On peut vendre le tissu à 300.000 FCFA. Pour les babouches, il y en a entre 40.000 FCFA et 60.000 FCFA. Pour les bracelets et les chaines, Agathe s’est rapprochée d’un jeune qui passait dans le centre pour y écouler des objets de bijouterie. Ils sont confectionnés avec du matériau en argent et sont vendus à des prix variant entre 15.000 FCFA et 75.000FCFA» a soutenu le jeune ingénieur en son. Entre autres avantages à tirer de ce projet, Faly insiste sur le fait qu’il contribue à fixer les fils de Saint Louis sur leur terroir. «Je prends mon exemple. Je subis une formation en ingénierie de sons à Dakar. Lorsque j’ai été imprégné dans ce projet dont je maitrise maintenant le circuit, je suis en train de trouver les moyens d’y investir pour rester à Saint Louis. D’autres jeunes qui ambitionnaient d’émigrer ont finalement décidé de rester ici pour gagner convenablement leur vie avec ce projet. C’est un projet qui marche bien. Néanmoins, nous demandons aux autorités du pays de donner un coup de pousse à Agathe et à tous les acteurs qui travaillent dans ce projet» a plaidé le jeune Saint Louisien.
Cheikh Mbacké Dieng, un des bijoutiers travaillant sur le projet raconte comment il a été impliqué et ce qu’il a gagné dans la collaboration. «Lorsqu’on m’a parlé du projet. Je suis resté une semaine à réfléchir sur comment on pouvait réaliser une telle chose. Je ne pouvais pas imaginer une seule seconde qu’on pouvait utiliser la peau de poisson pour en faire toutes ces belles créations. En donnant ma réponse favorable à accompagner le projet, j’ai juste osé faire le grand saut et voir ce qu’il va donner. Aujourd’hui c’est une nouvelle expérience que j’enregistre et qui me permet de faire de très bonnes affaires» a raconté le bijoutier.
Debout devant la table de présentation, la jeune demoiselle du nom de Mami rassure tous les potentiels clients que l’odeur du poisson qu’on ressent lorsqu’on met les babouches, les ceintures, et les autres produits prés de son nez, disparait avec le temps. «Quand vous commencez à porter les babouches, le contact avec le soleil, la sueur et autres, finit par faire disparaitre l’odeur de poisson. Certains disent que c’est peu cher mais nous estimons que c’est accessible. Et puis, ce n’est pas avec n’importe quelle peau de poisson qu’on réalise ces belles choses. Le prix est plus élevé quand, par exemple, c’est avec de la peau de lotte qu’une paire de babouche est confectionnée» a défendu Mami.
En attendant peut-être de s’en procurer, les participants du Forum n’ont pas manqué de prendre des images de ces belles créations qui semblablement séduit plus d’un.